Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/527

Cette page n’a pas encore été corrigée
2285
2286
HERMAS


brisées et rejetées au loin. Les premières ne sont que momentanément délaissées parce qu’elles sont encore impropres à la construction. Il en est de noires : ce sont ceux qui ont connu la vérité, mais n’y ont point persévéré. Il en est de fendues : ce sont ceux qui n’ont pas gardé la paix vis-à-vis les uns des autres. Il en est d’ébrêchées : ce sont ceux qui ne possèdent pas la justice intégrale. Il en est de rondes et blanches : ce sont les croyants asservis à la fortune, qui, au moment de l’épreuve, ont renié le Seigneur en vue de conserver leurs richesses ; et tel fut le cas d’Hermas. Mais toutes ces pierres pourront, après une appropriation nécessaire, faire partie de la tour : les pécheurs qu’elles figurent pourront, après avoir fait pénitence, prendre rang dans cette société de saints qu’est l’Église. Parmi les pierres brisées et rejetées au loin, les unes roulent hors du chemin : ce sont ceux qui ont eu la foi, mais qui, par le doute, ont perdu la voie. D’autres sont tombées dans le feu : ce sont ceux qui se sont éloignés de Dieu sans songer encore à se repentir. D’autres enfin sont tombées près de l’eau, mais sans pouvoir y entrer : ce sont ceux qui ont entendu la parole (de vérité) et ont voulu recevoir le baptême, mais n’ont pas osé le demander afin de pouvoir se livrer à leurs mauvais désirs. Les pécheurs de cette triple catégorie pourront ils recourir à la (j.ê- : âvoia et prendre place dans la tour ? A cette question précise d’Hermas le Pasteur répond : « Ils ont la [isxâvota, mais ils ne peuvent point prendre place dans cette tour ; ils seront dans un lieu bien inférieur, mais après avoir été châtiés. Ils seront transférés pour avoir eu part à la parole du juste. Et il leur arrivera d’être transférés de leurs tourments, s’ils ont au coeur le repentir de leurs iniquités, sinon ils ne seront pas sauvés à cause de la dureté de leur cœur. » Vis., in, 7, 5-6, p. 366. Autrement dit, ces pécheurs n’ont pas encore la justice requise pour faire partie de la société des saints, mais ils sont en voie de purification par la pénitence, et ils restent assurés de leur salut.

Une seconde fois, dans la Similitude du saule, tous les chrétiens reçoivent une branche de saule qu’ils devront représenter ; l’état de cette branche servira à distinguer ceux qui ont mérité le salut. Or, sur treize catégories de chrétiens, trois représentent les justes et dix les pécheurs. Ceux-ci sont livrés à l’ange de la pénitence ; mais tous ne font pas également pénitence d’une manière utile à leur salut. Dieu a prévu ceux qui en profiteraient et.ceux qui feraient semblant d’y recourir. Sim., viii, 6, 2, p. 488. Or une seule de ces dix catégories de pécheurs est rejetée, celle des apostats et des traîtres : ceux-là sont morts définitivement à Dieu. Pourquoi ? Parce que, parmi eux, aucun ne s’est repenti, bien qu’ils aient entendu ce que je t’ai prescrit de leur prêcher (relativement à la [/.ETavotoc), dit le Pasteur à Hermas ; la vie n’est plus en eux. » Sim., viii, 6, 4, p. 490. Toutes les autres seront sauvées : » Tous ceux qui se seront soumis à la astavoia de tout leur cœur et se seront purifiés de leurs iniquités sans en ajouter de nouvelles, auront le remède de leurs péchés et vivront à Dieu ; et tous ceux qui ajouteront à leurs péchés et marcheront selon les désirs du siècle se condamneront à la mort, » Oavâtti) éauioùç KaTaxp’voùCTiv. Sim., viii, 11, 3, p. 498.

Une dernière fois enfin, au sujet de la tour bâtie sur le roc, il y a d’abord les quatre premières assises définitivement scellées qui représentent les patriarches, les prophètes et les justes de l’Ancien Testament ainsi que les apôtres et les prédicateurs de l’Évangile. Il y a ensuite des pierres de toute sorte, dont quelques-unes sont écartées et d’autres provisoirement employées jusqu’à l’inspection du maître de la tour, qui ne retiendra que les bonnes et confiera les autres à l’ange de la pénitence. La tour reste inachevée pour permettre aux pécheurs de se préparer par la fistâvoia à leur réin tégration dans l’édifice. Les pierres sont extraites de douze montagnes, qui représentent le monde entier. Comme plus haut, une seule catégorie, celle des apostats, des blasphémateurs et de ceux qui ont livré les serviteurs de Dieu, est irrémédiablement condamnée : ce sont des endurcis : toj-o :  ; 8s (j. ; xâvoia oux ïaxi, ôâvaxo ; 8s est-. Sim., ix, 19, 1, p. 536. Cinq autres, celle de ceux qui ont conservé la simplicité, l’innocence et la paix, celle des apôtres et des didascales qui ont prêché comme il convenait la parole de Dieu, celle des évêques et des hospitaliers, celle des martyrs, et celle de ceux qui ont gardé la simplicité des enfants, sont assurées de faire partie de cette tour. Pour les six qui restent, la jj-Etâvoia est la condition imposée. Plein de confiance, Hermas s’écrie : Spero quia omnes, qui antea peccaverunl, libenler acluri sunt psenilenliam, vilam récupérantes. Et le Pasteur de répondre : Quicumque mandata efficiunt, habebunt vitam… Quicumque ! vero mandata non servant, fugiunt a sua vita, morti j se tradunl, et unusquisque eorum reus fil sanguinis sui. Sim., x, 2, 3-4, p. 560.

Somme toute, parmi les anciens baptisés, tout pécheur peut obtenir le pardon et la guérison de ses péchés, à la condition de recourir sérieusement à la u-stivoix.

Cette |j.ETocvoia comporte, chez le pécheur, le repentir sincère du péché, le ferme propos pour l’avenir, et une purification laborieuse. Dieu donne alors la guérison, IW.ç. Mais de la part de Dieu, cette (xsravoia constitue une grâce ; et le bon usage qu’en fait le pécheur en est une autre. Dieu, en effet, accorde la ; j.£Tïvoia à ceux qu’il voit disposés à purifier leur âme et à le servir de tout leur cœur, tandis qu’il la refuse à ceux dont il prévoit la duplicité, la malice, l’hypocrisie. Sim., viii, 6. 2, p. 488. C’est pour avoir reçu l’Esprit de Dieu que les uns en profitent, et c’est par leur faute que les autres la rendent inutile. Le Pasteur dit à Hermas : « Tu vois combien ont fait pénitence et ont été sauvés ; c’est afin que tu comprennes combien grande et digne d’être glorifiée est la miséricorde du Seigneur, lui qui a rempli de son esprit ceux qui ont été dignes de la ij.iTûévo’.a. » Sim., viii, 6, 1, p. 488. Mais le Seigneur ne se contente pas de leur donner cet esprit, il les assiste encore dans l’accomplissement de leur acte, Sim., v, 3, 4, p. 454 ; il écoute favorablement leur prière. Sim., v, 4, 4, p. 456.

Voilà déjà en germe les éléments satisfactoires du régime pénitentiel futur. L’Église doit être une société de saints. Elle croit possible la conservation intacte de la pureté baptismale, mais elle sait aussi combien est grande la fragilité humaine. Au pécheur, elle offre après le baptême un moyen de salut. Et de même qu’elle règle l’initiation et administre le baptême, elle entend régler l’administration de la pénitence et intervenir à la fin de l’épreuve satisfactoire par un acte juridique pour réconcilier officiellement le pécheur converti. Mais dans ce développement de la discipline pénitentielle, les distinctions arbitraires du Pasteur disparaîtront, et son rigorisme fera place de plus en plus à un régime de bénignité et d’indulgence. Cf. Rauschen, L’eucharistie et la pénitence durant les six premiers siècles, trad. franc., Paris, 1910, p. 139 sq. ; A. Lelong, Le Pasteur d’Hermas, p. iv-vn, lx-lxxv ; A. d’Alès, L’édil de Callisle, Paris, 1914, p. 52-113.

Le mariage.

Relativement au mariage chrétien,

l’indissolubilité du lien conjugal, même dans le cas d’adultère, est nettement affirmée, et la question des secondes noces résolue dans un sens nullement prohibitif. Voici, en effet, les cas de conscience proposés par Hermas et résolus par le Pasteur. — 1. L’époux pèchet-il s’il vit avec sa femme coupable d’adultère ? Non, s’il ignore sa faute ; oui, s’il vient à la connaître, car alors il se rendrait complici de son péché. — 2. Que