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révélation, trop imparfaites, qu’ont naturellement les enfants et les simples, et leur donner ainsi, avant la foi, un jugement infaillible sur ce fait ; il veut que la grâce intervienne ut quod, et non pas seulement ut qno. Il met donc dans l’esprit, avant la loi, un phénomène surhumain, reconnaissable comme un miracle, et comme une voix intérieure dont on peut dire : A T ec vox hominem sonat. Pallavicini, Assertioncs theologicæ, Home, 1649, t. iii, -De flde, spe et carilule, c. iv, n. 64 sq. Des disciples de Pallavicini expliquaient de la manière suivante la pensée du maître, au rapport de Haunold : une illumination intérieure se fait dans l’âme de l’enfant ou de l’ignorant ; attirant l’attention sur elle-même, elle se présente ainsi : « Je suis la voix de Dieu, inimitable à la nature, et je te certifie que celui qui t’instruit te dit maintenant la vérité. « Ce miracle interne leur servirait de preuve et les amènerait avant la foi à la certitude absolue et infaillible du fait de la révélation. Voir Haunold, Thealogia speculativa, Ingolstadt, 1670, 1. III, n. 194, p. 361.

Critique. — Donnant à tous les simples, comme motif de crédibilité, un miracle interne qui attire leur réllexion et sur lequel s’exerce leur raison, et qui est bien de nature à produire la certitude du fait de la révélation, ce système évite absolument le iidéisme. Mais a) il imagine un miracle qui, ainsi généralisé, est contraire à l’expérience : car la multitude des fidèles ne s’en aperçoit pas, et ne recourt jamais à ce motif de crédibilité quand on leur demande pourquoi ils croient, comment ils savent avec certitude que Dieu a révélé. Dira-t-on qu’ils ont oublié ce phénomène extraordinaire qui s’est passé en eux ? Mais alors à quoi leur sert-il pour appuyer leur foi, pour discerner la vraie de la fausse révélation ? Comment peut-il fonder pour eux l’obligation permanente de croire ? D’ailleurs on n’oublie pas ainsi le merveilleux ; et quand quelques-uns pourraient l’oublier, comment se fait-il qu’ici, sur un si grand nombre, tous aient perdu la mémoire même confuse du miracle constaté par eux ? — b) Malgré son désir, Pallavicini ne s’éloigne pas assez de l’illuminisme de certaines sectes protestantes, et du funeste individualisme qui en est la conséquence. Son discerniculum est une sorte de révélation immédiate donnée à tous les simples. Si cette expérience religieuse suffit à discerner infailliblement et surnaturellement la vraie révélation, elle tend à rendre inutile le magistère extérieur de l’Église. Direz-vous par hasard que les enfants et les simples ne doivent pas ajouter foi à cette voix intérieure, mais la mettre en quarantaine tant qu’ils ne l’ont pas fait contrôler par les supérieurs ecclésiastiques. Mais vous devez avouer qu’ils ne le font pas ; et puis cela leur ferait perdre les avantages que vous cherchez pour eux, les priverait de la foi pour un certain temps, et ne ferait que compliquer le problème au lieu de le simplifier. Direz-vous plutôt qu’ils croient et doivent croire sur-le-champ à cette voix, la reconnaissant comme la voix infaillible de Dieu ? Mais alors à quoi sert l’infaillibilité de l’Église, puisqu’ils ont Un charisme bien plus à leur portée, et au moins égal en valeur, l’Église enseignante n’ayant pas une « voix intérieure » comme eux, mais une assistance divine qui ne la dispense pas d’un pénible travail théologique pour arriver à se convaincre qu’une proposition est vraiment révélée ? On ne voit même pas pourquoi ils auraient besoin de catéchiste ; n’est-ce pas assez qu’ils lisent l’Écriture, la parole de Dieu qui vaut bien celle du curé, et qu’ils soient illuminés intérieurement sur son vrai sens qui est l’objet de notre foi, comme le voulaient les premiers protestants ? — c) Ce système ne s’accorde pas avec la pratique de l’Église. S’il était vrai, pourquoi ne leur permettrait-on pas de corriger leur curé s’il se trompe ? Pourquoi, dans les conciles, au lieu de discuter longuement pour savoir si

telle proposition est révélée ou non, ne ferait-on pas venir un enfant ou un fidèle ignorant, qui trancherait immédiatement la question avec son discerniculuml Pourquoi promouvoir et propager la science théologique, funeste puisqu’elle ferait perdre à qui l’étudié le charisme précieux qu’il avait dans son ignorance première* ?

3. Système d’Esparza.

Il réfute la conception de Pallavicini, montrant surtout combien elle se rapproche des erreurs de l’illuminisme protestant, et tend à rendre inutile le magistère de l’Église et à rabaisser le pasteur au-dessous des simples fidèles et des enfants mêmes. Il cherchera donc, lui, un « discerniculum de la vraie et de la fausse révélation » qui soit plutôt dans le curé que dans ses simples auditeurs et où les seconds soient complètement dépendants du premier. Dans l’ordre naturel, dit-il, la parole de quelqu’un nous fait connaître sa pensée, dont elle est comme le substitut et l’équivalent, et ainsi nous pénétrons dans cette pensée, du moins si nous sommes suffisamment disposés par la nature. Dans l’ordro surnaturel, qui répond harmonieusement à l’ordre naturel, il doit se passer quelque chose de semblable : une parole surnaturelle doit nous faire pénétrer dans la pensée surnaturelle dont elle émane, du moins si nous sommes suffisamment préparés à cela par l’action intérieure de la grâce. Or le prêtre qui croit intérieurement une vérité révélée a par lui-même une pensée surnaturelle, c’est cet acte de loi ; quand il communique cette vérité à ses fidèles, alors de sa pensée surnaturelle émane une parole que l’on peut appeler surnaturelle aussi : en effet, quand un ministre de l’Église a mission de Dieu pour transmettre la révélation, sa parole a, du fait de cette mission, une sorte de surnaturalité extrinsèque et quoad modum, comme disent les théologiens, et peut ainsi nous introduire dans sa pensée, dans sa foi surnaturelle dont elle est comme l’équivalent et le véhicule. Et puisque toute foi surnaturelle, en tant que surnaturelle, est infaillible (voir plus loin, au sujet de la foi, vertu surnaturelle), en conséquence, si l’on saisit sur le vif une âme de prêtre croyant surnaturellement à telle proposition comme à un article révélé, on a un critère infaillible de la vérité de cet article, et du fait qu’il est révélé. Le contraire se passerait dans le cas exceptionnel où le curé enseignerait comme révélé un article faux : alors ni sa foi intérieure à cet article, ni la proposition extérieure qu’il en fait sans véritable mission sur ce point, ne peuvent être surnaturelles ; l’âme disposée par la grâce percevra cette différence, sentira qu’ici manque le surnaturel et par conséquent l’infaillible, et sera ainsi avertie de ne pas croire l’article faux. Cette explication, conclut son auteur, concilie tout : elle fait une large part à Yinterior instinclus dont parle saint Thomas et qu’invoquait Pallavicini ; d’un autre côté, elle ferme la porte à cet instinct purement intérieur et personnel des hérétiques, trop indépendant de la proposition extérieure des mystères et de l’Église règle de foi. Cursus theologicus, Lyon, 1685, 1. 1, 1. VI, q. xxii, a. 13, 14, p. 622.

Critique. — S’il évite le fidéisme et diminue un peu les dangers de l’illuminisme, ce système, bien plus compliqué dans son échafaudage qu’il ne paraît à première vue, suppose, sans chercher à l’établir, plus d’un fondement ruineux. Il part de l’ordre naturel et proclame, non sans exagération, qu’il est de l’essence de la parole de nous faire pénétrer dans la pensée de celui qui parle, qu’elle en est l’équivalent. Or la parole ne manifeste pas essentiellement par elle-même les déterminations concrètes les plus importantes de la pensée : par exemple, si l’affirmation exprimée existe réellement dans celui qui parle, ou s’il feint de l’avoir, en un mot, s’il est véridique ou menteur ; et dans le cas