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HIPPOLYTE (SAINT]


Parole, non point un simple son, où Xôyov io ; tpcovrlv, mais la pensée immanente de l’univers, aXX’èvSiàOsxov cou -av-o ; Xoyiafxôv. C’est le seul qu’il n’engendre point du néant, car le Père est lui-même l’être, et c’est de lui que procède l’engendré. Ainsi proféré ou produit, le Verbe crée le monde, dont il porte en lui-même l’exemplaire, et il le crée suivant la volonté du Père, dont il est l’exécuteur. Le monde est tiré du néant, il n’est donc pas Dieu, il est donc périssable ; le Verbe, au contraire, étant de Dieu, est Dieu lui-même, il est l’essence de Dieu, toutou ô Xôyo ; txo’vo ; à ? aÙTou, 810 xaï Œoç, ouata’j-iy/ui-i 6eou. Cette génération du Verbe est libre d’une liberté absolue ; c’est quand il le veut, et comme il le veut, que le Père exprime son Verbe. Enfin l’incarnation confère plus spécialement au Verbe le titre de Fils.

On voit immédiatement les très graves défauts de’la théorie. Outre qu’elle introduit dans les relations divines un changement incompatible avec l’immutabilité de l’Être éternel, elle ne laisse pas d’inquiéter au point de vue de l’égalité des personnes divines. Il y a chez Hippolyte, comme chez tous les partisans de la théorie philosophique du Logos, un subordinatianisme latent, et qui se révèle par occasion. A ce point de vue une phrase des Philosophoumena mérite d’être relevée. « L’homme, dit l’auteur, n’est ni Dieu, ni ange, qu’on ne s’y trompe pas : s’il avait voulu te faire Dieu, il le pouvait ; tu as l’exemple du Logos. Ayant voulu te faire homme, il t’a fait ainsi, s’, yàc Oso’v as T]0£Àr|a£ vTotfjaai, Èoûvaxo* l’/stç toù AdyouTO 7 : àca&£iyua - av6pejj710v ôéXiov, avOp")-ov ne èrcowiæv, X, 33. Il semblerait donc que c’est par un choix libre et volontaire que Dieu attribue au Logos la dignité divine.

Rien de plus dangereux ne se peut imaginer ; et l’on se demande si Zéphyrin et Calliste n’avaient pas raison quand ils signalaient le dithéisme impliqué dans les formules d’Hippolyte. Ce dernier avait beau protester qu’il n’admettait pas deux dieux, la théorie à laquelle il s’attachait aboutissait toujours à un développement divin où l’unité de la substance ne se trouvait guère en sûreté. Et si l’on ajoute que, dans tout ce développement, la personne du Saint-Esprit ne joue qu’un rôle extrêmement effacé, on verra tout ce qui manque à la théologie d’Hippolyte pour être la doctrine trinitaire de l’avenir. Elle est l’aboutissant de la systématisation proposée par Justin, Tatien, Athénagore, Théophile, mais elle en marque aussi le point d’arrêt. Ce sera dans une autre direction que s’élaborera au ive siècle la théologie de la Trinité.

Autres questions théologiques.

Pénétré comme

il l’était de l’influence continuelle exercée par le Verbe dans le monde créé par lui et sans cesse conservé par son action, Hippolyte n’avait point de peine à admettre la doctrine de l’inspiration prophétique et celle de l’inerrance de l’Écriture sainte, qui en est la conséquence. (Les textes rassemblés très complètement dans d’Alès, p. 111.) Il n’y a donc aucune différence à mettre dans le respect que l’on accorde à l’Ancien et au Nouveau Testament. Le canon de l’Ancien Testament reçu par Hippolyte est celui des juifs hellénisants ; notre docteur met sur le même pied toutes les parties du livre de Daniel. D’ailleurs, ni le texte hébreu, ni le canon palestinien ne le préoccupent. C’est aux Septante qu’il s’adresse et, pour Daniel, à Théodotion. Son canon du Nouveau Testament présente encore quelque flottement. L’Épître aux Hébreux n’est pas attribuée à saint Paul ; il n’y a pas de trace des Épîtres de Jean et de Jude (mais cette circonstance peut tenir à l’état très fragmentaire de la tradition littéraire). Quelques apocryphes semblent cités sur le même pied que les écrits canoniques. Mais les grandes lignes du canon d’Hippolyte répondent assez exactement à ce que l’on sait par ailleurs du canon romain au ine siècle.

Le concept de la rédemption est à rapprocher de celui de l’inspiration scripturaire. Sans doute, la mort du Christ a une importante signification dans l’histoire religieuse de l’humanité, et Hippolyte reprend fidèlement les expressions pauliniennes sur la mort rédemptrice : 8>.à Oavâxou Oâvaxov vixrjja ;, dit-il du Christ. De Antichristo, 26, t. i, p. 19. Il n’en reste pas moins que la spéculation de notre docteur voit surtout l’action rédemptrice dans cette connaissance de Dieu ménagée par le Verbe divin soit dans la nature, soit dans l’histoire, soit dans la loi et les prophètes, soit enfin dans l’Évangile : àXrjûsta Iv tco xo’<t[j.ci) tpavsï ; kXi-Ôsiav èût’SaÇiLv. In Daniel., iv, 41, t. i, p. 292.

C’est l’Église qui continue sur la terre cette œuvre de rédemption. Elle est la sainte assemblée de ceux qui vivent dans la justice, la maison spirituelle de Dieu, l’assemblée des saints, r xXijaiç twv àyîtov. In Daniel., i, 14, ibid., p. 23. Cette conception très élevée de l’Église explique, si elle ne les justifie pas complètement, les reproches adressés par Hippolyte à l’administration ecclésiastique de Calliste. Ce dernier estimait à juste titre qu’un rigorisme trop étroit, bon peut-être dans une petite communauté fervente, était impossible dans l’Église chrétienne telle que l’avaient faite de longues années de paix. Pour la rémission des péchés en particulier, l’ancienne discipline qui refusait à jamais le pardon de certaines fautes était incompatible avec la nouvelle organisation de l’Église du me siècle. Sous peine de réduire la communauté chrétienne à n’être plus composée que de catéchumènes, il fallait d’urgence pourvoir à la réconciliation de ceux que la faiblesse entraînait à des fautes considérées jusque-là comme excluant de l’Église. Hippolyte, comme Tertullien d’ailleurs, en fit à Calliste un grief. Philosoph., 1. IX, 12. Dans l’espèce, la mesure prise par le pontife était autrement sage que l’attitude outrée du docteur. Autant en faut-il dire de la question des mariages clandestins, autorisés par Calliste entre des femmes de condition noble et des chrétiens de condition tout à fait inférieure, esclaves ou affranchis, malgré la loi civile. C’est la première fois, ce n’est pas la dernière, qu’on voit le droit canonique ne pas admettre toutes les théories de la législation séculière ; et l’on ne peut faire un grief au pape d’avoir donné sur ce point une solution libératrice. Quant aux accusations formulées par Hippolyte sur la facilité déplorable de Calliste à réconcilier des évêques coupables, ou à autoriser dans le clergé l’usage du mariage ou même la bigamie successive, il faut, avant de les imputer au compte du pontife, se demander jusqu’à quel point la passion a défiguré les faits allégués par un adversaire. Voir t. ii, col. 1338-1342. Sans être montaniste, Hippolyte nous apparaît comme un rigoriste outré dans sa conception de l’Église.

Cette Église a reçu du Christ la dispensation des sacrements. Le baptême est la source qui fait jaillir dans l’Église le breuvage d’immortalité, par lui nous participons à la grâce du Christ. In Ruth, édit. de Berlin, t. i b, p. 120. Il est le sceau que le Sauveur donne aux siens et auquel l’Antéchrist opposera un autre sceau. De Antichristo, c. vi, ibid., p. 8. L’eucharistie est le gage laissé à l’Église par le Christ, comme Juda avait laissé à Thamar son anneau, son bracelet et son bâton, « et nous recevons son corps, et son sang est le gage de la vie éternelle pour quiconque s’en approche avec humilité. » In Gen., xxxviii, 19, ibid., p. 36. Quand la Sagesse de Dieu s’écrie : « Venez, mangez mon pain, buvez le vin que je vous ai préparé, » elle ne désigne rien d’autre que la chair divine du Sauveur, et son sang précieux qu’il nous donne à manger et à boire pour la rémission de nos péchés. In Prov., ix, 1-5, édit. de Lagarde, p. 199. C’est le viii, délicieux par-dessus tout, que nous a préparé le Christ. In Cant.