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FOI


VIII. Persévérance dans la foi ; résolution de PERSÉVÉRER. — Nous abordons des questions nouvelles et fort pratiques. En traitant de la fermelé de la foi, élément de sa certitude, jusqu’ici nous n’avons considéré qu’une fermeté d’adhésion actuelle, une fermeté de conviction pour le moment présent, et qui suffît à la certitude d’un acte de foi. Mais souvent on étend le mot « fermeté » à signifier une certitude habituelle, une force de conviction qui dure, ce que nous appellerons en termes plus clairs constance, persévérance dans la foi. Nous entendons une persévérance vraiment complète, perpétuelle, c’est-à-dire allant jusqu'à la fin de la vie, et sans interruption soit par l’apostasie soit par un doute librement accepté. Et la première question qui se pose, c’est de savoir si une telle persévérance est possible à tous les fidèles. Il y a contre cette possibilité deux classes bien distinctes d’obstacles. La première vient des passions et de la mauvaise volonté, puisque la certitude des préambules, condition de la possibilité et de l’obligation pratique de croire, n’est ordinairement qu’une certitude morale, laquelle dépend de bonnes dispositions morales. Voir col. 210. Ces bonnes dispositions venant à céder devant l’orgueil ou d’autres passions mauvaises, la certitude des préambules de la foi peut succomber, et avec elle la possibilité de croire, comme elle peut revenir par le seul fait du changement du cœur. Nous n’entrerons pas dans l'étude de ce genre d’obstacles affectifs, soit parce que cette étude est relativement facile, soit surtout parce qu’elle ne regarde pas directement notre sujet. La seconde classe d’obstacles provient de notre intelligence elle-même, de ses faiblesses et de ses besoins ; leur étude est tout à fait propre à notre sujet, et comprend plusieurs questions intéressantes et difficiles. D’abord, question de méthode scientifique. Si l’on veut transformer la foi naïve de l’enfance en une foi parfaitement raisonnable pour un homme instruit, ne conviendrait-il pas de l’interrompre soi-même à un certain point de la vie et de douter volontairement de toute sa religion, jusqu'à ce qu’on en ait fait une démonstration rigoureuse et complète ? Hermès l’a pensé. Ensuite, question de crise imprévue et soudaine où peut se trouver un croyant. Sans interrompre de sa propre initiative, à la façon d’Hermès, la ioi de son enfance, ne peut-il y être forcé, au moins pour un temps, par des circonstances telles que la crédibilité, condition nécessaire de sa foi, vienne à lui manquer sans qu’il y ait de sa faute ? Cette question se complique d’une question d'équité et de droit commun à tous les hommes : nous approuvons les membres des autres Églises, quand ils doutent de la religion de leur enfance et la quittent pour entrer dans l'Église catholique : n’est-il pas équitable d’approuver aussi les catholiques, s’ils disent que leur conscience les force à quitter leur religion, ou à entrer dans une autre ? Enfin, à la persévérance dans la foi, si elle est voulue de Dieu, correspond dans le fidèle une résolution de persévérer. Cette résolution est-elle prudente, et quelle doit être sa portée ? Voilà les questions qui s’offrent à nous. Donc : 1° documents généraux de la révélation sur la persévérance dans la foi ; 2° méthode d’Hermès ; 3° différence entre l' Église et les sectes quant au doute et au changement de religion ; possibilité pour tout catholique d’avoir toujours la crédibilité nécessaire et de persévérer dans la foi ; 4° résolution de persévérer, et de préférer la révélation divine à tout ce qui la contredit.

1° Documents généraux de la révélation sur la persévérance dans la foi, sa possibilité et son obligation. — 1. Écriture sainte.

Elle montre la persévérance dans la foi comme une condition nécessaire de salut, comme une obligation. L’obligation suppose la possibilité, ad impossibile nemo tenetur ; d’ailleurs la parole de Dieu

qui ne peut exhorter à une chose impossible, exhorteles fidèles à persévérer dans la foi. Voir Col., i, 22, 23 ; ii, 6-8 ; Heb., x, 22, 23, 38 ; I Joa., ii, 24 ; II Joa., 9.

2. Pères.

Tertullien, à rencontre des hérétiques

qui cherchaient toujours sans s’arrêter à rien, affirme que, quand on a trouvé la foi, il n’y a plus qu'à la garder : Quærendum est donec invenias, et credendum ubi invencris, et nihil nisi amplius custodiendum quod credidisli. De prsescript., c. ix, P. L., t. ii, col. 23. Saint Jean Chrysostome commente ainsi les paroles de l'Évangile, Eslole prudentes sicut serpentes : « Comme le serpent livre son corps aux coups, pourvu qu’il sauve sa tête : ainsi, nous dit le Christ, vous devez tout sacrifier pour garder la foi : les richesses, les membres, la vie même. C’est que la foi est comme la tête et la racine : si vous la gardez, la perte du reste sera ensuite surabondamment réparée. » In Matth., homil. xxxiii, n. 2, P. G., t. lvii, col. 390. « Que de langues contredisent la vraie doctrine 1 dit saint Augustin. Pour toi, cours au tabernacle de Dieu, attache-toi à l'Église catholique, ne t'écarte pas de la règle de vérité. » Enarr. in ps. xxx, serm. ni, n. 8, P. L., t. xxxvi, col. 253. « Persévère dans ce que tu as appris, suivant la parole de l’apôtre, ajoute saint Cyrille d’Alexandrie ; dans ton âme simple conserve la foi ; et plaçant la tradition de l'Église comme une base dans le sanctuaire de ton cœur, garde la doctrine qui plaît à Dieu. » Homil. pasc, viii, n. 1, P. G., t. lxxvii, col. 558. Saint Anselme ait du chrétien : « Qu’aucune difficulté ou impossibilité de comprendre ne puisse l’arracher à la vérité, à laquelle il a adhéré par la foi. » De fide Trinitatis. c. ii, P. L., t. clviii, col. 263. Résumant l’enseignement des Pères, saint Thomas dit de tous les fidèles, même de ceux qui comprennent le moins les dogmes qu’on leur enseigne : Intelligunt tamen ea esse credenda. cl quod ab eis nullo modo est deviandum. Sum. theol., * IIa-IIæ, q. viii, a. 4, ad 2° m. Que l’on ne doive jamais dévier de la foi reçue, voilà bien la persévérance obligatoire dans la foi.

3. Documents ecclésiastiques.

Le concile de Trente, après avoir dit que la justice, qui nous renouvelle intérieurement et que nous recevons dans la justification, sess. VI, c. vii, Denzinger, n. 799, comprend les dons infus de foi, d’espérance et de charité, n. 800 ; après avoir rappelé les cérémonies du baptême, et comment les catéchumènes, candidats du baptême, demandent à celui qui va les baptiser « la foi, qui donne la vie éternelle, » ajoute : « Recevant donc cette justice chrétienne et véritable (qui comprend la foi), à la place de celle qu’Adam par sa désobéissance a perdue pour lui et pour nous comme une parure donnée par le Christ, ils reçoivent l’ordre de la conserver, après leur nouvelle naissance (leur baptême), toujours blanche et immaculée, pour l’apporter ainsi au tribunal de Notre-Seigneur Jésus-Christ et obtenir la vie éternelle. » Loc. cit. La profession de foi de Pie IV, ou du concile de Trente, se termine par un serment solennel de « garder et de confesser cette foi catholique… entière et immaculée jusqu’au dernier soupir très constamment, avec l’aide de Dieu, » Denzinger, n. 1000 : commentaire parfaitement clair de la phrase un peu plus enveloppée que nous venons de citer du concile de Trente. Le concile du Vatican dit à son tour : « Personne n’obtiendra la vie éternelle s’il n’a persévéré (dans la foi) jusqu'à la fin. Or, pour que nous puissions remplir notre devoir d’embrasser la foi véritable et d’y persévérer constamment, Dieu par son Fils unique a institué l'Église, et l’a revêtue de signes manifestes de son institution, » etc. Denzinger, n.1793. Tout ce passage sera expliqué plus bas.

Méthode d’Hermès.

1. Notions préliminaires.

— Pour éclairer la question, et faire saisir la portée des condamnations de l'Église, nous devons tout