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3. Infaillibilité de l’acte de foi.

Pour qu’un assentiment soit vraiment « infaillible » , il faut que ce soil positivement lui, et non pas un pur hasard, qui exclue l’erreur ; il faut une impossibilité d’erreur qui dérive de la propre perfection de cet acte, ou, ce qui revient au même, de ses propres principes, d’où il tire sa perfection. Voir col. 207. — a) Parmi ces principes, il y a d’abord ceux qui influent sur lui objectivement, les motifs ou preuve de l’assentiment : si cette preuve est d’une valeur absolue, elle communique à l’acte une véritable infaillibilité naturelle ; et voilà, pour un jugement, la seule source d’infaillibilité que l’on considère dans l’ordre naturel et humain. C’est aussi la seule qu’en face du lidéisme nous ayons considérée dans les préambules de la foi, et en traitant de la certitude en général et de ses espèces, col. 206-211, et de la certitude relative des simples, col. 219-233. — b) Mais dans un assentiment surnaturel comme l’assentiment de foi, on peut distinguer un autre principe qui influe non pas objectivement et comme preuve connue, mais p’utôt subjectivement et comme faculté connaissante : c’est la vertu infuse, qui en coopérant à la production de l’acte le rend infaillible, puisque l’infaillibilité surnaturelle, dont nous venons de parler, n’est dans la vertu de foi qu’en vue de ses actes. Que cette sorte d’infaillibilité ne puisse être discernée par nous expérimentalement dans les actes où elle est, qu’elle ne puisse accroître notre fermeté d’adhésion, ni servir à l’apologétique, cela ne l’empêche pas d’exister réellement dans notre acte et de le rendre plus parfaitement lié au vrai en lui-même et aux yeux de Dieu.

Si nous comparons entre elles ces deux infaillibilités venues de sources différentes, et qui peuvent se rencontrer dans un même acte de foi, nous reconnaîtrons, somme toute, la supériorité de la seconde. La première vient de l’excellence des preuves, et suppose d’assez grandes connaissances apologétiques, qui ne sont pas à la portée de tous les fidèles ; la seconde vient de la vertu infuse, ou de la grâce actuelle remplaçant la vertu infuse, et se trouve aussi bien chez les enfants et les simples que chez les fidèles les plus savants : c’est donc la seule qui soit essentielle à l’acte de foi salutaire et surnaturel, à cet acte qui est le même essentiellement dans tous. La première rapproche l’acte de foi des actes naturels certains, et fait reconnaître sa valeur par la raison humaine ; la seconde n’a pas d’analogue dans les certitudes purement naturelles, et donne à la certitude de la foi un caractère spécial et transcendant. La première est liée à l’apologétique ; il faut donc qu’au moins quelques-uns dans l’Église aient de par leurs motifs de crédibilité cette infaillibilité-là, et la fassent valoir pour la défense et la justification de la foi commune à tous ; la seconde, n’étant connue qu’en partant de la révélation, ne peut servir à la prouver ; et n’étant connue qu’en général et dans l’abstrait, elle échappe dans le concert et pour tel acte déterminé à nos constatations humaines : elle ne peut donc servir comme discernicuhtm ou critère de la révélation pour soi-même, encore moins comme moyen d’apologétique pour les autres. Quand on s’occupe de l’acte de foi à un point de vue purement théologique et nullement apologétique (ce qui n’est pas d’ailleurs la tendance de notre temps), on peut considérer seulement la seconde infaillibilité et faire abstraction de la première. On est amené ainsi à prendre comme type l’acte de foi tel qu’il se présente chez les simples. Et telle est, pensons-nous, la position de saint Thomas dans tout le passage In Boetium dont nous avons cité quelque chose, col. 370 ; passage très riche, mais très bref parce qu’il traite beaucoup de choses incidemment, et par suite ne donne pas tous les éclaircissements désirables. Il y parle de motifs qui poussent à la foi, mais qui n’ont réellement

de valeur que pour donner une opinion plus ou moins forte : et tels sont bien les motifs de crédibilité tels qu’ils sont perçus par une multitude de fidèles, bien que ces motifs leur donnent, à eux, une certitude relative et une croyance ferme. Mais une croyance ainsi motivée n’est pas un « jugement parfait » : elle ne peut avoir sa fermeté que grâce à l’imperfection du développement de l’intelligence. Nec per hoc potest haberi perfeclum judicium de lus r/uibus assentitur. Opéra, édit. Vives, t. xxviii, n. 508. Elle peut suffire telle quelle dans un jugement spéculatif de crédibilité antérieur à l’acte de foi. Voir col. 231 sq. Mais l’acte de foi lui-même doit être un jugement parfait, un jugement infaillible : il faudra donc qu’il puise son infaillibilité à une autre source que ces motifs qui ne la donnent pas. Unde et in fide qua in Deum credimus, poursuit saint Thomas… est habitas fldei, divinilus menti humanse infusum… Non potest fallere… Unde hoc lumen suffïcil ad judicandum. C’est ce principe surnaturel seul qui donne l’infaillibilité et la perfection à ce jugement de la foi tel qu’il est dans tous. Mais de ce que saint Thomas ne considère ici que l’infaillibilité essentielle de l’acte de foi, il ne s’ensuit pas qu’il nie une autre infaillibilité secondaire, qui procède de la perfection des motifs de crédibilité et ne se trouve que dans une partie des fidèles : il en fait seulement abstraction. Ainsi peut très bien s’expliquer ce texte ; et nous ne voyons pas qu’une interprétation toute différente s’impose à nous, celle qu’en donne M. Rousselot, conformément à son système exposé plus haut, col. 260 sq.

Ce que nous avons dit fera aisément comprendre une preuve donnée par beaucoup de théologiens en faveur de l’infaillibilité surnaturelle de l’acte de foi. Cet acte est représenté comme certain, véritablement et absolument certain, dans l’Écriture et la tradition, par des expressions comme ïlsy/oc, Heb., xi, 1, 7r).r, po<popia, Heb., x, 22 ; Rom., iv, 21. Voir ci-dessus, col. 86, 88, 89. Donc il doit avoir les deux éléments essentiels de la certitude véritable et absolue, voir col. 206 : non seulement la fermeté d’adhésion, mais encore l’infaillibilité. Et le concile de Trente le déclare infaillible : « La certitude de foi, dit-il, où l’erreur ne peut se glisser, » ceriitudine fidei, cui non potest subesse falsum. Sess. VI, c. ix, Denzinger, n. 802. Or l’infaillibilité de cet acte manquerait dans une multitude de fidèles, s’ils devaient l’emprunter à la valeur des motifs de crédibilité qui les amènent à la foi, s’ils n’avaient pas une autre source d’infaillibilité pour leur acte, dans le principe surnaturel qui le produit. Il faut donc admettre (ce que nous savions déjà par ailleurs) que ce principe surnaturel est infaillible, qu’il ne peut jamais exercer son acte sur une proposition fausse ou une fausse révélation. Voir, par exemple, Lugo, De fide, disp. IV, n. 78, t. i, p. 29 ; Franzelin, De traditione, 2e édit., Appendix, c. i, sect. ii, n. 5, p. 577-579.

/ ; I. LA 101 COMME VERTU THÉOLOGALE ; SO OB.IEf

matériel et sos objet d’attbi rutiox. — 1° Notions préliminaires. - — Il existe une vertu infuse de foi, nous l’avons prouvé. Mais toute vertu infuse n’est pas nécessairement théologale. Outre les vertus théologales, la grande majorité des théologiens admet avec saint Thomas contre Scot l’existence de vertus morales infuses : prudence infuse, tempérance infuse, etc. Voir Vertu. Quoi qu’il en soit de cette controverse, des vertus morales infuses étaient au moins possibles, et les concepts de vertu infuse et de vertu théologale ne se confondent pas. Le premier fait abstraction de Vobjet de la vertu, et signifie seulement que Dieu est la seule cause efficiente de cette vertu, lui seul pouvant mettre en un instant une vertu dans notre âme ; c’est pour la vertu une question d’origine. Le second concept roule sur Vobjet de la vertu : pour qu’elle soit