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et sans mystères. Le concile du Vatican a très bien exprimé la même pensée : » La raison, déjà éclairée par la foi, si elle cherche avec confiance, piété et sobriété, obtient, avec le secours de Dieu, une certaine intelligence très fructueuse des mystères, » etc. Sess. III> c. iv, Denzinger, n. 1796. En somme, la yv&an des Pères répond assez bien à notre théologie dogmatique, qui suppose la foi, et cherche soit une analyse plus exacte et une synthèse plus harmonieuse du donné révélé, soit les conclusions que l’on peut en tirer : fides quærens intclleclum, comme disaient les scolastiques.

2. Pères latins.

Sur Tertullien, "saint Cyprien, Lætance, Arnobc, saint Hilaire, saint Ambroise, saint Jérôme, prouvant le fait de la révélation par divers motifs de crédibilité, voir Crédibitité, t. iii, col. 2249-2257. Nous ajouterons quelques textes qui montrent bien comment ils se séparent du fidéisme, comment ils exigent l’exercice de la raison individuelle avant la foi.

Tertullien, après avoir blâmé les procédés arbitraires de Marcion, qui rejetait certains livres du Nouveau Testament et en conservait d’autres, remarque que cet hérétique n’a d’autre critère que sa fantaisie, qui n’est pas une preuve d’origine divine pour ceux qu’il conserve, et qu’il les croit ainsi sans raison ; et il pose ce principe : « Il ne faut rien croire témérairement ; or on croit témérairement tout ce que l’on croit, sans en avoir reconnu l’origine. » Adversus Marcionem, 1. V, c. i, P. L., t. ii, col. 468. Voir ce que nous avons cité de lui sur le sens de « foi » , col. 80 ; sur le rôle de l’Église, col. 151.

Lætance pose un principe semblable : Nequc rcligio ulla sine sapienlia suscipienda est. Institut., 1. I, c. i, P. L., t. vi, col. 119. Par sapientia, il entend l’exercice individuel de la raison naturelle ; car attaquant les païens qui s’attachaient à leur religion uniquement parce qu’elle venait de leurs ancêtres : « Il faut, dit-il, dans une affaire qui intéresse toute la vie, se fier chacun à soi-même, et se servir de son jugement propre pour examiner et peser la vérité, et non pas croire aveuglément aux erreurs des autres, comme si l’on n’avait pas soi-même la raison. Dieu a donné à tous dans une certaine mesure la sagesse, pour chercher la vérité quand ils ne l’ont pas entendue, et l’examiner quand ils l’entendent… Puisque la sagesse, c’est-à-dire la recherche de la vérité, est innée dans tous, ceux-là se l’enlèvent à eux-mêmes qui, sans aucun jugement préalable, approuvent les inventions de leurs ancêtres, et se laissent mener par d’autres à la façon des animaux. » Op. cit., 1. II, c. viii, col. 287.

Saint Augustin proclame la nécessité d’un jugement de crédibilité ou de crédendité avant la foi : Nullus crédit aliquid, nisi prius cogilaverit esse credendum. De prwdestinalione sanctorum, c. il, n. 5, P.L., t. xliv, col. 962. Ce jugement suppose que Dieu nous a donné des preuves de son existence, et du fait de sa révélation, en un mot des préambules de la foi : « Dieu t’a ordonné de croire ce que tu ne peux pas voir : mais il n’a pas laissé de te faire voir quelque chose par où tu puisses croire ce que tu ne vois pas. Les créatures elles-mêmes, n’est-ce rien comme signe, comme indice du créateur ? De plus, il est venu sur la terre, il a fait des miracles. » Scrm., cxxvi, n. 5, P. L., t. xxxviii, col. 700. Ces constatations préalables se font à la lumière naturelle de la raison individuelle, se servant des sens extérieurs : « Dieu a donné des yeux à votre corps et la raison à votre âme : éveillez cette raison, … servezvous de vos yeux comme un homme doit s’en servir, considérez le ciel et la terre, … la force vitale des semences, la succession des saisons ; considérez ces œuvres, et cherchez-en l’auteur. » Loc. cit., n. 3, col. 699. « Tout homme a des

veux au moyen desquels il peut voir les morts ressusciter. » Serm., xcviii, n. 1, ibid., col. 591. « C’est à nous de considérer à quels hommes ou à quels livres (qui se disent inspirés)il faut croire, pour avoir le vrai culte de Dieu, qui conduit au salut. De vera religione, c. xxv, n. 46, P. L., t. xxxiv, col. 142. L’Église, prise comme société humaine, nous atteste l’authenticité de ses livres, procédé ordinaire de critique. Voir col. 151. Pour arriver à la foi, nous partons toujours de quelque chose de visible et de. perçu, témoins, documents : Teslibus movemur ad /idem… Dantw signa vel in vocibus, vel in liilcris, vel in quibuscumque documentis, quibus visis non visa credantur. Epist., cxlvii, n. 8, P. L., t. xxxiii, col. 600.

Quand Augustin dit que « la foi précède la raison » ou l’intelligence, il suit les Pères grecs que nous venons d’expliquer. Il donne deux raisons de cette méthode : a) La brièveté de la vie ne permet pas de retarder la foi salutaire jusqu’à ce qu’on ait épuisé toutes les questions de théologie ou d’exégèse : Sunt enim innumerabiles : quæ non sunt finiendæ aide fidem, ne finiatur vita sine fide. Epist., en, n. 38, P. L., t. xxxiii, col. 386. — b)Lc mérite de la foi simple, et son influence pour exciter les autres vertus, purifie le cœur et ainsi nous prépare aux sentiers ardus de l’exégèse, de la théologie, ou même de la contemplation mystique qui essaie à sa manière aussi de pénétrer les mystères. Credendo subjugentur Deo, subjugati reete vivant, reete vivendo cor mundent, corde mundato quod credunl intelliganl. De fide et symbolo, n. 25, P. L., t. XL, col. 196. Parlant à Consentius de l’étude de la Trinité, il dit : « Ce que tu tiens déjà par la fermeté de la foi, regarde-le aussi à la lumière de la raison. Non, Dieu ne hait pas en nous cette faculté par laquelle il nous a mis au-dessus des animaux… Sur certains points de la doctrine du salut, que nous pourrons un jour pénétrer (au ciel), mais pas encore avec notre raison, il est juste que la foi précède la raison pour purifier le cœur afin qu’on puisse obtenir et soutenir la lumière d’un plus grand développement de la raison, » magnée redionis. Epist. ad Cons., n. 23, P. L., t. xxxiii, col. 453. Ainsi Augustin prend la foi pour base non pas de tout usage de la raison, mais d’un usage très relevé de la raison, dans le chrétien qui en est capable. Et il a soin de distinguer ce très haut degré d’un degré bien inférieur qui doit précéder et accompagner la foi (ce qui est l’opposé du fidéisme) : « Sans comprendre quelque chose, personne ne peut croire en Dieu ; mais cette foi même, quand il l’a, le guérit, lui donne de comprendre des choses plus grandes (ut intelligal ampliora). Il y a des objets que nous devons comprendre pour arriver à la foi : il y en a d’autres que sans la foi nous ne comprendrons pas. » Enarr. in ps. cxviii, serm. xviii, n. 3, P. L., t. xxxvii, col. 1552. L’exercice de la raison avant et après la foi porte donc sur des objets différents ; ce qui concilie l’antinomie apparente : la raison avant la foi et la foi avant la raison : Inlellige ut credas, crede ut intelligas. Serm., xliii, n. 9, P. L., t. xxxviii, col. 258. Sur sa critique de la méthode des manichéens, voir col. 111. Cf. d’Alès, loc. cit., col. 60. Voir aussi, pour plus de détails sur cette pensée de saint Augustin et son influence après lui, Krebs, Théologie und Wissenschafl, etc., dans Bâumker, Bcitrdgc, Munster, 1912, t. xi, p. 15 sq.

A la suite des Pères, saint Thomas exige avant la foi les actes intellectuels qui la conditionnent, et entend bien qu’on les fasse à la lumière de la raison naturelle. Voir Crédibilité, t. iii, col. 2271-2276.

Documents ecclésiastiques sur le fidéisme.


1. Propositions que l’on fil souscrire à des fidéistes. — a) Propositions de Baulain. — Qu’il suffise de citer la 5e, qui s’oppose au fidéisme d’une manière générale et