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HILAIRE (SAINT


là un thème qui revient trop fréquemment dans les écrits de l’évêque de Poitiers pour qu’il soit nécessaire de nous y arrêter. Ce n’est pas seulement la virginité de Marie concevant et enfantant qu’il aflïrme, c’est aussi la virginité après l’enfantement ou la virai ni lé perpétuelle qu’il professe et défend contre ceux qui l’attaquaient ; dans les « frères de Jésus » il voit des enfants de saint Joseph, nés d’un premier mariage. In Matth., i, 3, 4, col. 921 sq. La maternité de Marie est une conséquence de sa conception et de son enfantement ; aussi est-elle appelée par Hilaire mère de Jésus, mère du Christ, ibid., et ailleurs, De Trinitate, II, 26, col. 67 : mère du Fils de Dieu. Son rôle par rapport au Verbe, en tant qu’homme, fut exactement celui d’une mère dans la conception, la gestation et la mise au jour de son fruit : quæ officio usa malerno, sexus sui naturam in conceptu et partu hominis exsecuta est. De Trinitate, X, 17, col. 356. Nulle difficulté pour les deux derniers actes ; mais il n’en va pas de même pour le premier. Comme le saint docteur attribue aussi au Saint-Esprit la conception du Sauveur, ex conceptu Spiritus Sancli Virgo progenuit, De Trinitate, X, 35, col. 371, deux questions interviennent : que faut-il entendre ici par l’Esprit-Saint, et quel rôle Hilaire attribue-t-il à celui que cette appellation désigne ? L’une et l’autre de ces questions ont donné lieu à des controverses sérieuses.

En plusieurs endroits, la conception de Jésus-Christ est attribuée au Saint-Esprit en des termes qui semblaient faire de celui-ci le sujet de l’incarnation, par exemple, De Trinitate, II, 26, col. 67 : Spiritus Sanctus desuper veniens Virginis inleriora sanctificavii, et in his spirans naturse se humanx carnis inmiscuit, et id quod alienum a se erai, vi sua ac potestate præsumpsit. La conclusion serait rigoureuse si, dans ce texte, l’appellation de Spiritus Sanctus désignait la troisième personne de la Trinité. Mais cette interprétation est formellement contraire à l’enseignement du docteur gaulois ; pour lui, comme pour tout catholique, c’est la seconde personne de la Trinité, le Verbe, le Fils unique de Dieu qui s’est incarné : Verbum Deus caro facturn : natus Unigenitus Deus ex virgine homo, De Trinitate, I, 33 ; VIII, 5, col. 33, 284 ; Dei Filio in filium hominis ex partu virginis nalo. In ps. Lin, 5, col. 340. La phrase incriminée s’explique, en général, par l’élasticité, déjà signalée, de l’appellation Spiritus Sanctus, en particulier, par ce fait que saint Hilaire, comme beaucoup d’autres Pères anciens, rapporte à la seconde personne le verset évangélique, Luc, i, 35 : Spiritus Sanctus superveniet in te, et virlus Alsissimi obumbrabit tibi. Cf. Coustant, Præf. g*n., 58 61, col. 351 ; Baltzer. Die Théologie des hl. Hilarius, p. 46, not. 2. Dans cette hypothèse, c’est le Verbe ou le Fils qui s’est formé lui-même le corps et toute la nature humaine dont il allait se revêtir : per Verbum caro factus, In Matlh., ii, 5. col. 927 ; Dei Filius natus ex Virgine est et Spirilu Sancto, ipso sibi in hac opcralione famulante, et sua, videlicet Dei, inumbranle virtute, corporis sibi initia consevit et exordia carnis institu.it ; assumpla sibi per se ex Virgine carne ; sed ut per se sibi assumpsil ex Virgine corpus, ita ex se sibi animam assumpsit. De Trinitate, II, 24 ; X, 15, 22, col. 66, 357.

Deux choses, pourtant, sont à distinguer : l’action productrice de la nature humaine du Christ, et le rapport personnel d’union qui doit exister entre les deux termes de l’incarnation, à savoir le Verbe et la nature humaine. Ce rapport personnel d’union est propre, exclusivement propre à la seconde personne de la Trinité, car c’est le Verbe qui s’incarne, c’est le Fils de Dieu qui devient fils de l’homme ; de là, dans les textes précédents, ces formules expressives : ipso sibi in hac operalione famulante ; sibi initia c nsevil ;

sibi assumpsit. La production de la nature humaine du Christ se ramène à une autre notion, celle de causalité efficiente ; Hilaire lui-même y voit un terme de la puissance et de l’action divine : et sua, videlicet Dei, inumbranle virtute ; angélus efficienliam divinæ operationis oslendil ; si enim conceptum carnis nisi ex Deo Virgo non habuit, De Trinitate, II, 24, 26 ; X, 22, col. 66 sq, 359 ; ex Spiritu scilicet et Deo natus. In ps. cxxii, 3, col. 669. Comme la puissance et l’action divines sont communes aux trois personnes, la production de la sainte humanité leur est aussi commune. Elle peut néanmoins s’attribuer à la seconde personne à un titre spécial, à cause du rapport intime qui existe entre cet effet et le mystère de l’incarnation. De même, l’appellation de Spiritus Sanctus, appropriée maintenant à la troisième personne, peut également s’appliquer à la seconde, puisque, considéré dans sa nature divine, le Fils est lui-même Esprit et Saint. De Trinitate, III, 30, col. 71. Cf. Coustant, Prsef. gen., 62 65, col. 37 sq.

L’autre question, relative au rôle joué par le Verbe dans la conception de sa propre humanité, trouve dans ce qui précède un commencement de solution. L’évêque de Poitiers attribue formellement au Verbe un rôle de causalité efficiente. Mais dans quelle mesure ? Deux interprétations opposées sont en présence. On peut concevoir le Verbe comme cause efficiente de sa nature humaine par voie de création proprement dite, en sorte que le corps du Christ, non moins que son âme, soit produit indépendamment de toute matière préexistante. Dans cette hypothèse, Marie ne serait pas cause dans la conception de Jésus ; son rôle se bornerait à recevoir et à porter dans son sein l’embryon humain créé par le Verbe, puis à mettre au jour l’enfant divin. Au xiie siècle, un prévôt du nom de Jean, Joannes prsepositus, engagé dans une controverse avec le prémontré Philippe de Harvengt, abbé de Bonne-Espérance en Hainaut († 1183), entendit ainsi diverses assertions de saint Hilaire, celles-ci entre autres : Neque Maria corpori originem dédit ; ipse enim corporis sui origo est, De Trinitate, X, 16, 18, col. 355 sq. ; il les attaqua comme contraires à la doctrine de l’Église catholique, qui voit dans la chair de Marie, vraie mère de Jésus, la matière dont le corps de celui-ci fut formé. Philippe de Harvengt, Epist., xxii, xxiv, P. L., t. cciii, col. 170, 172. L’attaque fut renouvelée à plusieurs reprises, au xvie siècle, par Érasme, au xixe par Baur, Die christliche Lehre von der Dreieinigkeit, Tubingue, 1841, t. i, p. 686, et quelques autres, notamment Watson, op. cit., p. lxxi sq. Ce dernier auteur expose avec plus de développement ce qu’il croit être la pensée de l’évêque de Poitiers. D’après les textes déjà cités et quelques autres, De Trinitate, II, 25 ; III 19, col. 66, 87 : in corpusculi humant formam sanctse Virginis utero inserlus accrescil et cerlo non suscepit (Virgo) quod edidit, aucune portion de la substance de Marie ne serait entrée dans la composition du corps humain de Jésus. Deux théories d’Hilaire sont invoquées à titre d’argument confirmatif. La première, d’ordre théologique, vient du parallélisme que le saint docteur établit, selon l’apôtre, 1 Cor., xv, 47, entre le premier et le second Adam : l’un et l’autre sont l’œuvre immédiate du Christ, avec cette différence qu’au lieu d’être terrestre, le corps du second est céleste, comme devant son origine à l’action du Saint-Esprit, et non point à des éléments terrestres, non terrenis inchoatum corpus elemenlis. De Trinitate, X, 17, 44, col. 356, 378. L’autre théorie, d’ordre physiologique, se rattache à une explication de la génération, contraire à celle d’Aristote, et dont témoigne Eschyle, Euménidrs, vers 658 sq., quand il nous montre Apollon déchargeant d’un parricide Oreste, meurtrier de Clytemnestre, sur ce motif que la