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GLOIRE

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Rome, 1903, q. v, thés, ix, p. 118. Beaucoup d’autres se contentent de proposer les éléments constitutifs de la gloire, vision, amour, joie béatifiques, sans discuter la question de l’élément formel ; voir, par exemple, Perrone, Jungmann, etc.

Sans vouloir trouver leur opinion formellement exprimée dans la sainte Écriture et chez les Pères, les thomistes prétendent cependant appuyer leur doctrine sur l’Écriture et la tradition. Bien que les textes allégués par eux n’aient de force démonstrative complète que pour garantir le fait de la vision héatiflque, et qu’ils doivent nécessairement trouver leur place à l’art. Intuitive (Vision), nous rappellerons brièvement ici les principaux, ceux que les théologiens thomistes ont l’habitude d’opposer à leurs adversaires : a. Sainte Écriture : Joa., xvii, 3 ; I Cor., xiii, 12 ; II Cor., v, G, 7 ; I Joa., ni, 2 ; Apoc, xxii, 3, 4 ; et, moins directement, Joa., xiv, 8 ; Matth., v, 8 ; Ps. xvi, 15 ; lxxix, 4 ; lxxxiii, 8 ; Is., xxxiii, 17 ; Exod., xxxiii, 18, 19 ; b. Pères : saint Augustin, plus que tout autre, a étudié la question de la béatitude. Voir les textes cités, t. i, col. 2115 ; t. il, col. 506, n. 5. On trouve chez ce Père d’autres expressions très fortes en faveur de la thèse thomiste : Tota merces noslra visio est, Ennr. in ps. mu, serm. ii, P. L., t. xxxvii, col. 1170 ;.Eterna est ipsa cognitio verilatis, De moribas Ecclesiæ, 1. I, c. xxv, P. L., t. xxxii, col. 1331 ; Illos beatissimos facil, quod scriplum est : tune jade ad jæicm ; qui enim hoc invenerunt, illi sunt in beatitudinis possessione, De libero arbilrio, 1. II, c. xiv, P. L., t. xxxii, col. 1261 ; Illa cognilionc, illa visionc, illa conlemplalione satiabitur in bonis animée desiderium, De spiritu et liltera, c. xxxiii, P. L., t. xi.iv, col. 240. Cf. De Trinitate, 1. I, c. viii, P. L., t. xlii. col. 957. On cite également, parmi les Pères qui représentent la tradition des premiers siècles, S. Irénée, Conl. hær., 1. IV, c. xx, n. 6, 7 ; c. xxxvii, n. 7 ; 1. V, c. xxxvi, n. 1, P. G., t. vii, col. 1035-1037, 1104, 1222 ; S. Ambroise : Scriptura divina vilain bealam posuil in cognilione divinitatis, De o[Jiciis ministrorum, . II, c. ii, P. L., t. xvi, col. 104 ; S. Cyrille d’Alexandrie, pour qui la félicité réside dans la souveraine contemplation, Co/if. Julianum, 1. III, P. G., t. i.xxvi, col. 628-629 ; S. Grégoire de Nazianze, Oralio in laudem Cœsarii iratris, n. 17, P. G., t. xxxv, col. 775 ; S. Grégoire de Nyssc, De beatiludinibus, orat. vi, P. G., t. xi.iv, col. 1264 sq. ; pseudo-Jérôme : Deum videre, infinila corona est, Breu. in ps. lx.xxiv, p. L., t. xxv, col. 1073 ; S. Jean Damascène, De fuie orlhodoxa, 1. IV, c. xxvi, P. G., t. xciv, col. 1228 ; le concile de Francfort, à la fin de sa lettre Adepiseopos hispanos, P.L., t. ci, col. 1316. On s’appuie également sur l’autorité de S. Anselme, Monol., c. lxvi, n. 7. 8 ; Cur Deus homo, 1. II, c. i, P. L., t. clviii, col. 212, 214, 401 ; de S. Bernard (’?), Scrm., , de Assumplione : Hase est merces, hic est finis fructus nostri laboris, visio seilicet Dei, P. L., t. clxxxiv, col. 1003.

Maldonat, Comment, in IV evangelistas, a propos de Joa., xvii, 3, reconnaît que la plupart des scolastiques se sont appuyés sur ce verset pour se rallier à l’opinion de saint Thomas. Il croit devoir s’en écarter, parce qu’il y voit un argument indirect, mais réel, en faveur de la thèse protestante, de la justification par la foi seule. Les Salmanticenses, loc. cit., n. 56, repoussent cette injure imméritée et semblent bien indiquer que non seulement les scolasliqucs, mais les Pères eux-mêmes ont enseigné l’opinion thomiste, en sorte que cette opinion aurait ainsi une consécration officielle. C’est exagéré. Jean de Saint-Thomas reste dans des limites plus sages en afïirmant que l’opinion de son école relève de la métaphysique et non du do-me. loc. cit., n. 10 : Quidditates rerum, dit-il, n. 6, rimari et speculari ad scholasticas disputationes perlinel, non ml dogmala fidei. Voir aussi Gonet, toc. cit., n. 68.

Pour être complet, il faudrait faire l’exposé des subtilités qui divisent l’école thomiste elle-même. L’élément formel de la gloire essentielle est-il la vision de l’essence une ou de la trinité des personnes’? de l’essence prise en soi ou considérée dans les attributs divins ? Voir Suarez, De diuina subslantia cjusque altributis, 1. II, c. xxii, xxiii ; Gonet, op. cit., disp. II, a. 2, §1. En grande majorité, les thomistes pensent que la vue de la trinité et des attributs divins est de l’essence même de la gloire des élus. La vision b°atifique est-elle à ce point l’élément formel de la béatitude, que même sans amour les élus seraient heureux ? Suarez, De fine ullimo, disp. VII, sect. i, n. 31 ; Gonet, op. cit., disp. III, a. 1, répondent avec la plupart des thomistes que l’amour est le complément nécessaire de la vision. S’agit-il d’une vision de l’intelligence spéculative ou pratique, d’un acte simple ou composé ? Voir S. Thomas, Sum. theol., I » IP’, q. iii, a. 6, et ses commentateurs sur cet article. De ces subtilités que signale en passant Ripalda, De ente supernaturali, 1. IV, dip. C, sect. ii, n. 6, le théologien ne retiendra que ce qui est utile pour expliquer l’objet et les propriétés de la vision intuitive.

b) Opinion scotisle. — Le principe fondamental de cette opinion est que l’élément formel de la béatitude essentielle réside uniquement dans une opération de la volonté. Mais cette opération peut être ou l’amour, et c’est l’opinion de Scot, ou la joie béatifique et c’est l’opinion d’Auriol.

Scot, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIX. q. iv, v, pense que l’élément formel de la gloire essentielle des élus réside dans l’acte d’amour d’amitié, opération de la volonté humaine s’attachant a Dieu pour lui-même. On peut citer, comme partisans de cette doctrine, Gilles de Rome, Quodl., III, a. 19 ; Auriol, au témoignage de Capréolus, In IV Sent., dist. I, q. i, a. 2, et de Médina, In I"" II’q. iv, a. 4, aurait enseigné que l’acte de volonté procéderait non de l’amour d’amitié, mais de l’amour de concupiscence et consisterait dans la délectation, dans la jouissance de l’âme possédant Dieu, son bien suprême. De fait, à part le texte de saint Paul, I Cor., xiii, 13, oii la charité est exaltée par-dessus toute autre vertu, parce que vertu subsistant dans la gloire, on ne peut guère trouver dans la sainte Écriture que des textes désignant sous les noms de joie, de volupté la gloire des élus, et appuyant ainsi l’opinion particulière d’Auriol. Cf. Matth., xxv, 21 ; Ps. xxvi. 1 ; xxxv, 9, 10 ; Joa., xv, 11 ; xvi, 22 ; I Joa., iv, 16 ; Luc, xxii, 29, 30 ; Apoc, II, 7, 17. L’opinion de Scot et celle d’Auriol, bien que se retrouvant dans toute l’école scotiste avec des nuances diverses dont les subtilités n’ont rien à envier à celles de l’école thomiste, voir Ripalda, loc. cit., n. 8, ont peu de partisans, si on les considère sous leur aspect exclusiviste. Les textes qu’elles peuvent apporter en leur faveur, soit de la sainte Écriture, soit des Pères, voir plus loin, ne suppriment pas ceux que l’opinion thomiste revendique pour elle. Aussi, une troisième opinion s’est peu à peu formée dans la théologie catholique, qui prétend expliquer la gloire essentielle des élus par l’opération de l’intelligence et de la volonté réunies.

La raison fondamentale de l’opinion sotiste est celle-ci : Dieu est notre béatitude, parce que notre souverain bien. Or, en tant que souverain bien, il est l’objet de la volonté et non de l’intelligence. L’opinion d’Auriol, fait remarquer Suarez, De ultimo fine, disp. VII, sect. i, n. 43 ; cf. disp. IX, sect. ni. n. 7, ne peut se soutenir psychologiquement ; la joie béatifique n’est qu’une conséquence de la possession du souverain bien ; son objet est, non le souverain bien, mais la possession qu’on en a ; elle ne peut donc être la fin dernière de l’homme. Cf. S. Thomas, Sum. theol., P II*, q. iv, a. 2 ; Cont. gentes, 1. III, c. xxvi. Quant à l’opinion de Scot elle ne paraît pas davantage admis-