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FOI

dans leur âme, ont un motif de crédibilité très bon, qui les dispense d’autres motifs plus éloignés de leur vue, et de la critique historique d’un passé lointain. Mettons donc « en première classe « beaucoup de simples fidèles ; il en restera toujours assez pour la seconde, soit parmi les enfants, soit parmi ces adultes des deux sexes qui pour une raison ou pour une autre ne dépassent guère la mentalité des enfants ; surtout si nous considérons, comme nous devons le faire, non seulement les pays les plus instruits et les plus civilisés du monde, où le vulgaire même est plus affiné, mais tous les autres pays où il y a des catholiques, toutes les missions étrangères, toutes les races même les plus sauvages, quand elles arrivent à la foi. On ne peut donc nier l’existence d’une certitude improprement dite dans un certain nombre de fidèles.

2. Questions de droit.

La certitude relative du fait de la révélation, entendant par là une certitude non infaillible de par ses motifs, est donc un fait. Ce fait peut-il légitimement suffire comme préparation rationnelle à l’acte de foi ? Telle est la nouvelle question qui se pose, et à laquelle nous répondons encore affirmativement, d’accord avec les nombreux théologiens que nous avons cités pour la question de fait, et qui affirment en même temps le fait et le droit. Voici nos raisons :

a) Les enfants, surtout ceux qui ne dépassent guère l'âge de raison, ne peuvent en général avoir qu’une certitude relative du fait de la révélation : c’est ce que nous venons de prouver. Malgré cela, l'Église suppose manifestement qu’ils peuvent déjà faire l’acte de foi, ce que nous montrons ainsi. Cet acte est la première et la plus fondamentale des dispositions positives et surnaturelles, présupposées à la réception des sacrements dans tous ceux qui ont atteint l'âge de raison. Or l'Église admet de très bonne heure, surtout aujourd’hui, les enfants au sacrement d’eucharistie, et même plus tôt au sacrement de pénitence, lequel peut encore moins que l’eucharistie se concevoir sans les actes surnaturels de celui qui le reçoit, et ne peut jamais se donner à personne, sans que ces actes aient précédé l’absolution du prêtre. Donc l'Église suppose l’acte de foi divine et surnaturelle chez de très jeunes enfants qui, en général, ne peuvent avoir qu’une certitude relative du fait de la révélation ; donc cette certitude suffit comme préparation rationnelle à l’acte de foi.

b) L’histoire ecclésiastique nous montre des peuples primitifs et barbares convertis par des hommes apostoliques, et baptisés en masse, après une évangélisation sommaire. La pratique de l'Église n’a certainement pas été de faire une enquête minutieuse sur les motifs de crédibilité de chacun, et d’examiner s’ils avaient une valeur absolue ; mais, comme dit Suarez, les prédicateurs de l'Évangile, en pareil cas, doivent suivre ce principe : « Si tu crois de tout cœur, il est permis de te baptiser. » Act., viii, 36, 37. Après avoir instruit les nouveaux convertis et les avoir excités à demander le secours divin, « ils peuvent et doivent s’en rapporter à ceux qui répondent qu’ils croient ainsi, et puis les baptiser, comme a fait le diacre Philippe. » Suarez, De fide, disp. IV, sect. v, n. 10, Opéra, 1858, t. xii, p. 135. Or l’acte de foi est nécessaire pour le baptême des adultes ; et d’autre part, on peut seulement présumer, dans beaucoup de ces barbares rapidement instruits, une certitude relative du fait de la révélation, et non pas infaillible de par ses motifs. Donc l'Église suppose, dans sa pratique, qu’une telle certitude est une préparation rationnelle suffisante à l’acte de foi.

c) Les protestants ou les schismatiques de bonne foi peuvent faire un acte de foi chrétienne et salutaire sur les vérités qu’ils admettent comme révélées dans les Livres saints, et qui sont vraiment révélées, et leur

ignorance de la véritable Église n’est pas à cela un obstacle ; telle est la pensée aujourd’hui commune des théologiens. Voir col. 165. Cette bonne foi se trouve principalement chez les enfants élevés dans ces sectes. Or, sur la parole de leurs éducateurs, ce qui suffit à l’enfance, ils tiennent pour certain le l’ait de la révélation du Christ, et passent de là à croire fermement comme paroles de Dieu les enseignements du Christ dans l'Évangile ; et la certitude qu’ont ainsi ces enfants et ces simples au sujet du fait de la révélation ne peut être que relative et sans infaillibilité. Car en accordant même à nos adversaires, pour le moment, que les enfants et les simples, dans l'Église catholique, aient une certitude infaillible et absolue, grâce au grand apport de crédibilité qu’ajoute la véritable Église à ceux qui reçoivent d’elle la foi, toujours est-il que ces autres, qui ne la connaissent pas, n’ont pas à leur service les notes et les miracles moraux de I Église du Christ, ni l’appui de son infaillibilité. Et pareillement, quand nous accorderions qu’un curé catholique ne peut jamais proposer à des enfants un faux mystère à croire, avec la même crédibilité qui lui sert à proposer des mystères vraiment révélés, toujours est-il qu’un ministre hérétique, avec la même autorité et les mêmes motifs de crédibilité pour les simples, enseigne tour à tour la vérité chrétienne et l’erreur ; les motifs de crédibilité qu’ils ont pour la révélation chrétienne ne sont donc pas de valeur infaillible et absolue, puisqu’ils se prêtent également à prouver le vrai et le faux. Voilà donc bien un exemple très sûr, où une certitude purement relative et non infaillible suffit comme préparation rationnelle à l’acte de foi divine et surnaturelle.

d) Ces petits et ces simples que Jésus appelait à lui, et dont les Pères louent la foi ignorante, voir col. 112-113, un théologien n’a pas le droit, sans preuves décisives, de leur rendre par ses exigences l’acte de foi beaucoup plus difficile, et souvent impossible. — Or il est bien clair qu’on leur rend l’acte de foi beaucoup plus difficile et souvent impossible, si, comme préparation rationnelle, on exige d’eux une certitude proprement dite, au lieu d’une certitude improprement dite et relative ; à moins qu’on ne prétende faire produire cette certitude proprement dite, sans travail difficile de leur part, par une illumination de la grâce ; mais nous montrerons qu’une pareille illumination n’est pas admissible pour l’ensemble des cas, et par conséquent n’est pas une solution adéquate du problème. Voir le rôle de la grâce dans la crédibilité. — D’autre part, pour exiger chez tous la certitude proprement dite du fait de la révélation, avant la foi, on n’apporte aucune preuve décisive.

Invoquera-t-on cette certitude des préambules, que nous avons exigée nous-meme, à rencontre du semifidéisme ? Mais quand nous l’avons établie, nous avons fait observer que ce qui force logiquement à l’exiger, ce qui autrement rendrait l’acte de foi impossible ou imprudent, c’est le manque préalable de fermeté, le doute prudent que la volonté n’a pas le droit de supprimer. Voir col. 219. Il n’y a pas d’autre raison intrinsèque, pour demander la certitude. Or la certitude relative, elle aussi, a toute la fermeté voulue ; et quand on a cette espèce de certitude, l’on n’a ou l’on ne croit avoir (ce qui revient au même, quand il s’agit de prudence) aucune possibilité de douter prudemment du fait de la révélation. Si la certitude relative n’est pas une certitude proprement dite, c’est par manque d’infaillibilité, et non pas de fermeté. La certitude de certains préambules peut donc sans inconvénient être seulement relative.

Dira-t-on que la certitude improprement dite de l’un (au moins) des jugements qui préparent la foi est un fondement bien débile pour la foi surnaturelle ? Mais