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HIERARCHIE


devront incessamment avoir l’œil ouvert sur les actes | du saint-siège et de l’épiscopat. La prudence chrétienne leur en fait un devoir.

4°Sijstemes régaliens, destructifs de la hiérarchie divine.

— Il y a trois degrés dans l’erreur des régalistes attribuant juridiction ecclésiastique aux princes séculiers.

Les anglicans, tout en reconnaissant l’origine divine de l’épiscopat, ne lui accordent aucun pouvoir, même spirituel. C’est, d’après eux, l’autorité civile dont les évoques sont mandataires qui leur délègue la juridiction, dont elle seule est exclusivement nantie.

Le synode de Pistoie (1786), les joséphistes, de nombreux juristes, les auteurs de la Constitution civile du clergé, des articles organiques, accordent à l’Église la faculté de réglementer les question-, purement spirituelles ; mais ils revendiquent pour le pouvoir civil le droit exel’sif de connaître des questions mixtes.

Enfin, 1 rtalia, Dupin et leur école n’excluent pas absolument l’Église du règlement des affaires mixtes ; mais dans les conflits survenus à ce sujet, ils n’hésitent pas à réclamer pour l’État la prédominance et la souveraineté. Cette autorité, disent-ils, revient au prince qui exerce ainsi le noble rôle de défenseur des canons sacrés, de protecteur de l’Église, d’évêque du dehors, à l’instar des Constantin, des Théodose, des saint Louis. Sur ces traditions reposaient le droit du parlement de refuser l’enregistrement des bulles pontificales, les appels comme d’abus, l’exemption du roi et de ses ml ; istres des censures ecclésiastiques, la faculté d’intervenir dans les conciles, la liturgie et les règles disciplinaires. Aux chefs de l’Église est simplement reconnue la faculté d’adresser au chef de l’État d’humbles remontrances, des réclamations n’ayant aucune valeur juridique, à raison de l’indépendance suprême du pouvoir séculier On le voit, c’est le bouleversement complet de la hiérarchie sacrée, la méconnaissance radicale des fins surnaturelles pour lesquelles l’Église a été établie « n société indépendante, sous la direction de l’Esprit-Saint. Voilà le motif pour lequel les pouvoirs séculiers ne peuvent se prévaloir d’aucun droit sur les choses spirituelles : telles que la foi, l’administration des sacrements, l’exercice de la juridiction du for interne et externe, etc.

Les déclarations des souverains pontifes, les protestations séculaires du saint-siège dans tous les cas d’empiétement de 1 État, son attitude constante démontrent son irréfragable droit. Déjà au ve siècle, saint Gélase écrivait à l’empereur Anastase : Duo sunt, imperator auguste, quibus principaliter mundus hic regitur : auctorilas sacra pontificum et regalis potestas. Episi., viii, P. L., t. lix, col. 42.

Osius de Cordoue adressait à l’empereur Constance ces paroles dans une letlre que saint Athanase a citée, en son Histoie des arlms aux moi’ies, n. 44 : Ne rébus misceas ecclesiasticis ; neque nobis in hoc génère præcipe ; sed polius ea a nobis disce. Tibi Deus imperium commisil ; nobis, quse sunt Ecclesise concredidil. Quemadmodum qui tibi imperium subripil, contradicit ordinationi divinæ ; ita et tu cave, ne quse sunt Ecclesiæ, ad le trahens, magno crimini obnoxius fias. Date, scriptum est, quse sunt Csesaris Csesari, et qux sunt Dci Dco. P. G., t. xxv, col. 745.

Les formules qui ont revendiqué l’indépendance du magistère spirituel à l’égard du pouvoir civil sont tellement nombreuses et concordantes, qu’on pourrait en former des volumes. Pour ne rien dire des autres déclarations contemporaines du saint-siège, Pie X a confirmé cet enseignement par le refus clairvoyant des cultuelles, qui tendaient à transmettre aux tribunaux séculiers l’autorité que l’Église a constamment revendiquée sur les personnes et les choses sacrées.

Institution immédiatement créée et organisée par Dieu lui-même, pour la réalisation des fins surnatu relles de l’homme, on ne saurait l’assujé’ir aux puissances civiles qui n’ont pour but direct que l’acquisition de-> avantages temporels.

Les conséquences qui résulteraient de ce système suffiraient à elles seules pour le faire rejeter.

En effet, saint Pierre a reçu le pouvoir de lier et de délier, avec promesse de ratification dans le ciel. Or, combien de fois ne se présenterait pas cette anomalie : ce que l’Église et Dieu auraient lié serait délié par César ; ce qui aurait été délié par l’Église et Dieu resterait lié de par la volonté de l’État.

En outre, la primauté du sùnt-siège a été établie comme origine et fondement d’unité de la société spirituelle. Qu’adviendrait-il si elle était subordonnée aux puissances civiles ? Celles-ci sont nombreuses, diverses et souvent opposées entre elles. Il en résulterait que l’Église, ainsi rendue serve, devrait changer sa législation, ses règles des mœurs, son symbole, suivant le caprice des princes. Elle devrait épouser de force leurs querelles, au grand détriment des règles invariables de la doctrine et des principes stables de la morale. Aucune unité de vue et de direction ne pourrait subsister. Il y aurait dans l’Église autant de souverainetés que d’empires. Les princes hérétiques, schismatiques, juifs, excommuniés feraient la loi aux fidèles, selon leurs convenances.

On objecte à cette doctrine la conduite des empereurs chrétiens des premiers âges. Ces derniers recevaient les appels faits à leur tribunal, même des jugements pontificaux ; ils convoquaient les conciles où se rendaient les papes.

Ces faits s’expliquent à la lumière de l’histoire. Quelques princes ont, il est vrai, usurpé ces droits qui ne leur appartenaient pas. D’autres furent induits en erreur par les hérétiques, ou même ils appartenaient aux sectes ennemies. Jamais l’Église n’a manqué de protester en ces circonstances.

Si les empereurs chrétiens ont pris quelquefois l’initiative de convoquer des conciles, ils n’ont fait que la convocation matérielle, sans jamais songer à conférer l’autorité spirituelle, toujours réservée au pontife romain. Les papes et les évêques avaient besoin, surtout dans ces époques troublées, de la force publique pour écarter les obstacles qui s’opposaient à l’exercice de leurs droits hiérarchiques. Les subsides leur étaient indispensables pour leurs réunions, les saufs-conduits devaient être accordés pour franchir en sécurité de longs espaces, des territoires dangereux. Rien d’étonnant de voir les princes séculiers promulguer les décrets de convocation des conciles et les sanctionner. Voir t. iii, col. 644-653. Pour les abus que ces souverains pouvaient commettre, en s’autorisant de certains textes de l’Ancien Testament, voici la réponse faite à l’empereur Constance, qui se réclamait d’un texte du Deutéronome, xviii, 9 : Vous déclarez que le fidèle serviteur de Dieu, Moïse, imposa des prescriptions aux prêtres du Seigneur. Puisque vous voulez en faire autant, démontrez donc que vous avez été, vous aussi, établi par le Seigneur, comme notre juge, maître de nous imposer les ordres du démon votre allié. Vous ne pourrez le prouver ; loin d’être établi pour commander aux évêques, vous leur devez obéissance. Si vous étiez surpris violant leurs ordonnances, vous devriez être frappé de mort. Lucifer de Cagliari, Pro Athanasio, ad Constantium, 1. I, P. L., t. xiii, col. 82f.

On voit par là encore de quelle façon précise il faut entendre ces paroles de Constantin, dont les régalistes ont voulu abuser : Le prince est l’évêque du dehors I Si l’on veut dire que le roi doit aider l’Église dans l’application de ses lois salutaires, dans la résistance qu’elle doit opposer aux erreurs envahissantes, aux coups portés par l’hérésie, rien de plus vrai. Ces’, dans