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GLOIRE

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le désordre de certains sentiments et de certains actes et d’être tentés ainsi de les justifier à nos propres yeux et de nous encourager à nous y entretenir. Il est beaucoup plus facile de comprendre l’impression que ces sentiments et ces actes doivent faire sur les autres, de constater qu’ils doivent leur apparaître comme des manifestations d’idées et de sentiments tout à fait naturels, dans le mauvais sens du mot, c’est-à-dire opposés aux idées et aux sentiments surnaturels qui doivent être la règle de notre conduite. » De Smet, op. cit., p. 330-331. Lorsque nos défauts apparaîtront, l’estime qu’on aura de nous diminuera peut-être ; nous ne devons pas nous tourmenter de cette diminution, autrement que pour réparer le mal que nous auront fait en nous abandonnant au mal. Nous porterons ainsi le poids et la responsabilité de notre faute, sans que pour cela il y ait le moindre sentiment d’hypocrisie.

Instance. — Mais enfin, n’affichons-nous pas des perfections que nous n’avons pas réellement ?

Réponse. — Non, ce n’est pas exact ; car nous possédons toujours, au moins dans l’intelligence et la volonté, ces perfections dont on constate, à l’extérieur, la manifestation. Et cela suffit pour que notre vertu soit réelle. Qu’il y ait, au dedans de nous, des luttes et des révoltes contre les idées élevées et les nobles tendances que nous manifestons aux autres, c’est possible ; mais cela ne détruit en rien notre vertu et « personne ne dira sérieusement que la sincérité que nous nous devons les uns aux autres exige que nous manifestions à tous les tentations et les résistances intérieures qui rendent l’exercice de la vertu plus ou moins difficile et nous font même tomber parfois dans certaines faiblesses intérieures ou extérieures. » De Smet, op. cit., p. 331, note. On peut sans doute nous juger trop favorablement, en nous estimant exempt de ces révoltes et de ces luttes. Mais de ce jugement logiquement défectueux ne résulte ni de notre côté l’hypocrisie, ni, de la part de ceux qui nous voient, une louange fausse. Il nous suffira d’estimer cette louange à sa vraie valeur, qui est tout humaine, c’est-à-dire essentiellement incertaine et relative.

II. Vaine gloire.

1° Définition et nature. — La vaine gloire est la gloire purement humaine recherchée d’une façon désordonnée. Or le désordre peut s’introduire ici de trois façons : la vanité de la gloire peut résider :
1. dans une erreur d’appréciation touchant le bien qui en est le fondement, lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un bien périssable comme les biens de la fortune, d’une qualité morale qui n’existe qu’en apparence et dont l’hypocrisie contredit le vrai bien ;
2. dans l’estime exagérée que l’on fait de la louange des hommes, lesquels ne méritent pas un crédit considérable ;
3. dans la complaisance de notre amour-propre excité par les louanges d’autrui, et qui retient ces louanges pour lui-même, sans les ordonner à Dieu, au bien du prochain ou à notre utilité personnelle. S. Thomas, Sum. theol., IP IVe, q. cxxxii, a. 1 ; cf. De malo, q. ix, a. 1. C’est ce que saint François de Sales résume ainsi : « Nous appelons vaine la gloire qu’on se donne ou pour ce qui n’est pas en nous, ou pour ce qui est en nous, mays pas à nous, ou pour ce qui est en nous et à nous, mais qui ne mérite pas qu’on s’en glorifie. » Op. cit., part. III, c. iv. Les autres sortes de désordres, par exemple, la recherche d’une gloire personnelle au détriment de celle d’autrui ; le trop grand désir d’être glorifié, se ramènent à la complaisance de l’amour-propre qui refuse d’ordonner la gloire humaine à une fin digne de notre qualité d’enfants de Dieu et de frères en Jésus-Christ. Cf. Cajétan, loc. cit.

La vaine gloire s’oppose formellement à la vertu de magnanimité, bien que matériellement elle puisse se produire à l’occasion d’actes opposés à d’autres vertus, par exemple, la cupidité, l’imprudence, etc., cf. S. Thomas, Sum. theol., loc. cit., a. 2, ad 1°", parce que la magnanimité est cette partie de la vertu de force qui règle l’usage des honneurs et de la gloire. Ibid., q. cxxix, a. 1, 2 ; In IV Sent., 1. II, dist. XLII, q. ii, a. 4.

Culpabilité.

Que la vaine gloire soit une faute,

la sainte Écriture l’atteste ; cf. Is., xl, 6-8 ; Matth., vi, 1 ; Joa., v, 41 ; I Cor., iv, 7 ; Gal., iv, 26 ; Phil., ii, 3, etc., et les Pères de l’Église ne manquent pas d’en détourner les fidèles. Voir à la bibliographie. Les théologiens considèrent qu’en soi la vaine gloire n’est qu’une faute vénielle, parce qu’elle ne s’oppose pas à la charité envers le prochain, ni à l’amour de Dieu. Cependant saint Thomas admet qu’elle peut devenir péché mortel s’il s’agit de tirer gloire d’une chose offensant gravement Dieu, ou de préférer à Dieu, par vaine gloire, un bien périssable et l’estime des hommes, ou encore de faire de la vaine gloire sa fin dernière. Loc. cit., a. 3. Les théologiens trouvent ces sortes de péchés indiqués dans Ezech., xxviii, 2 ; I Cor., iv, 7. Saint Alphonse de Liguori dit de la vaine gloire comme de l’ambition qu’elle devient per accidens péché mortel, vel ratione materiæ ex qua, vel ratione damni quod proximo injertur. Theologia moralis, édit. Gaudé, Rome, 1907, t. iii, 1. V, c. iii, n. 66. Lcisque la vaine gloire porte sur une chose offensant gravement Dieu, certains auteurs pensent qu’on doit expliquer en confession de quelles choses mauvaises on a tiré vaine gloire, parce que la vaine gloire prend la gravité spécifique de ces choses ; ainsi l’enseignent Sanchez, Opus morale in præcepta dccalogi, Parme, 1723, 1. I, c. ni, n. 13 ; L. Lopez, Inslruclorium conscientiæ, Salamanque, 1592, cité par Busenbaum, mais à tort, car, part. I, c. v, q. ni, il tient l’opinion communément enseignée ; la spécification des choses mauvaises dont on a tiré vaine gloire n’est requise que quando quis gloriam et laudem quærit de peccalis morlalibus CUM COMPLA-CENTIA earum. C’est l’opinion de saint Alphonse de Liguori, loc. cit. ; de Navarrus, Manuole confessariorum, Venise, 1616, prælud. iv, n. 4 ; de Castropalao, Opus morale, Venise, 1721, tr. II, disp. II, p. ii, n. 5 ; de Diana, Diana : concorduti, Venise, 1698, t. viii, tr. X, resol. vi, et même, quoi qu’en dise encore Busenbaum, Mcdulln theologia : moralis. Tournai, 1848, 1. V, c. m. dub. i, n. 1. de Rodriguez, Summa casuum conscientiæ, Venise, 1628, part. I, c. lui, n. 14. Cf. de Lugo, Disputationcs scholaslicæ et morales, Lyon, 1633-1654, De pœnileniia, disp. XXVI, n. 267. Il suffirait donc, s’il n’y a pas complaisance aux péchés, de dire : « J’ai péché tant de fois en cherchant louange et gloire de péchés mortels, » sans spécifier de quels péchés il s’agit, péchés que peut-être on n’a pas commis, ou qu’on a déjà confessés, ou qu’on confessera plus loin. Navarrus, loc. cit.

Les moralistes, appliquant les principes concernant la gravité per accidens de la vaine gloire, en déduisent qu’il y a péché mortel de vaine gloire : 1. chaque fois qu’entendant louer quelqu’un ou soi-même à cause d’une chose gravement coupable, on accueille, on approuve cette louange, Sanchez, loc. cit. ; Baldelli, Disputationcs ex morali theologia, Lyon, 1637-1661, 1. III, disp. V, n. 12 ; 2. quand on blâme quelqu’un de n’avoir pas commis un acte gravement coupable, vengeance, fornication ; c’est le péché grave de jactance joint à l’approbation du mal, Baldelli, loc. cit., n. Il ; 3. quand, introduisant par son influence des modes nouvelles, on impose aux autres la nécessité morale de se conformer à des usages dispendieux qui les ruineront ou les empêcheront de payer leurs