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HIPPOLYTE (SAINT)


travaux scripturaires, homélies et commentaires, tels que nous avons essayé de les recenser. Nous pouvons la juger surtout à l’aide de trois ouvrages qui nous sont conservés à peu près dans leur intégrité, le Traité sur l’Antéchrist, le Commentaire sur Daniel et le Commentaire sur le Cantique des cantiques. La seconde phase est surtout caractérisée par les luttes entreprises contre les ennemis de la foi : successivement les gnostiques, les monarchiens, les aloges et tous ceux qui s’y rattachent sont attaqués et mis en déroute par Hippolyte. Le S’jvxaypt.a 7tpôç ftâjaç xàç aîpéaeiç, que l’on peut reconstruire dans ses grandes lignes, le Traité contre Arlémon, les Capita contra Caium nous permettent de restituer assez exactement cette deuxième phase. La troisième, la moins honorable pour Hippolyte, est celle de sa lutte personnelle contre Zéphyrin et Calliste. Nous la jugerons au mieux par les Philosophoumena. C’est à ces diverses œuvres ainsi classées qu’il faut demander maintenant la synthèse des doctrines d’Hippolyte ; mais, avant de l’aborder, disons un mot de l’écrivain lui-même. Photius, un bon juge, avait déjà remarqué que le style de notre auteur est « clair, distingué, sans recherche, bien qu’on ne puisse pas le qualifier d’attique. » Bibliotheca, cod. 121, à propos du Hùvxaypva ; cꝟ. 202, à propos du Commentaire sur Daniel. En fait, Hippolyte n’est point un styliste, mais si la diction est d’ordinaire simple et unie, elle atteint quelquefois à l’éloquence, la phrase devient nombreuse, rythmée ; la finale des Philosophoumena est à ce point de vue fort remarquable. Quand la rancune d’Hippolyte s’exhale, elle trouve facilement le mot tranchant, la coupe de phrase incisive ; les détails se présentent avec une vivacité sans pareille aux yeux de l’auteur ; la narration des antécédents de Calliste est, malgré toute son injustice et sa partialité, un petit chef-d’œuvre. C’est l’art de la composition qui a le plus manqué à notre auteur, aussi bien qu’à tous ses contemporains, païens ou chrétiens.

III. Sa. théologie. — 1° Synthèse de l’enseignement d’Hippolyte. — Dans les dernières pages des Philosophoumena, Hippolyte, après avoir montré les erreurs débitées par la philosophie païenne et les hérétiques qui s’en sont inspirés, cherche à ébaucher une synthèse de la doctrine chrétienne, 1. X, 32-34. C’est aux chrétiens que l’humanité, en quête de vérité, doit s’adresser pour trouver la connaissance véritable de Dieu, du monde, de la vertu. Le principe fondamental de cette connaissance, c’est la croyance en un seul Dieu, principe unique et éternel créateur, qui par sa volonté a tout créé du néant, £7tonr)<je xà ovxa où/, ovxa 7rpoxEpov. Voilà, pour débuter, la claire réfutation de l’éternité de la matière, enseignée par les Grecs, et du dualisme où sont venus échouer tant de systèmes hérétiques. C’est en produisant au dehors de lui le Verbe, sa raison immanente, que Dieu commença l’œuvre de la création. C’est le Verbe, le Logos divin, qui donne à chaque individu sa nature et son existence, suivant les décrets immuables de Dieu, xauxa Aôyw sOT)tj.toûpyet. (ô Geo ;), êxéptoç yc’vveaÛat [aï] Suvâpieva rj wç syÉvsxo. Les anges sont des créatures de Dieu, de nature ignée, sans sexe : jy. : xjpô ; eiva’. àyysvouç ôp-oXoyw, /.ai où xoûxo’. ç 7tapêtvat OrjXeiâç. Au-dessus de toute la création (visible), Dieu place comme chef l’homme, lequel n’est ni Dieu, ni ange ; si l’homme veut devenir Dieu, il n’a qu’à obéir aux ordres de son créateur ; trouvé fidèle dans les petites choses, il recevra ainsi une magnifique récompense.

Aussi bien le mal existe dans le monde ; mais Dieu n’en est pas l’auteur. Le mal a pour origine la volonté humaine défaillante. La loi cependant a été donnée à l’homme pour le préserver du mal, et dans un vigoureux raccourci Hippolyte montre les invitations adressées à l’hemme par tant d’intermédiaires, les pa triarches, Moïse, les prophètes, tous illuminés par l’action du Verbe de Dieu. C’est lui qui, par tant de moyens, poursuit l’homme, ne voulant point l’enchaîner par une inexorable nécessité, mais l’appelant à profiter par un libre choix de la sainte liberté : où jita àvayy.rjçoo’jÀaytoyojv, àÀÀ’s^’ÈÀsuŒpt’av éxouaîco 7Cpoaipêd£i. /.aX<3v. Finalement, c’est le Verbe lui-même que le Père envoya sur la terre, non plus pour parler par les prophètes, mais pour se manifester lui-même. Né de la Vierge, il a voulu passer par les divers âges de la vie humaine, afin d’être lui-même la loi pour tous les âges. Pour bien montrer que Dieu n’a rien créé de mauvais en soi, il a voulu prendre un corps pétri du même limon que nous, xoSxov avOpto^ov l’apuv Ix xou y.aO’fjjjLàç œupâ[iaxo ; yeyovéva’.. Afin de ne point paraître autre que nous, il a supporté la fatigue, il a voulu avoir faim, avoir soif, il a eu sommeil, il n’a pas rejeté la souffrance, il a obéi à la mort, mais aussi il a manifesté sa résurrection ; il recommençait ainsi en lui-même ce qui se passa en l’homme, afin que toi, non plus, dans la souffrance, tu ne désespères pas, mais que, reconnaissant ta condition, tu attendes avec confiance ce que tu peux un jour posséder par lui. « Telle est, continue le docteur dans un beau mouvement d’éloquence, telle est la vraie doctrine sur la divinité ; Grecs, Barbares, Chaldéens, Assyriens, … je vous conseille d’y venir pour connaître la vraie doctrine et éviter les châtiments de l’enfer. C’est en croyant au Dieu véritable que tu pourras les éviter, que tu auras part à l’immortalité ; qu’au royaume des cieux tu deviendras le compagnon de Dieu et le cohéritier du Christ, sar) os ô(jL’.X7jxri ; 6sou xai auy-/ : Àr|povô’pioç Xpiaxdç. Affranchi des passions, des souffrances, de tous les maux, te voilà déifié, yéyovoc ; yàp 6sô ;. C’est le Christ, Dieu parfait, ô y.axà jxâvxo>v Geoç, qui a décidé de laver le péché des hommes, de rénover pleinement l’homme ancien ; ayant imité la bonté de celui qui est bon, tu lui deviendras semblable et tu seras honoré par lui, car Dieu ne s’appauvrit pas, en te faisant Dieu pour sa gloire. »

Il n’est guère d’écrivains de l’ancienne Église qui nous aient laissé une synthèse aussi compréhensive de l’enseignement chrétien. Sans nous attarder à en reprendre tous les éléments, nous allons examiner ceux qui présentent le plus de difficultés à raison de leur différence avec la doctrine aujourd’hui courante. 2° Doctrine trinitaire.

C’est évidemment la théorie

du Logos qui demande à être étudiée de plus près. Hippolyte ne l’a point créée de toutes pièces et l’on retrouverait aisément dans saint Justin tous les éléments de son système, mais la lutte avec les diverses tendances hérétiques mentionnées plus haut a forcé le docteur romain à préciser quelques-unes des données de l’apologiste, et cette précision même n’a pas été sans nuire à la vérité, voire à l’orthodoxie de la théorie.

Qu’il faille distinguer dans le Sauveur un double élément, l’un divin, l’autre humain, c’est ce dont Hippolyte est persuadé comme toute l’ancienne Église. Et c’est la foi de l’ancienne Église que le docteur romain oppose aux novateurs qui, de Théodote à Artémon, prétendent que le Christ est tout simplement un homme. Contre Artémon ; Eusèbe, H. E., v, 28. Où la difficulté commence, c’est quand il s’agit d’apprécier les relations entre cet clément divin et la personne même du Père. En d’autres termes, le problème qui se posait avec une acuité croissante à l’époque d’Hippolyte était beaucoup moins le problème christologique que le problème trinitaire. La sainte Écriture, le Nouveau Testament en particulier, en fournissait les données : la distinction en Dieu de trois noms, et donc aussi de trois réalités distinctes ; et en même temps l’affirmation la plus absolue de la foi