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HERMAS


episcopatum, Hermis librum scripsil, in quo mandalum conlinel quod ei præcepit angélus Domini, cum venil ad eum in habitu pastoris, et præcepit ut Pascha die dominico celebrarctur. Liber pont ificalis, édit. Duehesne, Paris, 1886, t. i, p. 132. Mais, d’une part, le Pasteur ne contient pas la moindre allusion à la Pâque, et, d’autre part, l’usage romain de célébrer la Pàque le dimanche était antérieur au pape Pie, puisque, au témoignage de saint Irénée, dans Eusèbe, H. E., v, 24, P. G., t. xx, col. 505, Hygin, Télesphore et Xyste le pratiquaient déjà. Le Liber pontificalis, qui confond l’auteur du Pasteur avec le livre lui-même, s’accorde du moins, quant à la date, avec le fragment de Muratori. Ce titre Liber Pastoris a fait croire à quelques écrivains que Pastor était un nom d’auteur. L’auteur du poème contre Marcion présente déjà cette confusion, Adv. Marc., iii, 9, P. L., t. ii, col. 1078 ; et Rufin tout autant, In symb., 38, P. L., t. xxi, col. 374, ainsi que plus tard (vers. 530) l’auteur de la Vie de sainte Geneviève. Acta sanctorum, januarii t. i, p. 139. Saint Jérôme, après avoir rappelé les témoignages d’Origène et d’Eusèbe, affirme que le Pasteur était presque inconnu chez les latins, De vir. ill., 10, P. L., t. xxiii, col. 625 ; qu’il ne faisait point partie du canon, Prœf. in libr. Sam. et Malach., P. L., t. xxxviii, col. 556 ; et il accuse Hermas de folie ou de sottise au sujet de ce qu’il avait dit relativement à l’ange Tyri (Thegri). In Habac, i, 14, P. L., t. xxv, col. 1286. On en appelait encore malgré tout au Pasteur ; c’est ainsi que Cassien s’appuyait sur lui pour soutenir que chaque homme a deux anges. Collât., viii, 17 ; xiii, 12, P. L., t. xlix, col. 750, 929. Mais saint Prosper répliquait à Cassien : Nullius aucloritalis est teslimonium, quod disputalioni suæ de libello Pastoris inseruerit. Conl. Collât-, xiii, 6, P. L., t. li, col. 250. Le Pasteur se trouve cité dans l’appendice de la liste des Livres saints reproduite dans le Codex Claromonlanus ; mais le décret de Gélase, Hardouin, t. ii, col. 941 ; Thiel, Epistolse romanorum ponlificum, 1868, t. i, p 463, le rejette parmi les apocryphes. Il ne resta pourtant pas inconnu ; il fut même utilisé encore dans l’Église latine, comme en témoignent, vers 530, l’auteur de la Vie de sainte Geneviève, qui cite un passage selon la version latine du manuscrit palatin, Acta sanctorum, januarii t. i, p. 139, et Sedulius Scotus, au ixe siècle, qui partageait l’opinion d’Origène sur le caractère inspiré de ce livre. Collect. ad Rom., xvi, 14, P. L., t. ciii, col. 124. Quelques manuscrits contiennent la version latine du Pasteur parmi les livres de l’Ancien Testament. Des auteurs du moyen âge en citèrent quelques passages.

La critique moderne.

Du xvie siècle à la moitié

du xviiie, la plupart des critiques continuèrent à voir dans Hermas un contemporain des apôtres et plaçaient la date du Pasteur, les uns avant la ruine de Jérusalem, les autres vers l’an 92. Mais, en 1740, la découverte et la publication du fragment de Muratori, si précis relativement à l’époque où vécut et écrivit Hermas, firent abandonner cette opinion par la plupart des critiques. On admit qu’Hermas n’avait vécu qu’au iie siècle. Et c’est aujourd’hui l’opinion à peu près unanime. Mais à ce compte, dit-on, l’auteur du Pasteur nous a trompés en se donnant comme le contemporain du pape Clément. Rien de plus vrai. Or, en dehors du témoignage si formel du fragment de Muratori, il y a des raisons internes qui favorisent l’opinion nouvelle. A considérer, en effet, les idées du Pasteur, sa composition vers le milieu du iie siècle, note Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., Paris, 1899, t. i, p. 91, est sinon hors de conteste, du moins très vraisemblable. « Le Pasteur se complaît si fort à traiter la grave question du pardon des péchés graves, il y déploie une si étonnante insistance, qu’on se prend naturellement à penser qu’Hermas est au courant et tient compte des premiers

pas au moins de l’agitation montaniste. En tout cas, les gnostiques, pour lui, sont déjà l’ennemi. » L’auteur écrit pendant une longue période de paix, qui semble bien être celle d’Antonin le Pieux (138-161) ; le sens chrétien s’est affaibli chez beaucoup de fidèles ; l’esprit du monde reprend de l’empire. Vis., ii, 2, 3. Une tempête a précédé ce calme, et les circonstances signalées, Sim., ix, 28, désignent la persécution de Trajan (98117) plutôt que celle de Domitien (81-96). L’Église se trouve dans un état de crise morale ou de relâchement, qui nécessite un retour à une discipline sévère pour assurer le salut de ses membres. Les apôtres sont morts, Vis., iii, 5, 1 ; Sim., ix, 15, 4 ; on n’est donc plus aux temps apostoliques.

Si Hermas nous a trompés sur la date, faut-il récuser toute son autobiographie ? Comment accorder ce qu’il dit de lui-même avec l’idée qu’en donne son livre ? Certes, tous les détails cadrent admirablement avec la tendance de l’ouvrage, et laissent l’impression d’une histoire vraie. Hermas et sa maison figurent les plaies de l’Église ; aussi est-il visé le premier, ainsi que les siens, par l’appel à la pénitence. La forme apocalyptique qu’il donne à son ouvrage n’a pas lieu d’étonner. Ce n’est l’œuvre ni d’un naïf, ni d’un imposteur. Mgr Freppel, qui s’en tient malgré tout à l’opinion ancienne quant à la date, écrit : » J’incline à penser que nous sommes en présence d’un traité didactique, d’une sorte de trilogie morale qui, sans se donner pour une révélation proprement dite, se développe sous la forme d’une apocalypse, dans une série de communications entre le ciel et la terre. » Les Pères apostoliques, 4e édit., Paris, 1885, p. 269. Et c’est encore ici, note Bardenhewer, op. cit., p. 92, une de ces fictions, un de ces artifices littéraires, que goûte et prodigue la littérature des apocryphes, et dont la critique ne saurait être dupe.

Signalons pourtant une troisième opinion, celle de Gaâb, Der Hirt des Hermas, Bâle, 1866, et de Th. Zahn, Der Hirt des Hermas, Gotha, 1868, d’après laquelle le Pasteur n’aurait été composé ni par le frère du pape Pie, ni par lHermas de l’Épître aux Romains, mais par un personnage de même nom, contemporain du pape saint Clément. Ce fut aussi l’opinion de Peters, Theolog. Liliraiurblatt, 1869, p. 854 sq., de Mayer, Die Schrijten der apost. Vàler, 1869, p. 255 sq., de Caspari, Quellen zur Geschichle des Taufsymbols, 1875, t. iii, p. 298, et de Nirschl, Patrologie, 1881, t. i, p. 80-88. D’après Salmon, Dictionary o) Christian biography, t. ii, p. 912921, cet Hermas aurait été un prophète comme Quadrat, et son ouvrage ne serait autre qu’un spécimen de l’enseignement des prophètes au début du n e siècle.

Quant à l’opinion de Champagny, Les Antonins, Paris, 1863, t. i, p. 134, n. 1 ; t. ii, p. 347, n. 3, partagée par dom Guéranger, Sainte Cécile, 2e édit., p. 132 sq., 197 sq., et d’après laquelle le Pasteur aurait deux auteurs, l’Hermas de l’Épître aux Romains pour les Visions, et le frère du pape Pie pour les Préceptes et les Similitudes, elle ne mérite pas, dit Funk, Opéra Pair, apostoi, Proleg., p. cxx, d’être réfutée, tellement s’impose l’unité d’auteur.

E. Spitta a cru remarquer que le Pasteur avait été composé sous Claude (41-54) ou même auparavant par un juif, mais qu’il avait été interpolé en beaucoup d’endroits par un chrétien, vers l’an 130. Zur Geschichte und Lilteratur des Urchristentums, Gcettingue, 1896, t. ii, p. 241-447. Daniel Vôlter, Die Visionen des Hermas, die Sybille und Clemens von Rom, 1900, et H. A. van Bakel, De composilie van den Pastor Hermse, 1900, ont plus ou moins adhéré à ce sentiment, qui doit être absoiume.t re’eté. Voir Funk, dans Theologische Quartalschrift, 1899, p 321-360. Cf. A. Lelong, Le Pasteur d’Hermas, Paris, 1912, p. xxxix-xlvi.