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HERMÈS


La satisfaction de Jcsus-Christ.

La chute de

l’homme a pour pendant sa restauration par le Christ rédempteur. Hermès traite longuement du dogme catholique de la satisfaction de Jésus-Christ. Sous prétexte de ruiner les objections sociniennes, il propose de substituer à l’enseignement des théologiens catholiques un système qu’il estime plus évangélique et non moins orthodoxe. D’accord avec tous, il admet que la satisfaction de Jésus-Christ fut réelle, nécessaire, propre à apaiser Dieu, même en stricte justice. Mais voici où il s’écarte de la pensée commune. En réalité, il n’y avait en Dieu ni offense ni irritation ; partant, sa justice ne pouvait exiger et n’exigeait en fait aucune expiation ni de l’homme ni de la victime substituée, le Christ. Les peines immenses que le Christ endura n’étaient ni vraiment dues pour le péché, ni demandées effectivement par Dieu. Jésus-Christ n’a tant souffert que pour faire connaître à l’homme ce que Dieu aurait pu exiger de lui dans l’hypothèse qu’il l’eût voulu, e qui eût été requis pour apaiser Dieu dans l’hypothèse qu’il se fût tenu pour oiîensé. Ainsi la passion et la mort du Christ ne seraient qu’une mise en scène propre à instruire l’homme, « lui révélant l’ineffable amour de Dieu, son infinie majesté » , de nature aussi à exciter en son âme une vive horreur du péché, l’amour de la vertu et de la sainteté. Ne sont-ce pas là des conséquences du système hermésien sur la justice divine, sur la fin assignée à l’œuvre de la création ? La justice de Dieu n’a pas à intervenir pour venger ses droits méconnus, mais pour protéger et favoriser les droits de l’homme. La félicité de l’homme, c’est tout le but que Dieu, par pur amour et sans aucun égara à soi, ’s’est proposé en créant toutes choses.

Sur le terrain de la ch r islologic, Hermès a plusieurs thèses non moins contraires à la doctrine des théologiens catholiques. Notamment, il explique le descendit ad inferos du symbole en ce sens que l’âme du Christ entra dans l’état commun des âmes humaines séparées. Dans cet état elle goûtait le bonheur naturel qui peut convenir à l’âme la plus sainte. Hermès lui refuse d’ailleurs la jouissance, avant l’ascension, de la vision béatifique. Il semble tenir aussi que la divinité se sépara du corps du Christ durant les trois jours passés au tombeau.

Justification et grâce sanctifiante.

Hermès

professe sur la justification une doctrine bizarre, mais en étroite connexion avec ce qu’il enseigne sur l’état de l’homme avant sa chute, sur le péché originel et sur la rédemption. Il distingue une double justification : l’une habituelle, qui regarde tous les hommes et qui les délivre du péché originel, l’autre actuelle, propre aux seuls adultes. La justification habituelle consiste dans la volonté positive de Dieu d’accorder à l’homme, en temps favorable, à cause de la satisfaction de Jésus-Christ, les secours actuels qui lui seront nécessaires pour vaincre la concupiscence désordonnée, autrement le péché originel. Universelle, elle s’étend à tous les fils d’Adam comme la faute héréditaire ; elle se réalise pourtant en chaque individu par le moyen du baptême, qu’il est nécessaire, en vertu d’un ordre positif de Dieu, d’avoir reçu ou de désirer recevoir. Cependant le baptême, par rapport à la justification, n’est qu’une simple condition et non partie intégrante ; il est la condition positivement imposée à l’homme d’être réuni extérieurement à l’Église du Christ. Nombreuses et déconcertantes sont les questions que soulève cette idée nouvelle de la justification. La justification ne serait-elle plus une régénération intérieure de l’homme, régénération telle que le pécheur n’est pas seulement réputé, mais qu’il est fait véritablement juste ? Le péché originel, dont la grâce actuelle a pour fonction de triompher en temps opportun, subsisterait-il toujours, même en celui qui est baptisé ?

Qu’est-ce que cette justification s’étendant à tous les hommes comme une bienveillance de Dieu, que leur a méritée la satisfaction du Christ, et qui ne s’opère pourtant que par le moyen du baptême ? N’est-ce pas une erreur profonde de considérer le baptême, instrument nécessaire de régénération et de sainteté, source d’un caractère indélébile dans l’âme, comme une simple condition de la justification, c’est-à-dire comme une chose qui lui serait extérieure ? Et peut-on laisser croire que le baptême ne soit qu’un signe de réunion au corps de l’Église ?

Ces assertions malsonnantes et fausses ont, toutes leur point de départ dans une conception également erronée de la grâce sanctifiante chez Hermès. Qu’il suffise de compléter ce que nous avons dit plus haut. La grâce sanctifiante se distingue de la grâce actuelle comme la bienveillance et le don qui en procède. Elle n’est pas inhérente ou intérieure à l’homme, à la manière d’une forme qui le sanctifierait ; elle se réduit à un simple rapport de l’homme avec Dieu. Elle est plutôt un mode d’être en Dieu. On peut la définir : une bienveillance positive de sa part, qui l’incline à accorder à l’homme tous les secours actuels nécessaires pour accomplir le bien moral. Aussi la grâce sanctifiante est le fondement et la condition de la grâce actuelle, et par conséquent, ajoute-t-il, c’est par la nécessité de celle-là qu’on peut mieux prouver la nécessité de celle-ci. N’est-ce pas le renversement de la doctrine catholique sur la grâce ?

Cet exposé sommaire du système hermésien montre à quel point il est contraire à la foi orthodoxe et à la théologie catholique. Tant d’erreurs manifestes, tant d’assertions téméraires et bizarres, tant de contradictions même procèdent de sa méthode comme d’une source unique. Il a cru légitime de parcourir tous les détours du doute et d’y faire passer les autres après lui, s’imposant pour règle de n’admettre une chose comme vraie que si sa double raison individuelle l’y contraignait. Il a donc soumis les dogmes catholiques à l’épreuve du doute universel et constant ; et ils en sont sortis non pas mieux enchaînés et plus lumineux, mais faussés et méconnaissables. Sansdoute.il alimen’e sa science théologique aux deux sources de l’Écriture et de la tradition qu’il tient d’ailleurs pour infaillibles ; mais loin qu’il s’incline respectueusement devant le donné révélé, comme tel, il le plie et l’accommode, selon sa règle suprême, aux exigences de la raison spéculative et pratique. La méthode hermésienne n’était bonne qu’à introduire dans l’enseignement des sciences ecclésiastiques un rationalisme subtil et pernicieux. Il n’en fallait pas davantage pour motiver l’intervention du saint-siège.

III. Condamnation. — Du vivant de Hermès, sa doctrine avait été plus d’une fois l’objet de vives critiques. Aussitôt après sa mort, les attaques se répétèrent, et si véhémentes que ses élèves crurent devoir fonder une revue destinée à défendre leur maître. Elle parut à Cologne dès l’année 1832, sous le titre de Zcitschrifl fur Philosophie und katholische Théologie, et dura jusqu’en 1852. Cependant à l’étranger les idées hermésiennes étaient jugées avec défaveur. Rome s’émut des accusations portées contre le système nouveau et Grégoire XVI demanda au nonce de Munich un rapport sur l’affaire. Mais l’archevêque de Cologne, Spiegel, s’entremit et soutint que l’orthodoxie de Hermès était au-dessus de tout soupçon. Cette déclaration d’un évêque en faveur d’un enseignement peu catholique a de quoi nous surprendre. Ce qui l’explique et ne la justifie pas, c’est d’abord l’abaissement général des études ecclésiastiques en Allemagne, à cette époque, c’est ensuite l’affirmation de Hermès, souvent reproduite par ses disciples, qu’il fallait considérer ses écrits comme un simple préambule pb.iloi.o-