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FOI


sible, dit Mayr, n’est pas de nature à fonder un doute réel. » Et il ajoute cette comparaison : « On ne pourrait pas accuser un père de vouloir la mort de son fils aîné, s’il disait : Supposé que je dusse perdre un de mes fils, j’aimerais mieux perdre l’aîné que le cadet. » Theol. scholaslica, Ingolstadt, 1732, 1. 1, De fide, n. 664, p. 188. A plus forte raison, ce n’est pas vouloir douter réellement de l'évidence, que de dire : Si par impossible il naissait un conflit entre une vérité immédiatement évidente et la vérité révélée, j’aimerais mieux nier la première que la seconde. Concluons que nous ne pouvons empêcher ceux qui le veulent d’exprimer ainsi l’ardent amour de préférence qu’ils ont pour la parole de Dieu et la foi, ni mépriser leur acte comme absurde. Leur amour de préférence acquiert ainsi un plus haut degré de perfection accidentelle. Oxea, Tract. De spe et cariiate, Saragosse, 1662, p. 216, 217.

3e opinion, moyenne et préférable. Elle nie l’obligation d’envisager cette hypothèse impossible, et reconnaît même que souvent la prudence interdit de l’envisager. Mais elle reconnaît que cette forme hardie de la résolution de préférer la foi n’a rien d’absurde, que par elle de grands saints ont exprimé leur souverain attachement à la parole de Dieu, et qu’elle a son utilité en certains cas. La preuve de cette opinion a été donnée en critiquant les deux autres.

4. Qutlles formes cette résolution prend-elle parmi les fidèles ? — A cette occasion, nous parlerons de la « foi implicite » , et de la « foi du charbonnier » .

a) Diverses formes de cette « résolution de préférence » . — En pratique, elle peut s’exprimer de bien des manières, que l’on rencontre chez les fidèles, par exemple : « Je veux résister à'toutes les tentations contre la foi. » Ou bien, comme disent les catholiques quand ils craignent de proférer ou d'écrire quelque chose de contraire à la révélation, dont l'Église est la gardienne et l’interprète autorisé : « Je suis prêt à me soumettre au jugement de l'Église. » C’est en effet à l'Église de décider ce qui contredit ou ne contredit pas le donné révélé, et ce que l’on peut avancer sans danger de le contredire iulo. Être prêt d’avance à accepter toujours ce jugement de l'Église sur les doctrines, c’est pratiquement être disposé à préférer toujours la révélation à ce qui peut la contredire.

A cela revient aussi la formule générale qu’emploient si souvent les fidèles dans leurs actes de foi : « Mon Dieu, je’crois tout ce que vous avez révélé » ou bien — formule qui comprend la précédente, puisque l'Église est chargée de nous enseigner la révélation divine — : « Je crois tout ce que votre Église nous enseigne. » Analysons cet acte. Y a-t-il là quelque chose d’intellectuel ? Oui, au moins indirectement : cet acte suppose comme certain que Dieu a fait une révélation, ou même encore qu’il a fondé une Église et lui a donné mission de nous proposer cette révélation, pour que nous puissions l’avoir dans son intégrité. Ces faits généraux, voilà l’objet que l’on atteint par 1'inttlligence, indirectement. Mais d’autre part, en disant : « Je croit tout ce que vous avez révélé, tout ce que votre Église enseigne, » on cherche à entrer en relation avec toutes les vérités qui forment le contenu de la révélation divine, sans rien retrancher, sans rien excepter. Cette relation-là ne peut pas être une relation de connaissance : un fidèle ne connaît pas, ne peut pas connaître tout ce qui est proposé par l'Église, ni surtout tout ce qui est révélé dans les Livres saints ; et quand il l’aurait connu, il ne peut avoir tout cela présent à l’esprit dans cet acte rapide ; de plus, cet acte peut être fait par un enfant que l’on commence à instruire de la foi, qui ignore encore une partie des vérités que l'Église oblige tous les fidèles à connaître et à croire explicitement. Reste donc qu’il y ait là une relation de volonté, de désir : « Je veux croire tout le

contenu de cette révélation, je désirerais le croire explicitement si c'était possible, et de mon côté je ne mettrais aucun obstacle par la mauvaise volonté. «  C’est ce que saint Thomas appelle credere implicite, vel in præparalione animi, inquantum paratus est credere quidquid divina Scriplura continet. Sum. theol., IIa-IIæ, q. ii, a. 5. Je suis prêt à croire, en particulier, tout ce que l'Église dans la suite pourra proposer aux fidèles, prêt à accueillir le dogme, prêt à rejeter ce qui lui est contraire. C’est donc encore une manière d’exprimer la résolution générale dont nous parlons. Et si ce n’est pas « croire » les dogmes au sens propre du mot, c’est « vouloir les croire » .

b) La foi implicite. — C’est l’acte dont nous venons de parler ; et l’analyse que nous en avons faite nous permet de répondre aux objections dont Calvin a voulu l’accabler. « Ils (les théologiens catholiques) ont bâti une fantaisie de foi, qu’ils appellent implicite, ou enveloppée… Cette fantaisie non seulement ensevelit la vraie foi, mais la détruit du tout. Est-ce là croire, de ne rien entendre moyennant qu’on soumette son sens à l'Église ? Certes, la foi ne gît point en ignorance, mais en connaissance… C’est par cette connaissance et non point en soumettant notre esprit aux choses inconnues que nous obtenons entrée au royaume céleste. » Institut, chrétienne, 1. III, c. ii, n. 2, dans le Corpus reformalorum, Calvini opéra, Brunswick, 1866, t. iv, col. 11. Et plus loin : « Ils déterminent que ceux qui s’abstiennent (al. s’abrutissent) en ne sachant rien, et même se flattent en leur bêtise, croient dûment et comme il est requis, moyennant qu’ils s’accordent à l’autorité et jugement de l'Église sans rien savoir ; comme si l'Écriture n’enseignait point partout que l’intelligence est conjointe avec la foi. » Loc, cit., n. 3, col. 12. — Réponse. — « .Calvin calomnie nos théologiens. Ils n’ont jamais dit qu' « en ne sachant rien » on croit « comme il est requis. » Au contraire, ils ont affirmé, et tous nos manuels de théologie morale leur font écho, que les plus ignorants des fidèles ont le précepte rigoureux de croire « explicitement et donc de connaître un certain nombre de vérités révélées, spéculatives ou pratiques, le symbole, le Décalogue, etc. Personne ne peut se contenter de la « foi implicite » , mais doit y ajouter d’autres actes de foi, explicites ceux-là et où l’on attache aux formules un sens déterminé. De là les catéchismes, et la peine que se donnent ceux qui les font pour mettre les principales vérités de la foi à la portée des enfants et des simples. — b. La foi implicite elle-même, nous l’avons montré, n’est pas sans aucun élément de connaissance : elle rappelle d’une manière générale une vérité essentielle à la foi comme les premiers principes le sont à la raison, c’est-à-dire que Dieu nous a fait une révélation ; elle y joint une autre vérité importante, c’est que cette révélation nous est enseignée par l'Église ayant mission pour cela. — c. Mais surtout il y a dans cet acte de foi implicite l’expression de la volonté de croire, et de la seule bonne volonté de croire, celle qui s'étend à tout ce que Dieu a révélé, sans rien excepter, préférant ainsi l’intégrité du témoignage divin à tout ce qui pourrait le mutiler, c’est-à-dire le contredire en un point quelconque. La foi demande essentiellement la bonne volonté ; aussi l’importance de cette volonté docile, de cette pieuse affection envers la révélation divine est si manifeste qu’un peu plus loin Calvin lui-même est obligé de l’avouer : « Nous pouvons appeler foi (l'édition latine dit fidem implicitam) ce qui, à proprement parler, n’est qu’une préparation à icelle. Les évangélistes récitent que plusieurs ont cru, lesquels seulement ont été ravis par les miracles de JésusChrist, pour l’avoir en admiration, sans passer plus outre que de le tenir pour le rédempteur qui avait été promis ; combien qu’ils n’eussent connu la doctrine de