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coup et comme sans raisonnement cette vérité, qu’il faut admettre un suprême auteur de toutes choses, et s’aperçoit que cette pensée est tellement imprimée dans son âme qu’il ne peut l’écarter ; et beaucoup de considérations, qui rendent cette vérité croyable, viennent aussitôt s’ofïrir à lui, auxquelles il n’avait jamais pensé, et dépassent de beaucoup sa puissance ordinaire d’invention : c’est alors un signe presque évident que Dieu opère immédiatement dans son intelligence. De même, proportion gardée, s’offrira soudainement à un simple fidèle la connaissance du mystère de la Trinité …Cela peut surtout arriver dans ces jugements pratiques, qu’il faut aimer Dieu, faire pénitence, ou entrer dans la voie de la perfection : parfois ces énoncés sont proposés à l’esprit si subitement, si puissamment, qu’il est presque manifeste que l’origine de ces jugements n’est pas dans des objets extérieurs présents à nos sens, ni dans les traces qu’ils ont pu laisser dans notre mémoire. » 2. Action miraculeuse sur la partie alïective. « Sur un objet déjà vii, déjà connu, on ressentira une émotion beaucoup plus forte que cet objet ne pourrait par lui-même la produire, ou qu’il n’a coutume de le faire… La volonté se sentira entraînée par un élan presque irrésistible, elle goûtera une suavité inconnue. » Suarez, De religione, tr. X, 1. IX, c. v, n. 40, Opéra, Paris, 1860, t. xvi, p. 1032. Le miracle interne ou « spirituel » est défini par Monsabré « un changement merveilleux que Dieu lui-même opère dans Tàme humaine, afin de suppléer à l’impuissance relative des preuves extérieures qu’il donne de la vérité, ou à l’insuffisance des préparation rationnelles qui disposent l’homme à la foi… Transformations admirables, qui deviennent, pour certains individus, le principal motif de leurs croyances. » Conférences du couvent de S. Thomas d’Aquin, Introduction au dogme catholique, Paris, 1866, t. ii, xxxe conf., p. 306, 307. Voir les exemples qu’il en donne dans diverses conversions célèbres. « Le miracle spirituel peut remplacer tous les autres miracles… Un homme transformé miraculeusement a toute espèce de droit de s’en tenir à la démonstration mystique. » Loc. cit., p. 329, 332.

Oui, le miracle interne ou spirituel, suffisamment constaté, peut remplacer tout autre motif de crédibilité ; et cette assertion ne favorise pas le fidéisme, et ne détruit pas la préparation rationnelle à la foi, pourvu que nous supposions le contrôle de la raison s’exerçant sur ce miracle même. Mais ce miracle ne peut être qu’exceptionnel et l’on ne peut s’en servir pour l’explication générale de la crédibilité des enfants et des simples. Généraliser ainsi un cas particulier, ce serait d’abord contredire l’expérience. Nous avons tous eu la foi dans notre enfance, et en général nous n’avons pas constaté en nous un pareil phénomène, qui par sa nature merveilleuse aurait dû fortement attirer notre attention et se graver dans notre mémoire, s’il avait eu lieu. Ce serait ensuite tomber dans les inconvénients et les dangers que nous avons reprochés aux sectes illuminées, à propos des révélations privées, voir col. 147 ; et le danger est d’autant plus grand qu’il s’agit des ignorants, plus prompts à s’égarer par manque de discernement, si on leur ouvre à tous la voie du prophétisme ou des phénomènes extraordinaires de la mystique. Ce serait enfin, pour la masse des chrétiens, remplacer par la « seule expérience interne de chacun > les motifs de crédibilité qui préparent la foi, contrairement au concile du Vatican, can. 3, De flde, Denzinger, n. 1812. Il faut donc recourir nécessairement, dans la plupart des cas, à une autre espèce de grâce, plus cachée, qui agisse seulement ut quo, et qui ne remplace pas les motifs de crédibilité, mais qui les aide.

2° Jusqu’ici nous n’avons considéré la grâce que sous sa forme actuelle et passagère : inspiration intérieure, reconnaissable ou non avec certitude dans son origine

surnaturelle ; rencontre extérieure ménagée par une providence spéciale en vue de préparer la foi. Mais il y a une grâce de foi qui a en nous un caractère habituel et permanent, c’est la vertu infuse de foi, habilus fidei. Cette espèce de grâce (tous les théologiens sont ici d’accord) sert avant tout à produire l’acte surnaturel de foi ; mais, en outre, ne peut-elle, déjà avant l’acte de foi, servir à lui préparer les voies en influant sur notre connaissance de la crédibilité des dogmes ? Puisque l’enfant reçoit au baptême cette vertu infuse, plus tard, quand on lui présentera au catéchisme les dogmes comme croyables à cause d’une révélation divine qui en a été faite, la vertu infuse ne pourra-t-elle l’aider à en saisir la crédibilité ? Beaucoup de théologiens l’ont pensé, à la suite de saint Thomas quand il dit : Lumen fidei facil videre ea quse creduntur. Sum. theol., IIa-IIæ, q. i, a. 4, ad 3 am. Comme la foi ne fait pas voir les mystères intrinsèquement en eux-mêmes, il ne peut être question ici que de les voir extrinsequement dans leur crédibilité, sub commuai ratione credibilis, comme le saint docteur l’a dit lui-même trois lignes plus haut ; d’ailleurs, un peu plus loin il rappelle en ces termes plus clairs ce qu’il a dit : Per lumen fidei videntur esse credenda, ut dictum est, loc. cit., a. 5, ad l um ; esse credenda, c’est la crédibilité » ou la « crédendité » . Mais, qu’entend-il par lumen fldeil Précisément Yhabilus fidei, comme on peut le voir par le contexte du premier passage cité. Cf. q. ii, a. 3, ad 2° m. Les scolastiques entendent métaphoriquement par lumen non pas seulement une lumière objective, comme celle l de la révélation, mais souvent un principe qui est dans j le sujet et qui lui sert à connaître : c’est ainsi qu’ils disent lumen rationis ; et dans le ciel cet habilus qui, | d’après eux, aide notre intelligence à voir Dieu, ils l’appellent lumen gloriæ ; de la même manière ils ont j employé souvent ces mots : lumen fidei.

Mais si la vertu infuse de foi sert à reconnaître la crédibilité des dogmes, ce ne peut être en remplaçant ! totalement les motifs rationnels de crédibilité : ce ! serait le fidéisme, déjà réfuté plus haut. Ce ne peut ! donc être qu’en les supposant et en les aidant. Or, l’aide qu’elle leur donnera ne peut pas être un secours objectif. Sans doute, si nous pouvions prendre sur le fait l’intervention de cette vertu infuse en faveur de la crédibilité de telle ou telle proposition, nous aurions l là une excellente preuve de la vérité de cette proposition et du fait qu’elle a été révélée, parce que la vertu infuse ne peut coopérer en faveur de l’erreur, ni pour faire admettre comme révélé ce qui ne l’est pas. Voir plus bas ce qui sera dit de la foi, vertu surnaturelle. Mais l’expérience ne peut atteindre en nous ces vertus infuses ni leur intervention active ; elles restent mystérieusement cachées. Leur entrée en jeu ne peut donc se transformer pour nous en nouveau motif de crédibilité à ajouter aux autres ; elle ne peut nous aider ut quod, mais seulement ut quo. « Il n’est pas besoin, dit Tanner, que Yhabilus fidei concoure à la crédibilité par manière d’objet connu ; il suffit qu’il contribue à la facilité de croire, et à la fermeté de la foi, par manière de cause inclinant et fortifiant la faculté, et du côté du sujet. Il n’en est pas de même des inspirations, qui peuvent agir aussi par manière ! d’objet connu, plus ou moins (suivant qu’elles sont j plus ou moins reconnues dans leur caractère miraculeux), et qui peuvent concourir même à la première acceptation de la foi ; et encore n’est-il pas 1 toujours nécessaire que l’esprit du croyant réfle ! chisse sur la nature de ces inspirations. » Théologie | scholastica. Ingolstadt, 1627, t. iii, col. 88. Ceci étant i assez communément admis, cherchons à voir plus i positivement et plus clairement en quoi pourra con ! sister le rôle de la vertu infuse dans la crédibilité, dans i la préparation rationnellede la foi. Les nombreux théo-