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vulgaire du mot, la mauvaise foi à l'égard des hommes, qu’ils tâcheraient de tromper par l’hypocrisie ou le mensonge ; ni même à l'égard d’eux-mêmes, en ce sens qu’ils chercheraient constamment à se tromper, et manqueraient absolument de droiture et de sincérité. On voit que cette distinction théologique des hétérodoxes « de bonne foi » et des hétérodoxes « de mauvaise foi » n’a pas, pour ces derniers, le sens injurieux qu’on lui prête ; sans compter qu’on ne caractérise ainsi aucune personne déterminée. Dans un sujet pareil, à propos des athées, Ollé-Laprune, tout en soutenant qu’ils n’ont pu le devenir que par leur faute, fait une semblable remarque : « Assurément, dit-il, il peut y avoir une certaine honnêteté dans l’erreurmême coupable, une certaine candeur d'âme, qui inspire la sympathie et une sorte de respect : je puis, à la condition de ne point donner aux mots leur sens plein et complet, honorer la sincérité et rendre hommage à la bonne foi de tel et tel homme dont je condamne énergiquement les négations. Ce n’est pas pure convenance mondaine, pure politesse : c’est justice. Cet homme ne se sert-il pas avec loyauté des armes de l’argumentation ? N’a-t-il pas vers la vérité de beaux et généreux élans ? N’a-t-il pas eu le courage sur tel point de surmonter un préjugé, d’avouer une erreur ? Que sais-je ?… bien des choses décèlent la noblesse de son âme, et voilà ce que je loue, ce que j’aime en lui. Mais le même esprit de justice m’empêche de voir là cette absolue sincérité, cette parfaite bonne foi qui, dans le for intérieur, devant la conscience, excuse complètement l’erreur. On n’a pas le droit d’exiger de moi que j’aille jusque-là, car je ne puis, pour absoudre un homme qui se trompe, accuser la vérité morale de se dérober, en ce qu’elle a de plus essentiel, à la bonne volonté qui la cherche et l’appelle. » De la certitude morale, c. vii, Paris, 1880, p. 374.

3. Les concessions que l’on peut ou que l’on doit faire a l’opinion la plus large. — Elles serviront à bien délimiter la doctrine que nous venons d’exposer, qu’un catholique ne peut, sans qu’il y ait de sa faute, perdre la possibilité de croire sa religion, en quoi il diffère des hétérodoxes. « ) // n’est question que d’un catholique bien formé. — Quand on dit, pour abréger, qu' « un catholique » ne saurait changer de religion sans qu’il y ait de sa faute, il faut toujours sous-entendre cette condition, que le concile du Vatican indique par ces mots : qui fidem sub Ecclesix magisterio susceperunt. Voir col. 290. Il faut donc entendre un catholique dûment catéchisé, comme on a coutume de le faire normalement dans I I -lise, et parvenu ainsi à faire un véritable acte de foi avec toutes les conditions exigées, enfin ayant appris qu’il doit évitei les dangers et résister aux attaques contre la foi, et y persévérer toujours. Sans cela il ne partirait pas pour la vie avec le bagage que doit emporter tout fidèle, d’après saint Thomas : Elsi non omnes habentes fidcrn plenc intelligunt ea quoe propoiiimtur credenda, intelligunt (amen eu esse credenda, i ( quod ab cis nullo modo est deviandum. Sum. theol., II a II » , q. viii, a. 4, ad 2 U ">. Il ne serait donc pas étonnant qu’il quittât sa religion sans qu’il y eût de sa faute, croyant que c’est permis, et ignorant ce que c’est que fermeté et constance dans la foi ; et Dieu ne sciait pas obligé de faire des miracles pour suppléer au cati chisme qui lui a manqué ; toutefois il veillerait à lui offrir avant sa mort des moyens de salut. De même notr< thé i ne s'étend pas a un enfant baptisé dans lise catholique, et puis emmené par de-, parents indifférents dans un milieu hétérodoxe où sans aucune nie de i pari il passerait a une secte. Le baptême ne suffit pas, il finit encore le catéchisme ; et non pas un demi-i atéchisme, ni un catéchisme donné dans des conditions ou l’enfant ne pouvait rien saisir. Bien d « 

apostasies aujourd’hui pourraient s’expliquer ainsi, sans la faute de l’incroyant.

b) Il n’est question que de la foi « catholique » . — Cette « foi reçue sous le magistère de l'Église, » qu’on n’a jamais ensuite un juste motif de révoquer en doute, ou d’abandonner, et qui par une protection spéciale de Dieu gardera toujours pour le catholique sa crédibilité, c’est l’ensemble des vérités révélées que l'Église propose comme devant être crues explicitement par tous les iidèles, c’est la foi « catholique » . On ne peut pas prouver que la protection providentielle doive s'étendre à une vérité révélée qui n’est pas ainsi proposée par l'Église, et qui est de foi « divine » sans être en même temps de foi « catholique » . Voir col. 169 sq. Une telle vérité ne serait pas su b magisterio Ecclesia' suscepla. Exemple : un fidèle fait un acte de foi divine et surnaturelle sur une vérité que l'Église n’a pas proposée comme devant être crue explicitement par tous les fidèles, mais qu’il tient pour révélée dans tel passage de l'Écriture, et qui l’est en effet. Mais voici que des exégètes catholiques lui disent par erreur que tel n’est pas le sens de ce passage et que cette doctrine ou ce fait n’appartient pas au donné révélé ; devant leur autorité, il cesse de croire ce point comme révélé, et même le révoque en doute : peut-il arriver qu’il le fasse prudemment, et sans aucune faute de sa part, et la providence peut-elle permettre dans un homme bien disposé cette perte d’une vérité révélée ? De même, avant la définition de l’immaculée conception, un fidèle qui la croyait fermement comme révélée, l’entendant nier par des théologiens catholiques, a-t-il pu sans faute la révoquer en doute et perdre cette vérité pour le reste de ses jours ? Rien ne prouve que tout cela soit impossible ; les preuves données plus haut ne valent pas pour ces cas, où malgré un inconvénient de détail l’ensemble de. la foi « catholique » serait sauf. « Il est possible moralement (c’est-à-dire licitement), dit Scheeben, de rétracter dans certaines circonstances la foi vraiment divine et surnaturelle en tant qu’elle n’est pas la foi catholique réelle et formelle. Car il est toujours possible en soi que sur certains points de doctrine l'évidence de la crédibilité disparaisse plus tard de l’esprit ou soit obscurcie par des raisons contraires… Mais la foi catholique, sans être physiquement indestructible, est cependant irrévocable et indélébile en ce sens, qu’elle ne peut être rétractée que par une conduite déraisonnable et immorale. Il y a toujours devoir impérieux en même temps que possibilité rationnelle d’y rester immuablement attaché. La dogmatique, trad. franc., l’aris, lcS77, >$ 46, p. 547. Eusèbe Ainort avait déjà au xviii siècle une remarque semblable : « Il y a une grande différence entre un point de religion non encore défini, et la religion tout entière ; car la providence divine est tenue d’empêcher que nous ne soyons induits en erreur sur le choix menu île notre religion… Mais elle n’est pas tenue d’avoir la même sollicitude sur chaque art Ide en particulier. l.or. cit.. n. 1°). p. 265, 266. El il Indique la raison profonde tic cette différence : c’est que, si un fidèle a le malheur de perdre un article, il peut facilement le retrouver tant qu’il conserve par ailleurs la vraie religion, tant qu’il peut recourir a l’enseignement infaillible de l'Église ; mais s’il perd l'Église elle-même, comment réparer cette perte Immense ? Dans le premier cas, mais non pas dans le second, il peut trouver à sa portée un remède au mal.

r) // n’est pas question d’un dogme particulier dont h piiic mcompromettrait pas r ensemble île In foi catholique, la raison que donne Aniort s'étend aussi bien au cas d’une vérité de foi catholique, si de sa perti ne doit pas résulter la perle de la foi catholiqui

entière', Dieu ne sérail pas obligé, semble i il. d’empêcher par une pn> idence spéciale le fait de se produire.