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HÉRÉSIE. HÉRÉTIQUE

’laïques dans l’Église catholique, c. il, § 1, dans les Questions ecclésiastiques, 1912, t. il, p. 194 sq. Cf. L. Durand, Pourquoi et comment les œuvres sociales doivent être catholiques, Nevers, 1913 ; Janvier, Conférences de Notre-Dame, 1914.

Le principe général qui domine toute la question a été posé par Léon XIII dans l’encyclique Immortale Dei. Le pape rappelle aux catholiques « qu’il n’est pas permis d’avoir deux manières de se conduire : l’une en particulier, l’autre en public… ; ce serait là allier ensemble le bien et le mal et mettre l’homme en lutte avec lui-même, quand, au contraire, il doit toujours être conséquent et ne s’écarter en aucun genre de vie ou d’affaires de la vertu chrétienne » . Lettres apostoliques de Léon XIII, édit. de la Bonne Presse, t. ii, p. 51. C’était déjà affirmer implicitement qu’il fallait traiter toujours chrétiennement, c’est-à-dire confessionnellement, les questions ouvrières et sociales. Aussi, il n’est pas étonnant d’entendre le même pontife déclarer, dans sa lettre Permoli nos, ibid., t. iv, p. 229, au cardinal Goossens, que « la question sociale… tient surtout de très près à la morale et à la religion » , ou encore ailleurs, lettres Præclare gratulalionis, ibid., t. iv, p. 103, que, « pour résoudre les [questions sociales] sagement et conformément à la justice, si louables que soient les études, les expériences, les mesures prises, rien ne vaut la foi chrétienne réveillant dans l’âme du peuple le sentiment du devoir et lui donnant le courage de l’accomplir » . Le perfectionnement religieux, tant recommandé dans l’encyclique Rerum novarum comme moyen de perfectionnement social, la religion « constituée comme fondement de toutes les lois sociales » , cf. t. iii, p. 65-67, sont nécessaires aux ouvriers comme à ceux qui dirigent les destinées de la société elle-même : aux premiers, afin de leur enseigner la patience et la résignation en même temps que la religion du devoir qui attireront sur eux la bienveillance publique ; aux seconds, afin de leur donner l’autorité qui manque forcément à la législation simplement, humaine. Encycl. Quod aposlolici muneris, ibid., t. i, p. 41 ; cf. Rerum novarum, t. iii, p. 69 ; Exeunle jam anno, t. ii, p. 234235 ; lettre à M. G. Decurtins, t. iii, p. 219.

Léon XIII a fait une application directe de ces principes aux assocations d’ouvriers : « Il nous paraît opportun, dit-il, d’encourager les sociétés d’ouvriers et d’artisans, qui, instituées sous le patronage de la religion, savent rendre tous leurs membres contents de leur sort et résignés au travail et les portent à mener une vie paisible et tranquille. » Encycl. Quod aposlolici muneris, 1. 1, p. 41. L’encyclique Longinqua Occani est plus expressive : « En ce qui concerne la formation des sociétés, il faut bien prendre garde à ne point tomber dans l’erreur, et nous voulons adresser cette recommandation aux ouvriers nommément. Assurément, ils ont le droit de s’unir en associations pour le bien de leurs intérêts : l’Église les favorise et elles sont conformes à la nature. Mais il leur importe vivement de considérer avec qui ils s’associent ; car, en recherchant certains avantages, ils pourraient parfois, par là même, mettre en péril des biens beaucoup plus grands… Si donc il existe une société dont les chefs ne soient pas des personnes fermement attachées au bien et amies de la religion, et si cette société leur obéit aveuglément, elle peut faire beaucoup de mal dans l’ordre public et privé ; elle ne peut pas faire de bien. De là une conséquence, c’est qu’il faut fuir non seulement les associations ouvertement condamnées par le jugement de l’Église, mais encore celles que l’opinion des hommes sages, principalement des évêques, signale comme suspectes et dangereuses. Bien plus, et c’est un point important pour la sauvegarde de la foi, les catholiques doivent de préférence s’associer à des catholiques, à moins que la nécessité ne les oblige à faire autrement. » Ibid.,

t. iv, p. 175. Enfin, dans l’encyclique Graves de cornmuni, le même pontife, affirmant à nouveau que toute action sociale doit être revêtue « d’un caractère chrétien » , rappelle ses enseignements antérieurs : « Nous n’avons jamais engagé les catholiques à entrer dans . des associations destinées à améliorer le sort du peuple ni à entreprendre des œuvres analogues, sans les avertir en même temps que ces institutions devaient avoir la religion pour inspiratrice, pour compagne et pour appui. » Ibid., t. vi, p. 175-221.

Pie X n’a fait que reprendre la doctrine de Léon XIII. Les Instructions de la S. C. des Affaires ecclésiastiques extraordinaires sur l’action populaire chrétienne, l’encyclique Pieni l’animo, la Lettre sur le Sillon sont basées sur les mêmes principes, condamnant « ceux qui se flattent de pourvoir au bonheur de la société sans le secours de la religion » . Cf. Allocution aux patrons chrétiens du Nord, 8 février 1904, dans Lettres de Pie X, édit. de la Bonne Presse, t. i, p. 217. Le même Pie X, s’adressant, le 9 mars 1904, au comte Medolago Albani, président de l’œuvre italienne des congrès, l’adjure de « mettre tout en œuvre pour éloigner ses membres de ces institutions neutres qui, destinées en apparence à la protection de l’ouvrier, ont un autre but que le but principal de procurer le vrai bien moral et économique des individus et des familles » . Ibid., t. i, p. 113. En 1910, il écrit à la Fédération italienne des caisses rurales et à M. Louis Durand, président de V Union des caisses rurales de France, deux lettres parallèles qui se résument dans l’éloge adressé aux procédés d’action sociale qui « s’écartent résolument du pernicieux principe de la neutralité religieuse et revêtent un caractère catholique plein de précision et de netteté, dans une union disciplinée » . En même temps, Pie X donnait à l’Union économico-sociale des catholiques italiens la règle expresse suivante : « Que le non erubesco Evangclium soit imprimé en grands et ineffaçables caractères sur le drapeau de toutes les institutions catholiques et qu’une profession chrétienne, ouverte et franche, forme leur devise glorieuse et la synthèse lumineuse du caractère qui les informe et les dirige, a-Cf. Lettres du cardinal Merry del Val, secrétaire d’État, à Mme la baronne de Montenach, mai 1912 : à MgrBougoùin, évêque de Périgueux, 29 juillet 1912.

La question des associations interconfessionnelles s’est posée devant l’Église avec plus d’acuité à propos des syndicats allemands école de Berlin, école de Cologne. A Berlin, les syndicats d’ouvriers s’affichaient confessionnels et catholiques ; à Cologne, interconfessionnels et simplement chrétiens. Le 28 mai 1912 » Pie X télégraphiait aux premiers, réunis en congrès à Berlin, ses approbations et ses éloges ; aux seconds, réunis en congrès à Francfort, ses exhortations « à adhérer très fidèlement à la doctrine du saint-siège, non seulement dans la vie privée, mais aussi dans l’action publique et sociale » . La nuance était visible ; une polémique s’engagea, qui provoqua un document officiel, l’encyclique Singulari quadam, 24 septembre 1912, où Pie X, après avoir rappelé les principes, loué les syndicats purement confessionnels et catholiques, concède aux syndicats interconfessionnels d’être tolérés en Allemagne, sous certaines conditions capables de prémunir les ouvriers catholiques contre les dangers de perversion possible. L’encyclique n’ayant pas apporté l’apaisement, Mgr Schulte, évêque de Paderborn, fit publier un commentaire de cinq points en litige, cf. Westfâlisches Volksblalt, 28 novembre 1912, et les évêques de la province de Cologne, le 13 février 1914, résumèrent en six points les principes relatifs aux œuvres interconfessionnelles et à l’autorité de l’Église et les applications pratiques qu’ils jugeaient opportunes en leurs diocèses. Voir les documents dans les Questions ecclésiastiques, 1912, t. ii, p. 67 sq..