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tout se ramène donc en définitive. Or le témoignage humain est d’une valeur essentiellement différente, selon qu’il s’agit de deux ou trois témoins, ou d’un grand nombre ; selon qu’il s’agit de témoins séparés par des milliers d’années de l'événement qu’ils racontent, ou de témoins contemporains ou peu éloignés de l'événement, et dont on peut lire les témoignages dans des sources historiques dûment examinées. Sur un même fait, la preuve par témoignage n’a donc pas, comme la preuve mathématique ou métaphysique, un moyen terme simple, indivisible et essentiellement identique chez tous ceux à qui elle est communiquée. Elle a un moyen terme extrêmement variable, tour à tour infaillible ou faillible, suivant le nombre, la qualité et la critique des témoignages. Voilà le point capital qui s’opposera toujours à ce que l’on jette dans le même moule de valeur historique la certitude ferme du fait de la révélation, telle qu’elle est dans un enfant ordinaire, après un catéchisme ordinaire, et telle qu’elle est dans un homme après d’excellentes études historiques, critiques, apologétiques et théologiques. L'élasticité avec laquelle la preuve d’un fait par témoins se prête à toutes les valeurs est précisément ce qui fait qu’elle est à la portée de tous, même de ceux qui ne peuvent lui faire donner son plein rendement, et que les signes miraculeux autrefois donnés de la révélation sont « accommodés à l’intelligence de tous, » concile du Vatican, sess. III, c. iii, Dcnzinger, n. 1790 : non pas en ce sens que tous les atteignent avec la même espèce de certitude, mais en ce sens que toute intelligence peut prendre sa petite part à ce genre de preuve, et y trouver de quoi se faire une conviction ; tandis qu’une preuve mathématique longue et difficile ne peut ainsi s’adapter, s'émietter à l’usage des humbles ; c’est tout ou rien. Le concile peut aussi faire allusion à un caractère coneret de la preuve historique, au caractère merveilleux des faits miraculeux : l’enfant, par exemple, est moins fait pour les abstractions, et il est attiré et frappé par le merveilleux. Remarquons seulement que, lorsque le concile dit de ces faits miraculeux : sunt signa cerlissima, et omnium intcllicjenliæ accommodala, il énonce deux propriétés indiscutables de ces signes ; il ne dit pas : quaienus cerlissima, sunt omnium inteUigenliiv accommodala ; il serait parfaitement arbitraire de vouloir le lui faire dire.

Ce que nous venons de noter suffit à réfuter cette objection : « Les savants, comme les ignorants, ne connaissent le fait de la révélation que par le témoignage des autres hommes, par la foi humaine. » Donc la différence se réduit à ceci « qu’ils tiennent avec plus de réflexion ce que les gens moins instruits connaissent d’une manière plus directe. » C. l’eseli, Pnclcclioncs dogmaiieæ, t. viii, n. 298, p. 134. Non, nous avons montré une différence bien plus profonde entre foi humaine et foi humaine, sur un même fait : c’est que l’une est Infaillible, et l’autre ne l’est pas : la différence i i 'loue, dans l’essence même de la certitude, et non pas seulement dans la circonstance accidentelle du plus ou moins de réflexion. Recourir à « l'Église catholique avec son unité, sa sainteté et ses autres notes, foc. cit., n. :  ; o7. p. 138, ne changera pas la question : ce sont la encore des faits historiques, que les simples atteignent toujours par le même Intermédiaire, insuffisant a des esprits plus cultivés. Quant à rappelei Ici que 1rs hommes du commun ont mieux reconnu le (.hrisi que les phai isiens aveuglés par leurs préjugés, et que Dieu dans saint Paul maudit la s. Uli n ' di lages du monde, foc. cit., a. p. 136, trait vient il à propo IL l nls savants qui

ton) l’objel du présent débat, l< i seuls auxquels nous accordons une vraie certitude du fait de la révélation licllement supérii ure a i eue di s ilmpl<

des croyants, et non des incrédules, des catholiques comme les autres, bien qu’ils aient eu le malheur d'étudier, voire même de faire leur théologie ! Et ce ne sont pas nécessairement des orgueilleux, Dieu ayant des grâces même pour les théologiens. Mais, nous dit-on, de ce qu’un curé pourrt.it, avec la même apparence d’autorité, proposer à des enfants, un faux mystère, vous ne pouvez pas conclure à la non-infaillibilité du motif qui agit alors sur leur esprit et leur fait admettre que la trinité a été révélée ; autrement la même conclusion se retournerait contre vous : « De même qu’un curé peut proposer à croire ce qui est révélé, et en même temps y mêler quelque chose qui n’est pas révélé, de même un théologien peut, par des arguments insuffisants, prouver comme révélée une proposition qui l’est en effet, et par des arguments de même valeur une proposition qui ne l’est pas. Il n’y a pas là de différence essentielle entre les savants et les ignorants. les uns et les autres, parfois, prennent le faux pour le vrai, et des raisons qui ne suffisent pas pour des raisons qui suffisent. » Loc. cit., p. 136. Nous concédons volontiers qu’un théologien peut se faire illusion sur la valeur d’un argument qu’il propose ; l’auteur de l’objection, étant aussi auteur d’une théologie, montre ici sa modestie ; de cela il faut le féliciter. Mais pourtant, quand le théologien constate, pièces en main, que tel dogme a été défini par l'Église, il a une certitude absolue et infaillible du fait de la définition, et conséquemment du fait de la révélation de ce dogme ; il ne s’agit pas ici d’un argument théologique discutable. Au contraire, quand l’enfant entend dire à son curé que l'Église enseigne ceci, a défini cela, il n’en a qu’une certitude relative et faillible par son motif. La différence est donc essentielle. De même, un professionnel de l’apologétique peut essayer quelque nouvel argument et s’en exagérer la valeur ; mais quand il fait dans son esprit la synthèse de tous les arguments traditionnels et bien éprouvés en faveur du Christ ou de l'Église, quand il estime la valeur de ce vaste ensemble, il voit, au moins avec l'évidence morale et confuse du bon sens, que sa certitude du fait chrétien et catholique est infaillible, que cette infaillibilité résiste au contrôle de l’examen. Cette certitude d’ensemble bien contrôlée, c’est ce que la raison naturelle, en dehors des mathématiques, peut avoir ici-bas de plus sûr ; l'évidence apparente, même contraignante, du mirage ou du bâton brisé, où les simples se laissent prendre, ne vaut pas la certitude d’un sens contrôlée par les autres sens extérieurs, le jugement calme et réfléchi de la raison sur l’ensemble des données des sens. Voir Certitude, t. ii, col. 2155-2157. Mais enfin, nous dit-on, « beaucoup de chrétiens connaissent les préambules de la foi dans des conditions qui excluent toute erreur. » hoc. cil., n. 301, p. 135. Soit : mais ceci est en dehors de la question. Quand nous avons divisé les croyants en deux classes, ceux qui ont la certitude infaillible de tous les préambules de la foi, et ceux qui ne l’ont pas (au moins pour un préambule, le fait de la révélation), nous n’avons jamais prétendu déterminer le nombre îles uns et des autres, ni rejeter à la seconde catégorie tous les simples fidèles, ni tous ceux qui ne sont pas théologiens et apologistes de profession. Des laïques intelligents, même sans ces études spéciales, que d’ailleurs quelques-uns d’entre eux entreprennent avec succès, des laïques soucieux de s’instruire de leur religion, à quelque classe de la société qu’ils appartiennent, loi mes par l’expérience de la vie, par des conversations, des lectures, des réflexions personnel !. peuvent bien arriver a une vraie et absolue certitude du fait de la révélation en général, et de la révélation de tels dogmes cii particulier ; sans parler « les privl

léglés qui. avant vu de leurs yeux le miracle extérieur

confirmer leut religion, ou constaté le miracle intérieur