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mystère et qu’il n’y a plus de libellas spccificationis, mais qu’il reste alors une liberté qui suffit 'à un mérite île la loi, la « liberté d’exercice » . De virtutibus infusis, 1904, n. 77, p. 125. A part cette liberté, il admet avec Suarez qu’il n’y a pas de nouvelle motion de la volonté dans le cas du fidèle habitué à croire, et croyant sous l’influence virtuelle d’actes de volonté faits autrefois. Op. cit., n. 144, p. 257. — c) École scolisle. — Plusieurs scotistes interprètent ainsi Scot, In IV Sent., 1. III, dist. XXV, q. n lateralis, n. 2, dans Opéra, 1894, t. xv, ]>. 211. « Chez les chrétiens accoutumés à faire des actes de foi, dit le cardinal Brancatus de Laurea, il n’est pas toujours nécessaire d’avoir dans tout acte de foi un commandement formel de la volonté, précédant immédiatement l’assentiment, mais il suffit d’un commandement virtuel… Les pieux fidèles, accoutumés par la méditation des vérités révélées à l’exercice de la foi…, ont cette expérience que, sans un nouveau commandement, ils font plusieurs actes de foi consécutifs sur le même article ou sur plusieurs… L’intention virtuelle n’a-t-elle pas une véritable influence et ne suffit-elle pas à la validité des sacrements et des contrats ? » In III um lib. Senl. Srnli, Rome, 1673, t. iii, part. I, disp. IX, n. 138 sq., p. 551. Mastrius fait une semblable remarque, In IV Sent., Venise, 1675, 1. III, disp. VI, n. 247, p. 358. Dans le cas de Vevidenlia in attestante, la volonté est incapable d’obtenir un dissentiment, et son commandement n’est pas nécessaire à l’acte de foi, d’après Krisper. Theologia scholæ scolisliciv, Augsbourg, 1748, t. ii, dist. VII, p. 134. Herincx, chargé d'écrire une somme théologique à l’usage des frères mineurs, dit qu’en face des motifs de crédibilité l’assentiment n’est pas toujours libre quoad specificationem, mais seulement plerumque. Sum. Iheol., Anvers, 1663, t. iii, disp. VII, q. ii, n. 13, p. 140. — d) École de la Sorbonne. — A cette difficulté : « La foi doit être libre : or elle ne le serait pas avec Vevidentia altestantis, » le célèbre docteur Martin Grandin répond : « La foi doit être libre disposilive (par sa disposition, sa tendance générale) : pour ce qui est d'être libre dans son acte, cela arrive ordinairement, communément : mais non pas absolument » dans tous les cas. Et il s’explique ainsi : La foi est libre par sa disposition, c’est-à-dire qu’elle est apte par elle-même à produire un acte libre, dans le cas où la divine révélation sera obscure. Elle est libre aussi dans son acte, mais, ordinairement…, il n’est pas absolument nécessaire qu’elle soit libre ainsi, puisqu’il peut exister un acte de foi spontané, primo primus, qui n’ait pas cette liberté ; de plus, il n’y a rien d’absurde à ce que Dieu nécessite l’intelligence à un assentiment de foi. » De ftde, disp. I, p. vi, dans Opéra, Paris, 1710, t. iii, p. 42.

Critique du système. — a) 11 évite ces exagérations du précédent, de nier avec bien des inconvénients tout fait d’euidenlia altestantis, et de mettre arbitrairement dans tout acte de foi un doute imprudent que chasse la volonté. — b) A rencontre de ces exagérations, il admet des exceptions qui ne détruisent pas la règle générale, et qui se concilient suffisamment avec les documents positifs sur la liberté spéciale de la foi. Le cas normal pour la foi, c’est celui où l’intelligence n’est pas déterminée par les preuves de l’objet formel, preuves solides mais laissant prise au doute imprudent, et où elle a besoin d'être déterminée par une intervention positive de la volonté. A côté de ce cas normal, quod est per se et regulariler, comme disaient les scolastiques, il y a place pour d’autres éventualités par manière d’exception, quod est per accidens. Or, dit saint Thomas, non datur judicium de re aliqua secundum illud quod est per accidens, sed solum secundum illud quod est per se. Sum. Iheol., Ia-IIæ , q. xx, a. 5. Dans l’ordre des choses morales dont parle ici le saint

docteur, ordre auquel appartient la foi, c’est par le cas normal que nous jugeons, que nous caractérisons une chose : c’est de lui que la foi pourra tirer son caractère propre, sa liberté spéciale. On objectera : un cas qui n’arrive pas toujours et par essence n’est qu’un accident : vous ne pouvez vous servir d’un accident pour caractériser, pour juger le sujet où il se rencontre. La réponse est qu’on doit distinguer des autres accidents l’accident régulier et normal, accidens per se ; cette sorte d’accident, dans les arts qui s’occupent du contingent, dans l’estimation des choses morales, sert à caractériser son sujet, à le spécifier, aussi bien qu’une propriété essentielle. Cette distinction est de saint Thomas : Accidentia quse omnino per accidens se liabent, relinquuntur ab omni arte propter eorum incertitudinem et infinitatem… Accidentia autem per se, cadunt sub arte. Ibid., q. vii, a. 2, ad 2um. A’on omnia accidentia per accidens se habent ad sua subjecta ; sed quædam sunt per se accidentia, quæ in unaquaque arte considerantur. El per hune modum considerantur circumslanliæ acluum in doclrina morali. Ibid., q. xviii, a. 3, ad 2um. En morale, il faut donc éviter d'être trop métaphysicien, de ne considérer jamais dans les choses que ces caractères essentiels qui conviennent à leur sujet sans aucune exception. Quand les conciles, les Pères ou saint Thomas, dans la description de l’acte de foi, font déterminer l’intelligence par la volonté, on a donc le droit de dire qu’ils prennent alors comme type caractéristique le cas principal et normal, celui où la liberté est plus grande et la foi plus méritoire, suivant la remarque de Ripalda ; qu’ils n’entendent pas nier tout autre cas possible ; qu’ils en font seulement abstraction dans leur jugement sur la foi, parce que non datur judicium de re secundum illud quod est per accidens. Ainsi le système se concilie avec ces textes. — c) Dans les cas secondaires et per accidens, où cette liberté spéciale de la foi manquera, il restera encore assez de liberté pour que l’acte puisse être méritoire. Le fidèle aura d’abord cette liberté qui consiste à appliquer son esprit, sans se laisser distraire, aux vérités de foi et aux saints objets plutôt qu'à des pensées humaines et à des objets plus attrayants pour la nature. De plus, si le seul rappel de la vérité de foi suffit à entraîner comme spontanément son adhésion, cette spontanéité ou cette facilité acquise n’est-elle pas le fruit de bonnes résolutions, d’efforts antérieurs de la volonté, et comme telle libre et méritoire dans sa cause, volunlarium in causal N’estelle pas, comme dit Ripalda, propre à l’esprit fidèle, étrangère à l’esprit hérétique ? Du reste, l’acte de foi proprement dit, qui consiste dans l’assentiment intellectuel, reste toujours intrinsèquement le même, quelle que soit sur lui fin fluenec plus ou moins grande ou plus ou moins prochaine de la volonté. Le canon 5 du concile du Vatican, si on l’objecte (voir col. 395), n’a point pour but de trancher cette controverse entre de grands théologiens, mais uniquement, ainsi que nous le savons par les Actes du concile, de rejeter l’erreur de Hermès, qui faisait de la production nécessaire de la foi par les arguments le cas normal, et même le cas unique et indispensable pour que l’acte de foi fût raisonnable ; le concile fait abstraction du cas exceptionnel de Vevidenlia altestantis, et ne juge pas de l’acte de foi secundum id quod est per accidens. Dans la « foi confuse » , le jaillissement spontané et nécessaire de la foi ne se fait pas comme chez Hermès par la pression des arguments, argumenlis humanæ rationis, mais, comme dit Suarez, en vertu d’actes antérieurs de la volonté, faits avec cette liberté spéciale niée par Hermès. — d) Malgré la réelle valeur de ces explications et de ces réponses, le problème serait résolu d’une manière encore plus satisfaisante si l’on pouvait montrer dans tous les actes de foi une liberté qui