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HILAIRE fSAINT


trouve son excuse dans les circonstances de temps et de lieu où l’auteur écrivit.

v. grâce et péché. — - La doctrine de saint Hilaire sur la grâce est intimement liée à sa doctrine sur le péché. Comme les écrivains sacrés, il a coutume d’envisager l’homme tel qu il est maintenant, dans l’état de nature déchue, exilé de cette bienheureuse « Sion, où l’on vit sans convoitise, sans douleur, sans crainte, sans péché. » In ps. cxxxvi, 5, col. 779. L’origine de cette déchéance est dans le péché du premier père, qui s’étend à tous ses descendants : In unius Adee errore omne hominum genus aberravit. In Matth., xviii, 6, col. 1020. En s’avouant conçu dans l’iniquité, le prophète royal associe manifestement à sa propre naissance l’idée de péché : Scil sub peccati origine… se esse nalum. In ps.cxviii, litt. xxii, 6, col.641. De là cette loi d’infirmité et dépêché qui demeure en nous, même après le baptême : manente in nobis eliam secundum apostolum et origine et lege peccati. Inps. lviii’.. 4 ; cxviii, litt. xv, col. 375, 601 sq. Concupiscence pour le corps, ignorance pour l’âme, tels en sont les effets généraux qui, sans être eux-mêmes péché proprement dit, nous portent cependant au péché, In Matth., ix, 23, col. 976 ; In ps. cxviii, litt. i, 8, col. 507 : ipsa Ma vitiorum nostrorum incentiva ; litt. iv, 8, col. 530 : qua (lenlatione) tanquam per viam ad peccatum itur. Aussi ni la bonté parfaite, qui fut l’apanage du premier homme en son état premier, ni la pleine observation des commamiements ne se rencontrent maintenant en personne ici-bas. In ps./, //, 11 ; cxviii, litt. iii, 6, col. 329, 520.

A cette infirmité de notre nature déchue se rattache le rôle médicinal de la grâce. Sans employer le mot, Hilaire suppose la chose, quand il proclame la nécessité de la prière et du secours divin qu’elle implore pour surmonter les tentations qui viennent de la chair, du monde et du démon, ou, d’une façon générale, pour accomplir, et même connaître nos devoirs. In ps. lxiii, 6 ; CXVIII, litt. i, 12 ; litt. x, 17, 18 ; litt. xv, 6 ; cxxxviii, 15, col. 409, 509, 569, 601 sq., 790. Il n’affirme pas en termes moins illimités ni moins nets le rapport de dépendance intime et absolue que l’homme conserve en tout vis-à-vis de Dieu : si non in omnibus opus est Dei misericordia, etiam omnia nobis tanquamex nostro sintvindicemus, In ps. CXXIII, 2, col. 675. Affirmation qui semble dépasser déjà l’idée d’un secours purement médicinal ; en tout cas, c’est une grâce d’une vertu supérieure, élevant les facultés ou sanctifiant l’âme, que l’évêque de Poitiers suppose en maint endroit, par exemple, quand il considère le secours divin comme nécessaire à l’intelligence et à la volonté en vue des actes que les adultes doivent produire pour mériter la vie éternelle. In ps. cxviii, litt. i, 12-15 ; litt. x, 15, col. 509 sq., 569 sq. ; ou, quand il montre Dieu convertissant miséricordieusement le pécheur « et lui rendant le principe de nouveaux biens » , In ps. cxxv, 8, col. 689 ; ou, quand il associe à l’idée de la justification et du baptême celle de régénération ou de rénovation intérieure, de robe nuptiale, de temple divin orné de sainteté, In Matth., ix, 24, col. 976 : cum ergo innovamur baptismi lavacro ; xxii, 7, col. 1044 : vestitus autem nuplialis est gloria Spiritus Sancti ; In ps. lxiv, Q, col. 416 : ornandum hoc Dei iemplum est sanctitate atque justifia ; CXVIII, litt. m, 16, col. 525 : regenerationis gratiam.

Hilaire n’affirme pas seulement la nécessité de la grâce, il en affirme aussi la gratuité, par opposition aux œuvres de la loi et de la nature : Si justifia juisset ex lege, venia per gratiam necessaria non fuisset. In Matth., ix, 2, col. 963. Le salut nous vient de la miséricorde divine ; gratuit pour tous est le don de la foi, gratuit le don de la justification et de la rémission des péchés : Salus nostra ex misericordia Dei est ;

gratuilam gratiam Deus omnibus ex fidei justifications donavil ; dono gratise, vilee anlerioris crimina omittuntur. In ps. cxviii, litt. vi, 2, col. 543 ; In Matth., xx, 7 ; xxi, 6, col. 543, 1030, 1043. La foi est essen| tiellement à la base de la justification : fides enim sola justifleat. In Matth., viii, 6, col. 961. Elle est également à la base de tout acte méritoire, en sorte que, sans elle, rien ne peut avoir de valeur pour le salut. In ps. xiv, 8 ; lxiv, 3 ; cxxxvi, 12, col. 304, 414, 783. Si grande même, au jugement du saint docteur, est l’excellence de la foi (considérée sans doute comme vertu) que jamais elle ne cessera, pas plus que l’espérance, à plus forte raison, la charité. Fragm. hist., r, 1, col. 627. Néanmoins la foi seule ne suffit point, ni la prière seule, In ps. cxviii, prolog., 4 ; cxxxiii, 5, col. 502, 751 sq. ; à l’une et à l’autre, il faut joindre les bonnes œuvres, comme un aliment qui entretient la vie de l’âme : habemus hic cibum spiritualem, animam nostram in vitam alentem, bona scilicet opéra. In ps. cxxvin, 6, col. 706. Il y a même une certaine connexion entre la pratique des bonnes œuvres et la connaissance de la doctrine : nisi fidelium operum usus prœcesserit, doctrinæ cognitio non apprehendetur. In ps. cxviii, litt. ii, 10, col. 516. Appuyées sur la grâce et la foi du Christ, les bonnes œuvres deviennent méritoires et, sous les conditions requises, donnent droit à la récompense promise : nos vero salutem tanquam debitum postulamus ; pactum denarium tanquam debitum postulat. In ps. cxviii, litt. xix, 3 ; cxxx, 1 1, col. 626, 725. Hilaire semble même concevoir l’élection des hommes à la gloire comme dépendante des mérites prévus : Non res indiscreli judicii electio est, sed ex merili deleclu facta discrelio est. In ps. LXIV, 5, col. 415. Don de la bienveillance divine, la grâce n’en est pas moins destinée à tous par celui qui est venu icibas pour tous et qui, ayant soin du genre humain, n’a pas cessé d’appeler, en tous temps, tous les hommes à l’observation de la loi. In Matlh., ix, 2 ; xx, 5, col. 962, 1029. La voie du salut est ouverte à tous : omnibus enim palet aditus ad salutem. De mysteriis, 14, édit. Gamurrini, p. 15. De lui-même, Dieu ne repousse ni ne rejetle personne ; seules notre résistance et notre négligence peuvent mettre obstacle à ses dons. Adam, repentant, a été pardonné et glorifié dans le Christ. In ps. cxviii, litt. ii, 3 ; exix, 4, col. 512, 468. L’existence du libre arbitre ressort manifestement de toute cette doctrine. Hilaire accentue fortement cette vérité, qu’il s’agisse d’Adam déchu et de ses descendants. In ps.//, 16 ; cxF///, litt. xxii, 4, col. 270, 641. Aussi l’homme qui pèche est-il toujours responsable et inexcusable. In pu. cxl, 6, 10, col. 827, 830. Si Dieu connaît d’avance l’usage que nous ferons de notre liberté, ceci témoigne de la perfection de sa science, et non pas d’une loi de nécessité qui s’imposerait au pécheur et le porterait irrésistiblement au mal : ipso potius hoc sciente, quam aliquo ad necessitalem genilo naturamque peccati. In ps. lvii, 3, col. 269.

Cette vive préoccupation de sauvegarder le mérite et la liberté n’aurait-elle pas mené trop loin le docteur gaulois ? L’accusation a été formulée, même par des catholiques, comme dom Ceillier, op. cit., t. iv, p. 72 : « On trouve sur cette matière plusieurs propositions, en différents endroits de ses ouvrages, qui font de la peine et qui ne paraissent pas s’accorder avec la doctrine de saint Augustin, qui est celle de l’Église. » Abstraction faite des propositions qui, lues dans le contexte, sont irrépréhensibles, et d’autres qui ne peuvent être sérieusement incriminées que sous l’influence de préjugés d’école, celles-là méritent d’être signalées, où le commencement de l’acte salutaire et la volonté de croire paraissent réservés à l’homme, la part de Dieu venant après : Est