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GLOIRE

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q. i, a. 4, q. I, et IIP Suppl., q. xciii, a. 1 : Anima separata naturaliter appétit corporis conjunclionem et propter hune appelitum… ejus operalio qua in Dcum jertur est mjxus intensa… Cependant, In IV Sent., 1. IV, dist., XII, q. ii, a. 1, q. ii, saint Thomas appelle l’opinion opposée probabiliorcm. Cf. Richard de Middletown, In IV Sent., dist. XLIX, a. 2, q. vu ; Marsile d’Inghem, ibid., q. xiii, a. 3 ; Henri de Gand, Quodl., VII, q. vi. Suarez, De ultimo fine hominis, disp. XIII, sect. ii, n. 2, fait remarquer que les lettres d’union du concile de Florence pourraient être interprétées en ce sens ; voir les Actes concernant la question du purgatoire dans Mansi, Concil., t. xxxi, col. 488489. Tous ces auteurs s’appuient sur l’autorité de saint Augustin.

2. Opinion singulière d’A. Toslal. — Notons en passant, sur ce point, l’opinion assez singulière d’Alphonse Tostat, dans son commentaire sur l’Évangile de saint Matthieu, c. v, q. lxiii : l’âme dégagée du corps est, pour lui, plus apte à la vision béatifique qu’unie au corps qui l’alourdit et la retarde. La gloire essentielle subirait donc une espèce de diminution au moment de la résurrection.

3. Doctrine aujourd’hui communément reçue. — Saint Thomas s’est rétracte dans la Somme théologique. Cf. Cajélan, In I"’" II", q. iv, a. 5. Essentiellement, la gloire des élus demeure la même avant et après la résurrection des corps : il y a accroissement en extension, mais non en intensité, P II æ, q. iv, a. 5, ad 5° m ; l’âme, avant la résurrection, jouit pleinement de Dieu, mais avec le désir que cette plénitude rejaillisse, lorsque ce sera possible, sur le corps. Ibid., ad 4 U ". Ont enseigné la même doctrine parmi les scolastiques, Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIX, q. vu ; Pierre de la Palu, ibid., q. vi ; J. Major, ibid., q. xiii ; Gabriel Biel, Suppl., q. v, a. 2 ; D. Soto, q. ii, a. 4, etc. La gloire consommée, dans cette opinion, n’ajoute donc à la gloire essentielle qu’un accroissement d’extension, c’est-à-dire un accroissement tout accidentel par rapport à la vision béatifique, qui est l’essence même de la gloire.

Cette controverse est depuis longtemps oubliée ; les plus grands commentateurs de saint Thomas n’en parlent pas ou la notent à peine en passant. Bellarmin la signale, De sanctorurn beatiludine, c. v ; Suarez lui consacre une brève discussion, De fine ultimo hominis, disp. XIII, sect. n ; et les manuels de théologie la passent ordinairement sous silence. Le cardinal Billot, De novissimis, Rome, 1903, thés, ix, § 1, a résumé en quelques lignes les raisons qu’apportent en faveur de la doctrine aujourd’hui reçue Bellarmin et Suarez, loc. cit., n 4-6, et Lessius, De summo bono, 1. III, c. n. Si le corps pouvait influencer par sa présence ou son absence l’intensité de la vision béatifique, il faudrait, en premier lieu, admettre avec Tostat une diminution de gloire plutôt qu’un accroissement, au moment de la résurrection ; la même diminution se produirait chez les anges, envoyés en mission sur terre. La coexistence de la douleur et de la joie béatifique serait aussi impossible dans le Christ. Il faudrait admettre que la vision intuitive peut recevoir un accroissement d’intensité ; or, cela n’est possible ni ex parie objecti, ni ex parle luminis gloriæ, ni ex parte potentiæ, comme on le démontrera à l’art. Intuitive (Vision). Donc l’âme possède, dès le premier instant de la béatitude, toute la substance de la gloire, selon le mode propre a l’éternité participée.

Conclusion.

En rapprochant les deux propositions

précédentes nous arrivons à cette conclusion que la gloire consommée est substantiellement la même que la gloire essentielle. Sans doute, elle y ajoute quelque chose de très réel, à savoir la gloire accidentelle des corps glorifiés. Mais cette addition est purement matérielle ; c’est un objet de plus auquel le même élément formel, toujours identique à lui-même, de la gloire essentielle, c’est-à-dire la vision béatifique, apporte son rayonnement et sa splendeur. Si notre raison trouve quelque difficulté à admettre ces explications, c’est que, le corps faisant partie intégrante de la nature humaine, il nous semble que la gloire de cette nature ne soit complète que par la glorification du corps. Mais il suffira, pour dissiper celle équivoque, de se reporter aux principes philosophiques exposés à l’art. Béatitude, t. il, col. 511 ; la béatitude parfaite ne pouvant consister que dans une opération de l’âme, le corps n’est pas requis pour elle. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I" II æ, q. iv, a ; 5, 6.

IV. Degrés de la gloire. —

Le mot fin dernière peut être pris dans deux acceptions différentes : lin dernière objective, ou souverain bien dont la possession assure aux élus la gloire ou béatitude ; fin dernière subjective formelle, ou relative, c’est-à-dire la possession elle-même du souverain bien par les élus. Voir Fin dernière, t. v, col. 2496. Sous le premier aspect, tous les élus ont la même fin dernière, et, par conséquent, participent à la même gloire ; sous le second aspect, la possession de la fin dernière comporte différents degrés proportionnés aux moyens de chacun des élus. S. Thomas, Sum. theol., P II* q. v, a. 2. Les théologiens envisagent les degrés de la gloire à un double point" de vue : 1° dogmatique, existence même de ces degrés, et c’est la question qui rentre dans l’objet de cet article ; 2° théologique, explication de la différence qui existe au ciel entre les élus et qu’on rapporte à la vision intuitive et à la lumière de la gloire qui accompagne nécessairement cette vision, considérées soit seules, soit par rapport à l’intelligence qu’elles perfectionnent. Cette deuxième question sera traitée à Intuitive (Vision).

L’existence de différents degrés dans la gloire des élus, niée directement par Jovinien, au ive siècle, indirectement par Luther au xvie, a été authentiquement définie par le concile de Florence, dans le décret d’union, Denzinger-Bannwart, n. 693 ; elle est supposée par le concile de Trente, De juslificatione, can. 32, n. 842. Elle est affirmée : 1° par l’Écriture ; 2° par la tradition ; 3° par la raison théologique. Mais cette affirmation a été exagérée par certains auteurs dans le sens d’une inégalité nécessaire entre chacun des élus.

    1. IDÉMONSTRATION HE LA DOCTRINE CATHOLIQUE##


IDÉMONSTRATION HE LA DOCTRINE CATHOLIQUE. —

î ° L’Écriture. — On trouve l’inégalité des degrés de la gloire des élus : 1. explicitement enseignée par Joa., xiv, 2 ; I Cor., xv, 41, rappelant qu’il y a « plusieurs demeures dans la maison du Père céleste » et que les différences de gloire des élus ressucités sont comparables aux différences d’éclat du soleil, de la lune, des étoiles ; 2. expressément supposée, chaque fois qu’il est question de rendre à chacun, au dernier jour, dans la proportion de ses bonnes œuvres, Matth., xvi, 27 ; I Cor., ni, 8 ; II Cor., ix, 6 ; la gloire au ciel est, en effet, un véritable salaire, Matth., v, 12 ; x 42 ; xix, 17 ; xx, 8 ; II Tim., iv, 8 ; II Joa., 8 ; Apoc., xxii, 12 ; 3. indiquée sous forme d’analogie dans certaines comparaisons et paraboles, Dan., xii, 3 ; Is., lvi, 5 ; Matth., vii, 1, 2 ; x, 41 ; xiii, 3-9, cf. col. 1405 ; Marc, iv 24 ; Luc, , vi, 38 ; xix, 16-20 4. implicitement affirmée dans l’inégalité des peines de l’enfer. Luc, xii, 47, 48 Apoc, xvii, 7 ; cf. Enfer, t. v, col. 113

Jovinien, au dire de saint Jérôme, Adversus Jovinianum, 1. II, n. 3, P. /, ., t. xxiii, col. 285, 286, enseigna l’égalité de la récompense pour tous les élus, en prétendant s’appuyer sur l’autorité de Matth., xx, 1-16. Il s’agit de la parabole où les ouvriers, venus dans la vigne du père de famille à différentes heures de la journée, reçoivent indistinctement le même salaire pour des durées fort inégales de travail.