Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/203

Cette page n’a pas encore été corrigée

391

K O I

w2

des explications seulement probables, qui n’ont aucune infaillibilité ; si l’on prenait dans un individu l’ensemble des convictions naturelles qu’il est habitué à regarder comme certaines, on devrait en reconnaître a priori un bon nombre comme suspectes dans leurs origines diverses et invérifiables : à ce titre on pourrait prouver une supériorité du côté de l’ensemble des vérités de foi. Voir col. 370. Mais nous sommes maintenant dans une autre question. Nous ne devons pas comparer ensemble à ensemble, mais acte à acte ; et, laissant de côté les hypothèses et autres éléments de moindre valeur qui sont dans les sciences humaines, nous entendons par « assentiment de science » un jugement scientifique parfaitement évident : car c’est là ce que les scolastiques, auteurs de la thèse, entendaient par aclus scientisc, c’est là ce qu’ils comparaient à l’acte de foi. Nous reconnaissons donc l’infaillibilité de ce véritable assentiment de science. Voyons maintenant celle de l’acte de foi. Si c’est le véritable acte de foi divine, comme le suppose cette thèse, a) il a pour objet une vérité vraiment révélée, et s’appuie à bon droit sur le témoignage de Dieu ; or rien au monde n’est si lié à la vérité, si éloigné de l’erreur, si infaillible en un mot que le témoignage de Dieu ; la foi tient donc de son motif propre une infaillibilité plus parfaite que celle de la science ; b) l’assentiment est surnaturel, donc infaillible ; rien ne dépasse autant, en cette vie, la faillibilité naturelle de la créature, rien n’assimile mieux à l’infaillibilité divine que la vertu infuse de foi, préparation de la vision béatifique. Voir col. 369 sq. L’acte de foi tient donc de son principe surnaturel, de son entité surnaturelle, une infaillibilité transcendante, plus haute que celle de la science, et identifiée avec lui d’une manière plus intime.

Voilà comment, du côté de l’infaillibilité, la foi est plus certaine que tout assentiment naturel ; ce qui se vérifie également bien dans la foi des simples. Si l’on recommence à objecter que cette infaillibilité nous reste invisible, nous répondrons de nouveau que ce n’en est pas moins une perfection de l’acte aux yeux de Dieu, et une perfection appartenant à la certitude. S’il s’agissait ici d’apologétique, un clément de certitude ne compterait qu’autant qu’il pourrait être constaté par un autre moyen que par la révélation elle-même. Mais la thèse des théologiens que nous avons ici à expliquer n’a pas la prétention d’être pratiquement utilisée en apologétique : elle est purement spéculative, déduite de la révélation, et ne sert qu’à donner à ceux qui croient déjà une plus haute et plus complète idée de leur acte de foi, en le prenant adéquatement avec tous ses éléments, visibles et invisibles. L’apologétique, elle, ne tiendra compte que d’une seule infaillibilité, de celle qui peut se constater par la critique des meilleurs motifs de crédibilité, reconnus d’une valeur infaillible comme preuves des préambules de la foi. Cette infaillibilité, quoique n’étant pas essentielle à l’acte de foi, puisqu’elle manque chez beaucoup de fidèles, est nécessaire à l’apologétique et en ce sens est une propriété importante de la foi. Et nous avons même le droit de la considérer dans la thèse présente, qui est une comparaison de valeur entre la foi et la science. Une telle comparaison doit se faire d’une manière équitable. Nous prenons la « science » à son plus haut point de perfection intellectuelle, dans son résultat le plus parfait, qui est l’assentiment certain sous la lumière de l’évidence. Il est donc juste de prendre aus_i la foi dans son acte le plus parfait intellectuellement, c’est-à-dire dans le cas où ses motifs de crédibilité sont d’une valeur absolue, et bien saisis dans toute leur valeur par la raison du croyant. Si l’on prend cet acte-là comme terme de comparaison avec la science, il aura, comme l’assentiment de science. une vraie infaillibilité naturelle et rationnellement

constatée, et, en plus, l’infaillibilité surnaturelle que nous avons développée plus haut. Ainsi la supériorité de la foi deviendra encore plus incontestable : deux infaillibilités valent mieux qu’une. « Plus il y a de raisons qui déterminent l’acte à la vérité, dit Pierre Ilurlado, plus grande est la certitude. » Uni versa philosophia, Lyon, 1624, p. 573.

2. Comparaison quant à lu fermeté.

Dans l’acte de foi, comme dans l’assentiment de science, il y a une adhésion ferme de l’esprit. Voir col. 88 sq. Que dans l’acte de foi cette fermeté soit duc en partie à l’influence de la volonté, c’est une pure question d’origine, qui n’atteint et n’atténue en rien la fermeté eu elle-même. Cf. Wilmers, De fide divina, Ratisbonne, 1902, p. 179. Que, par la suite, des doutes puissent s’élever plus facilement sur le terrain de la foi que sur celui de la science, cela ne diminue en rien, la fermeté actuelle de la foi, la seule que nous ayons à considérer ici : de même qu’une rechute d’un pénitent dans l’avenir n’empêche pas son ferme propos actuel. « L’assentiment de foi, dit un célèbre docteur de Sorbonne, Martin Grandin, peut être triplement envisagé : avant sa production, pendant et après. Il peut se faire qu’il y ait doute avant ou après la production de l’acte, mais non pas au moment même où il se produit. .. Or le doute qui précède, ou qui suit, ne diminue pas la certitude, à proprement parler. » Opéra, Paris, 1710, t. iii, p. 100, 101. Quand on considère précisément la fermeté d’un acte, on n’a pas à considérer l’état différent d’esprit qui a pu précéder, ou celui qui pourra survenir. L’absence de doute est donc égale dans l’assentiment de foi et dans celui de science : elle n’a pas de degrés. Mais on peut considérer dans la fermeté un élément positif qui a des degrés, nous l’avons vu tout à l’heure. Et de ce côté-là, on peut soutenir que la foi l’emporte sur la science. C’est l’avis de saint Thomas dans ce passage : « La foi, quant à la fermeté d’adhésion, a une plus grande certitude que la science ou l’intelligence (intuition immédiate), quoique, dans la science et l’intelligence, il y ait une évidence plus grande des choses auxquelles on adhère. » In IV Sent., 1. III, dist. XXIII, a. 2, sol. 3*. Cf. Qusest. disp., De verilate, q. xiv, a. 1, ad 7° m. On peut justifier cette assertion, si l’on tient compte de la résolution de préférence, acte de la volonté, mais qui a un contrecoup sur la fermeté même intellectuelle de la foi. C’est ainsi que saint Bonaventure procède : « Si nous regardons la certitude d’adhésion, dit-il, la certitude de la foi est plus grande que celle de la science : la vraie foi fait adhérer le croyant à la vérité qu’il croit, plus qu’une science ne fait adhérer à son objet. Un signe de cela, c’est que les vrais fidèles ne peuvent être amenés ni par raisonnements, ni par tourments, ni par promesses à nier, même extérieurement et en apparence, la vérité qu’ils croient. Au contraire, un géomètre serait insensé, qui souffrirait la mort pour un théorème de géométrie. Un vrai fidèle, qui posséderait à fond la philosophie, aimerait mieux perdre toute sa science, qu’ignorer ou nier un seul article de foi, tant il adhère à la vérité qu’il croit. » In IV Sent., 1. III, dist. XXIII, a. 1, q. iv, dans Opéra, Quaracchi, 1887 t. iii, pT 481, 482. Ajoutez que cette fermeté souveraine est aidée par la grâce, secours qui manque à la science naturelle. Ainsi il y a au moins compensation, du côté de la foi, pour la fermeté plus facile et toute spontanée que donne l’évidence parfaite, dans la science.

3. Conclusion.

La supériorité de la foi est très claire du côté de l’infaillibilité ; moins claire du côté de la fermeté, mais au moins la foi de ce côté-là n’est pas inférieure. La thèse commune des théologiens est donc solide ; car, pour la justifier, il n’est pas nécessaire de prouver que la foi l’emporte sur la science pour chacun des éléments de la certitude : il suffirait que