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GLOIRE

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évangêliques, auxquels il faut ajouter les caractères sacramentels. Toutes les âmes ne les posséderont pas : ce sera le privilège de certains élus. Les auréoles ont déjà élé étudiées. Voir Auréole, t. i, col. 2571 sq. Quant aux fruits spirituels ou évangéliques, il ne faut pas les confondre avec les fruits du Saint-Esprit, éhumérés dans l’Épître aux Galates, v, 22, 23. Voir Fruits du Saint-Esprit, col. 944 sq. D’une manière générale, la gloire essentielle peut être considérée en elle-même comme le fruit de notre travail de sanctification. Rom., vi, 22. Mais, plus spécialement, les fruits spirituels désignent métaphoriquement, comme les auréoles, une gloire accidentelle que Dieu accorde à certains élus. La métaphore est empruntée à la parabole, du semeur. Matth., xiii, 3-9. Les semences jetées en terre produisent, les unes 100, les autres 60, d’autres en lin seulement 30. C’est en se dégageant des liens de la chair, pour progresser dans la vie spirituelle, que l’homme obtiendra ces fruits : Fructus est quoddam prxmium quod debetur homini ex hoc quod ex carnali vila in spirilualem transit. S. Thomas, IIP Suppl.. q. xevi, a. 3. Plus l’homme se dégagera des liens de la chair, et plus son fruit sera abondant : le fruit est donc la gloire accidentelle proportionnée aux dispositions mêmes de l’âme s’engageant dans les voies de la spiritualité, et par là il se distingue, non seulement de la gloire essentielle, mais de l’auréole qui est la récompense accidentelle de certaines œuvres exceptionnellement méritoires : Secundum ergo hoc fructus dijfcrt ab aurea et ab auréola : quia aurca consislit in ijaudio quod habetur de Deo, auréola vero in gaudio quod habetur de operum perfeelione ; sed fructus in gaudio quod habetur de ipsa disposilione operanlis secundum gradum spiritualitatis in quem proficit ex semine verbum Dei. S. Thomas. In IV Sent., 1. IV, dist. XLIX, q. v, a. 2, q. i. Cf. IIP Suppl., q. xevi, a. 2. Les fruits spirituels sont attachés principalement à la vertu de continence qui seule nous fait fructifier dans le sens du détachement de la vie charnelle ; les proportions de 100, 60 et 30 indiquées par saint Matthieu représentent les trois sortes de continence, celle des vierges, celle des veuves et celle des gens mariés. S. Thomas, loc. cil., q. il, et iii, a. 3, 4. Cf. Gonet, op. cit., disp. V, a. 4.

Tous les anciens théologiens, et Scot lui-même, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIX, q. v, admettent que l’auréole diffère ontologiquement des fruits spirituels, et voient sous ces expressions métaphoriques des réalités représentant certaines béatitudes accidentelles. Des théologiens plus récents, Suarez tout particulièrement, op. cit., disp. XII, sect. iii, considèrent que les trois degrés exprimés par saint Matthieu ne signifient pas nécessairement des degrés de gloire accidentelle. La métaphore des fruits spirituels pourrait bien ne désigner que les degrés de la gloire essentielle elle-même. S. Thomas, In Evangel. Midlhœi, c. xiii, adopte ce sentiment. Cf. Pesch, op. cit., n. 511.

D’ailleurs, les Pères se sont prononcés en des sens si divers qu’on ne peut trouver chez eux d’interprétation authentique. Saint Jérôme, In Matlh., P. L., t. xxvi, col. 39, favorise l’interprétation de saint Thomas ; saint Augustin, Quæslioens in Evangel. sec. Matlh., ix, P. L., t. xxxv, col. 1325 ; Paschase Radbert. In Matlh., part. VII, P. L., t. cxx, col. 490 ; Bruno d’Asti, ibid., P. L., t. clxv, col. 189, appliquent la parabole aux martyrs, aux vierges, aux gens mariés. Bruno d’Asti, loc. cit., entend également parler des contemplatifs, des actifs et de ceux qui mènent une vie commune. Cf. S. Grégoire le Grand, In Ezcchiclem, 1. I, homil. v, n. 12, P. L., t. lxxvi, col. 826. Saint Augustin, De sanela virginilale, c. xlv, P. L., t. xl, col. 423, expose d’abord l’opinion que reprend saint Thomas, mais conclut que ces différents fruits représentent plus gé néralement les différents degrés de vertu. Même interprétation chez l’auteur de VOpus imperfeetum in Matlh., P. G., t. lvi, col. 705. Théophylacte, In Matlh., P. G., t. cxxv, col. 284, applique la parabole aux contemplatifs, aux actifs et à ceux qui débutent dans la perfection de la foi. Les incipienles, proficienles et perfecti se retrouvent chez Denys le Chartreux, In IV Evangelia, Paris, 1555. La liturgie de l’Église fait allusion, avec une application différente, à la parabole de Matth., xiii, 3, 9, dans l’hymne des laudes de saint Jean-Baptiste, vierge, docteur, martyr, Secta 1er dénis alios coronant, etc. Voir aussi : S. Jérôme, Adu. Jovin., 1. I, n. 1 ; Epist., xlviii, n. 2, P. L., t. xxiii, col. 212 ; t. xxii, col. 495 ; S. Cyprien, Epist., lxxvi, n. 6, P. L., t. iv, col. 418, qui appliquent ces degrés aux degrés de la gloire essentielle niés par les hérétiques de leur temps. Cette dernière interprétation est la plus commune chez les exégètes plus récents et correspond mieux à la pensée de Notre-Seigneur. Les théologiens font remarquer à bon droit que le caractère sacramentel sera lui aussi un sujet de gloire accidentelle pour les élus, parce qu’il restera la marque indélébile de leur fidélité. Cf. S. Thomas, Sum. Iheol., III", q. xlv, a. 5, ad 3°". Voir Caractère sacramentel, t. il, col. 1706.

S. Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIX, q. v, a. 2 ; Sum. theol., îï£æ Suppl., q. xevi, a. 2, 3, 4 ; Suarez, De ultitno fine hominis, disp. XI, sect. iii, n. 5 ; Gonet, De ultimo fine hominis, disp. V, a. 4 ; Knabenbauer, Evangelium secundum Matllœum, Paris, 1892, p. 524, 525.

b) Gloire accidentelle commune à tous les élus. — a. Dans l’âme. — Nous laissons présentement de côté les biens d’ordre surnaturel que Dieu accorde, dès ici-bas, à l’âme ornée de la grâce sanctifiante et qui la suivront, pour sa gloire, dans le ciel. Il y a correspondance entre la grâce et la gloire, et rénumération de ces biens sera logiquement à sa place plus loin, quand nous traiterons de la grâce et de la gloire. Bappelons toutefois que ces perfections d’ordre surnaturel sont un motif de gloire accidentelle.

a. Biens de V intelligence. — La foi ne nous enseigne rien directement en dehors de la vision béatifique. touchant les perfections de l’intelligence glorifiée. Les Pères enseignent communément, voir Intuitive (Vision), que l’ignorance et l’erreur ne peuvent trouver place dans la connaissance des élus. Il faut entendre cette ignorance dans un sens privatif, non négatif ; les élus, en elîet, auront toutes les connaissances que comporte leur état ; mais n’étant pas, par le fait de la béatitude, omniscients, ils resteront dans la nescience à l’égard de beaucoup de choses. S. Thomas,

In IV Sent., dist. XLIX, q. ii, a. 5, ad 8.Mais

comme, d’autre part, la gloire doit être le comble de tous les biens et la satisfaction de tous les désirs, exige-t-elle, en plus de la vision intuitive, un mode de connaissance d’ordre naturel qui en est comme le complément et l’accessoire ?

Nous n’avons, sur ce point, que les opinions des théologiens. — On admet communément contre Albert le Grand, In IV Sent., 1. III, dist. XXXI, a. 10, avec saint Thomas, Sum. theol., P, q. lxxxix, a. 5, 6, que les habiius et les actes de la science acquise ici-bas demeurent dans les âmes séparées, bien que le mode d’agir de l’intelligence, tant que l’âme sera séparée du corps, ne s’exercera plus par une conversion vers les images sensibles, 1° II a q. lxvii, a. 2. Cf. Capréolus, In IVSenl… XXXI et XXXII, dist.III, q.un., a.2, § 2 ; Durand de Saint-Pourçain, dist. XXXI, q. ni. La parole de saint Paul, I Cor., xiii, S. scienlia deslruetur, ne s’applique qu’à une grâce gratuitement donnée, analogue aux dons de prophétie et des langues. Voir Estius, Bisping, dans leurs commentaires sur ce passage. Le souvenir des événements, des personnes, des affections, des luttes d’ici-bas suivra donc les âmes dans la gloire et