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peut connaître » ces choses ; il n’en est pas ainsi de « l’homme spirituel » : il a « le sens du Christ. » Ibid., 14-16. Ainsi l’apôtre arrive à montrer explicitement dans l’intelligence du chrétien comme une faculté nouvelle, voOv Xptoroû. Il demande pour les Éphésiens « un esprit de sagesse » pour connaître Dieu et les « richesses de l’héritage réservé aux saints. » Eph., i. 17, 18. Il veut que les fidèles < soient enrichis d’une pleine conviction de l’intelligence, et connaissent le mystère de Dieu, du Christ. » Col., ii, 2. Saint Jean parle de même : « Nous savons que le Fils de Dieu est venu, et qu’il nous a donné une intelligence, Btavoiav, pour connaître le vrai Dieu. » I Joa., v, 20. Ces mots n’indiquent pas seulement le don d’une révélation extérieure et objective, mais comme une faculté nouvelle dans le sujet, une faculté de connaissance. C’est ce même don que saint Jean a décrit plus haut comme « une onction permanente » qu’ont en eux les chrétiens, qu’ils ont reçue de Dieu, qui leur fait « connaître tout » , tout ce qui est nécessaire à leur connaissance religieuse ; « qui enseigne les fidèles sur toute chose, d’un enseignement véridique et qui ne peut tromper, » ibid., ii, 20, 27, sans les dispenser pourtant de l’enseignement extérieur des apôtres, dans lequel on doit demeurer, 24, et cela malgré les séducteurs, 26. Or il s’agit de la foi dans ces textes, dans ceux mêmes où elle n’est pas nommée dans le contexte. Ce don de connaissance, nous élevant au-dessus de l’homme naturel, ce don qui est l’apanage de tous les chrétiens grâce à la rédemption du Christ, ce don qui se rapporte à l’habitation de l’Esprit-Saint en nous, c’est-à-dire à la justification, qui nous fait connaître les mystères, les grâces que Dieu nous a faites, cette grâce intérieure qui nous aide à atteindre toute la vérité religieuse dont nous avons besoin et à en avoir la pleine conviction, ne peut être qu’une grâce nous aidant directement à l’assentiment intellectuel de foi. Car on ne voit aucun autre acte intellectuel qui soit ainsi dans tous les chrétiens, qui atteigne les mystères et toutes les vérités religieuses dont ils ont besoin, enfin qui soit lié à la justification : seul l’acte intellectuel de foi réalise toutes ces conditions ensemble, ce que ne font pas d’autres actes de connaissance appartenant à la mystique. D’ailleurs aucune autre connaissance religieuse ne caractérise davantage la vie présente que l’assentiment de foi ; l’apôtre le décrit comme la lumière propre qui sur la terre guide nos pas : Per fidem ambulamus, et non per speciem, II Cor., v, 7 ; cf. I Cor., xiii, 12, 13, ou il oppose encore la foi d’ici-bas à la claire vision du ciel. L’acte intellectuel de foi est donc le produit direct d’une grâce spéciale, il est surnaturel en lui-même.

c) Non seulement l’assentiment de foi éclaire et caractérise la vie présente du chrétien, comme un autre acte intellectuel, la vision de Dieu face à face, éclaire et caractérise sa vie future, d’après saint Paul que nous venons de citer, mais, si différentes que soient ces deux attitudes de l’intelligence, l’une par son peu de durée et son mélange de ténèbres, l’autre par son éternité et sa splendide clarté, il y a entre elles une relation intime, une ressemblance, une continuité essentielle, d’après de nombreux Pères et docteurs des divers âges de l'Église. Ainsi Clément d’Alexandrie définit la foi une anticipation, TtpôXrnkç, et comme il cite immédiatement la définition célèbre, Heb., xi, 1, on peut conclure qu’il entend une anticipation de l'éternelle contemplation de Dieu que nous espérons. Strom., II, c. ii, P. G., t. viii, col. 939. Saint Augustin, citant II Cor., v, 7, explique ainsi le mot specii’s : « Cette pleine vision qui est le souverain bonheur, » et il ajoute : « Vous me demandiez quel est le premier et le dernier terme ; les voici : inchoari fi.de, perfici speeie. » Il établit ainsi la corrélation, et dans '

la foi ce caractère de commencement, d'ébauche qui

sera un jour achevée. Enchiridion de fide, etc., c. v, P. L., t. xl, col. 233. Saint Pierre Chrysologue compare la foi à la fleur et la future vision au fruit ; le fruit est le développement de la fleur, mais il met fin a la fleur. Grali flores, sed usque dum veniatur ad poma… Flores eonsumuntur a pomis. Serm., lxii, P. L., t. lii, col. 372. Saint Bernard définit la foi « un avant-goût certain de la vérité non encore mise au grand jour. De consideratione, 1. V, c. iii, P. L., t. ci.xxxii, col. 791. Saint Thomas, employant le même mot de prselibatio, avant-goût, essai d’une liqueur, dit : Fides prælibalin quædam est illius cognitionis quse in fuluro bealos faciet. Opusc, 1, Compendium lheologiæ ad Reginaldum, c. i, dans Opéra, Paris, 1895, t. xxvii, p. 2. Il dit encore : (Fide) inchoatur vita œlerna in nobis. Sum. theol., II a II æ, q. iv, a. 1. Cf. Qiuvst. disp., De veritate, q. xiv, a. 2. Et Jésus lui-même n’a-t-il pas dit : « C’est (déjà) la vie éternelle de vous connaître, ô vous seul vrai Dieu, et le Christ que vous avez envoyé, » Joa., xvii, 3, connaissance qui se fait par la foi. Cela explique mieux encore pourquoi l'Épître aux Hébreux fait entrer la béatitude future, res sperandw, dans la définition même de la foi, xi, 1.

Mais comment la foi obscure peut-elle être considérée comme un avant-goût, une anticipation, un commencement de la claire vue, puisque le clair est oppose à l’obscur, puisque la vision mettra fin à la foi ? De la même manière que l’aube matinale est le commencement du grand jour, et qu’une première idée confuse est souvent un acheminement à l’idée distincte. Tandis que notre raison laissée à elle-même n’atteint tout au plus de Dieu que ce qui nous est naturellement connaissable, quod notum est Dei, Rom., i, 19, la foi, dépassant la nature, commence à découvrir avec certitude les profondeurs de Dieu, profunda Dei, I Cor., ii, 10, bien que dans l’obscurité du mystère ; par là elle se rattache à la vision éternelle où ces profondeurs apparaîtront à découvert. Malgré toutes les différences, il y a donc ressemblance et continuité entre ce faible commencement et cette consommation admirable. Donc, puisque le dernier terme appartient intrinsèquement au monde surnaturel, il devait en être de même du premier, afin de ne pas dissocier comme dans des sphères différentes l'ébauche et sa perfection, la fleur et le fruit, l’aurore et le jour.

La volonté de croire, dont nous parlions tout à l’heure, tend à la vision intuitive comme l’intention à la fin dernière, ou (dans le juste) le mérite à la récompense ; à ce titre elle devait être surnaturelle, car le mérite doit être proportionné à la rémunération, et dans le même ordre. L’acte intellectuel de croire tend à la vision intuitive d’une autre façon, à titre d’anticipation, d'ébauche, d’aurore, et c’est ce qui motive sa surnaturalité. Mgr Berteaud, évêque de Tulle, a bien rendu ce dernier point, moins généralement connu que le premier. Parlant du passage de la foi à la vision céleste : « Les ombres s’en iront, dit-il ; sans changer d’objet, sans recherche nouvelle, nous trouverons sous notre œil l’essence divine. Il sera démontré que nous avions Dieu pour terme de notre connaissance par la foi. Ce petit germe contenait l’infini. Quelques-uns se plaignaient du peu de beauté et d'éclat des formules de la foi : on les disait minces et ternes. Cependant les splendeurs sans bornes y étaient contenues, non gênées, non amoindries. Une graine d’arbre est fort médiocre. Qui oserait dire, si l’expérience ne l’attestait, que là-dedans sont rangés à l’aise, selon une parfaite règle, le tronc, les rameaux, les feuilles, les fleurs. les fruits ? Tout y est néanmoins ; c’est de cet écrin obscur que L’arbre s'élance. L’objet infini s’est mis en son intégrité dans de faibles syllabes. Il en jaillira un jour à nos yeux, étincelant. » Lettre pastorale sur