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GLOIRE

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Seigneur se lèvera sur toi et on verra sa gloire sur toi, le targum traduit : la Sekînâli ilu Seigneur résidera en toi et sa gloire (kâbôd) brillera sur toi. Là où l’hébreu semblerait localiser Dieu, les targuais remplacent le mot Dieu par l’expression Sekînâh. Dans le Ps. lxxiii, 2, au lieu de : le mont Sion où lu habites, les targums écrivent : où ta Sekînâh habite. Ce n’est pas Dieu, ainsi que le porte l’hébreu, Deut., xxiii, 14, qui se promène dans le camp d’Israël, comme une sentinelle vigilante ; c’est, d’après Onkelos, sa sekînâh qui est chargée de ce soin. Lorsque Jacob, Gen., xxviii. l(i, s’écrie : Dieu est dans ce lieu, le targum lit : la gloire de la sekînâh est dans ce lieu. Quand l’Éternel ordonne aux Israélites de lui dresser un sanctuaire, c’est, d’après l’hébreu, Exod., xxv, 8, pour qu’il puisse résider au milieu d’eux, tandis que, d’après le targum, c’est pour que sa sekînâh y réside. C’est la sekînâh qui siège sur les chérubins. I Reg., iv, 4 ; II Reg., vi, 2. Les targums, obéissant toujours aux mêmes scrupules, n’osent même pas dire que Dieu habite dans les cieux ; au lieu de : Dieu liabite dans les hauteurs des cieux, Is., xxxiii, 53, ils préfèrent : Dieu a placé sa sekînâh dans les cieux. Cf. Is., xxxii, 15 ; xxxviii, 14. Même procédé là où le texte hébreu dit qu’on a vu Dieu, qu’il est apparu à quelqu’un. Ce n’est pas Dieu qu’on a vii, ou qui est apparu, c’est sa sekînâh. Is., vi, 5 ; Exod.. ni, G ; Ezech., i, 1 ; Lev., ix. 4. Les juifs voisins de l’ère chrétienne croyaient que la gloire de Dieu n’habiterait le second temple qu’à la venue du Messie. Ezech., xliii, 7, 9 ; Agg., i, 8 ; il, 9 ; Zach., ii, 10. Le Talmud, Yoma, 9b, l’explique par ce fait que ce second temple a été bâti sous Cyrus, descendant de Japheth, alors que Dieu n’habite que sous la tente de Sem. En somme, la sekînâh sert aux targumistes chaque fois qu’il y a une théophanie réaliste à atténuer, un anthropomorphisme à supprimer. Elle semble avoir remplacé, dans le Talmud, la Memra (le verbe) des targums et remplir à peu près, dans la théologie palestinienne, les mêmes fonctions que le Logos de Philon. Toutefois, alors que la Memra des targums et le Logos alexandrin sont actifs, la sekînâh est presque réduite à un r<">le passif. Mais, quand on passe des targums aux Midraschim et au Talmud, il en est autrement : la sekînâh cesse d’être inactive et elle agit comme le Logos ou le Rûah (l’Esprit). Ainsi, le passage du Lev., xxvi, 12 : « Je marcherai au milieu de vous et je serai votre Dieu » devenait dans le targum : « Je placerai la gloire de ma sekînâh parmi vous ; et ma Memra (parole) sera avec vous. » Pour les Midraschim et le Talmud, la Memra disparait complètement : il ne reste que la sekînâh qui hérite de son emploi et de ses attributions. C’est elle qui parle à Amos et aux prophètes, Pcsæhim, 73, et l’expression mizmôr ledavid laisse entendre que la sekînâh est, dans le Talmud, la source régulière de l’inspiration divine. Si le grand-prêtre Élie s’est mépris sur Anne, mère de Samuel, c’est que la ëekînâh s’était retirée de lui. La Mischna a été donnée par Moise sous les auspices de la sekînâh. Le Pirké Aboth, ni, 3, dit que, si deux ou plusieurs hommes se réunissent pour s’occuper de la Loi, la sekînâh est au milieu d’eux, sentence qui rappelle Matth., xviii, 20. Les rabbins enseignaient que la sekînâh était toujours présente dans les synagogues, dans les écoles, dans les maisons des hommes pieux. Sota, 17 a. On croyait généralement fine la sekînâh n’habitait point le second temple, mais on disait qu’elle était partout inséparable d’Israël ; elle avait accompagné les tribus dans l’exil à Babylone et elle était présente dans la Diaspora, partout où il y avait une colonie d’enfants d’Israël. Les juifs croient encore aujourd’hui que la sekînâh, après la destruction du temple par Titus, ne s’est pas retirée de Jérusalem et qu’elle continue à couvrir le mur ouest. Cf. Weber, Altsyn. Theol., 2e édit., p. (12.

L’activité de la sekînâh s’étendait jusqu’au sehôl ; c’est elle, d’après certains rabbins, qui, au dernier jour, délivrera de la géhenne les Juifs que leurs fautes y auront tenus enchaînés ; ils sortiront de là ayant à leur tête la sekînâh. Weber, op. cit., p. 368. Voir t. v, col. 2374-2375.

Dans le Nouveau Testament.


En passant de l’hébreu ou de l’araméen au grec, la kâbôd Yehôvâh et la sekînâh deviennent la 30Ea tou 8eo3, avec les mêmes sens et les mêmes acceptions ; toutefois cette gloire de Dieu est mise en relation spéciale avec le Christ. Citons d’abord les passages où l’allusion à la sekînâh est à peu près certaine ou tout au moins transparente. Entre tous, le célèbre passage de saint Jean, i, 14 : Et il a habité parmi nous, èascïjvwMV, et nous avons vu sa gloire. Le rapprochement, du verbe grec Èffîsr[vto<TEv avec le verbe hébreu sâkân, habiter, racine de sekînâh, n’est pas purement fortuit, mais voulu ou du moins pensé par l’auteur. L’Épître de saint Jacques, ii, 1, identifie le Christ avec la sekînâh, evexs tt, v t : î<jxiv tou xupîou f, atôv’Iirjao’j XptoToQ [tt, ç î’Jçr, ; ] : ayez la foi de Noire-Seigneur Jésus-Christ, la gloire. On peut aussi mettre en parallèle les paroles du Pirké Aboth avec Matth., xviii, 20 ; Jésus serait la sekînâh. Cf. I Cor., ii, 8, tou x.’jo’.oj Tfjç oôEr, ;. Un autre texte, tiré de la I Pet., iv, 14, semble renfermer la même idée, mais son interprétation est plus contestable : to tïjç cdEr, ; /al to tou OsoC nvsû’[i.a : l’Esprit de gloire et l’Esprit de Dieu. L’Esprit de gloire serait ici le Christ. Toutefois ce sens est douteux. Ailleurs, Heb., i, 3, le Christ est donné comme la splendeur de la gloire du Père, à-a’j-faa ; j.a tv, ; 3d ?7jç et ici la 30’: a signifie la divinité, au sens de la sekînâh du Talmud. Il est probable qu’en plusieurs autres endroits du Nouveau Testament, les opinions des rabbins sur la sekînâh ont une répercussion sensible. Entre autres privilèges d’Israël, saint Paul énonce avec emphase, dans l’Épître aux Romains, ix, 4, ꝟ. 80 ?a, la gloire, évidemment la sekînâh. La voix qui rend témoignage au Christ, sur le Thabor, et qui émane ûtzÔ tt, ç [j.£ya).o^p ; j : oCi ; SoEr, :, voir II Pet., r, 17 ; Matth., xvii, 15, reproduit l’interprétation du targum de Jérusalem à propos de Gen., xxviii, 13 ; la gloire de Jahvé dit : Je suis le Dieu d’Abraham. Il y a peut-être comme un reflet des opinions d’écoles sur l’activité de la sekînâh dans Rom., vi, 4, où saint Paul dit que le Christ est ressuscité d’entre les morts, par (8tà) la gloire du Père. Les miracles sont, dans saint Jean, xi, 40, attribués à la gloire de Dieu. Tout ce qui se rapporte au Christ reçoit aussi en épilhète le mot gloire : l’évangile de gloire, II Cor., iv, 4 ; le ministère de gloire, II Cor., iii, 8 ; les richesses de sa gloire, Eph.. iii, 16 ; son royaume, le royaume de gloire. Marc, x, 37. Dans les apparitions, c’est encore la gloire de Dieu qui projette ses rayons éblouissants, Luc, il, 9, /.y. Sofa xupïou 7T£pi£Àajj.’|ev aùxo-jç ; c’est elle qui environne Paul sur la route de Damas, qui le jette à terre et lui parle. Act., ix, 3-5 ; xxii, 11. Noter à-ô rr, ç So’Çtiç tou ç<oto ; èxsîvou. C’est avec elle que le Christ réapparaîtra à la parousie quand il viendra juger le monde. Matth., xvi, 27 ; Marc, viii, 38 ; xiii, 26. Par cette énumération de textes, on a pu s’apercevoir que l’expression gloire de Dieu n’a pas, dans la littérature néo-testamentaire, un sens spécifiquement différent de celui de l’Ancien Testament et de la théologie juive des siècles qui précèdent immédiatement l’ère chrétienne.

Lesêtre, art. Gloire de Dieu, dans le Dictionnaire de lu Bible de M. Vigouroux ; Hastings, A dictionarij o/ the Bible, art. Shekinah ; Kitto, Biblical encyclopœdia, t. iii, p. 820 ; Hamburger. Beat-Encyctopàdie fur Bibel und Talmud, p. 1080 ; Weber, Jiid. Theol. ans Grund des Talmud, p. 182 ; Gfrorer, Urclirislenthum, t. i, p. 301 ; Skinner,