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HERACLÉON


Alexandre pour être condamné. Le pape aurait confié sa réfutation écrite au prêtre Sabinianus, qui, s’étant rendu en Sicile, aurait si bien confondu L’hérétique que celui-ci. se voyant perdu, aurait quitté l’île pendant la nuit et disparu sans qu’on ait jamais su depuis ce qu il était devenu. Prædest, 16, P. L., t. lui, col. 592. Ces détails sont très précis, mais ils semblent èlie une fausse attribution à Héracléon de ce qui concerne un tout autre personnage, de beaucoup postérieur, l’antipape Héraclius, du commencement du iv c siècle, qui vetuit lapsos peccata dolere ; telle est du moins la conjecture de Sbaralea, signalée par De Rossi, Roma sotterranea, t. ii, p. 207, puis par Lipsiu. Chronologie der rôm. Bischof., Kiel, 1869, p. 253. En effet, outre que la tenue d’un tel concile est inconnue dans l’histoire ecclésiastique du n° siècle, il y a lieu de croire, comme l’avait déjà observé Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, Paris, 1693-1712, t. ii, p. 604, que le pape Alexandre était mort avant qu’Héracléon eût commencé à jouer un rôle, peut-être même avant cpi’il fût né. Ce n’est guère que dans la seconde moitié du ne siècle, un peu avant 180, cjue se place l’activité littéraire de ce gnostique.

Sa secte.

A l’exemple de la plupart de ses

émules, Héracléon introduisit dans le système valentinien quelques vues personnelles. Il eut des partisans qui formèrent la secte qui porte son nom. Saint Épiphane. lhvr., xxxvi, P. G., t. xli, col. 633-6-12, saint Philastfius, Hser., 41, P. L., t. xii, col. 1158-1159, et saint Augustin, qui les résume, Hser., 16, parlent des héracléoniens, dont ils signalent quelques pratiques caractéristiques. Voici comment ils en usaient envers les mourants : ils oignaient leur tête avec un mélange d’huile ou de baume et d’eau et prononçaient une suite de mots hébreux, dont le sens nous échappe, mais qui devaient avoir une signification ésotérique uniquement connue des initiés. Cette coutume rappelle celle que saint Irénée attribue à certains tmostiques, dont il ne donne pas le nom, mais qui peuvent bien être les héracléoniens. Cont. hier., i, 21, n. 45, P. G., t. vii, col. 644-665. Cette formule avait pour but, note saint Épiphane, Hier., xxxvi, 2, P. G., t. xli, col. 636, de soustraire le mourant à l’action des principautés et des puissances supérieures (celles du démiurge) et de permettre à l’homme intérieur, qu’ils prétendent dériver du plérome, de se dégager et de remonter à son lieu d’origine sans être vu de personne. Une fois en présence de ces principautés et de ces puissances, le défunt n’avait qu’à dire : « Je suis le fils du Père… Mon origine vient de celui qui existe avant tous les autres, et maintenant je retourne à la source d’où je suis sorti. » Au démiurge il devait dire : « Je suis un vase plus précieux que la femme qui vous a fait. Si votre mère ignore son origine, je me connais moi-même, et je sais d’où je suis. J’invoque la Sagesse incorrompue, qui est dans le Père, et qui est la mère de votre mère, sans avoir elle-même de mère ou d’époux. Née d’une femme, une femme vous a produit, sans connaître sa mère et se croyant seule. Mais moi, j’appelle sa mère. » Ibid., xxxvi, 3, col. 636. C’est ainsi, d’après les héracléoniens, que l’homme, c’est-à-dire le pneumatique, opère son salut et reprend sa place dans le plérome au-dessus du démiurge. Tout cela cadre bien avec la théorie gnostique du retour final des éléments divins dans le centre d’où ils sont sortis ou de la reconstitution finale, %-w.y.-irs-.rn : i

Ces héracléoniens avaient un signe extérieur pour se reconnaître entre eux : l’oreille brûlée au Ici’rouge. C’étail là le baptême de feu, dont avait, parlé saint Jean-Baptiste : « Il vous baptisera dans l’Esprit et dans le feu. » Matth., iii, 11. Et telle était leur manière d’interpréter ce passage. Eclogæ ex script, prophel. 25,

P. G., t. xi, col. 709. D’après la logique des systèmes gnostiques, tout membre de la secte devait être assuré de son salut, quoi qu’il fît ; et c’est là ce qui rend très vraisemblable ce renseignement du Prwdeslinatus, d’après lequel tout baptisé, juste ou pécheur, est réputé saint, les péchés disparaissant en lui comme la neige ou la glace se fond au contact du feu. Prædest., 16, P. L., t. lui, col. 592. On peut soupçonner par là les conséquences immorales qui devaient en être la suite, bien qu’elles n’aient pas été nommément attribuées aux héracléoniens.

II. Œuvres. — 1° Commentaires des Évangiles selon saint Luc et saint Jean. — Qu’Héracléon, à l’exemple de tant d’autres, ait consigné par écrit le gnosticisme valentinien, tel qu’il le concevait, rien d’invraisemblable à cela ; mais nous n’en possédons pas la preuve. A défaut d’une exposition théorique de son système, il est certain qu’il a beaucoup écrit et que, chose nouvelle pour son temps, il ne s’est pas borné à choisir dans l’Écriture tels ou tels textes en faveur de sa doctrine, mais a entrepris le commentaire suivi de certains livres du Nouveau Testament, notamment de l’Évangile selon saint Luc, dont Clément d’Alexandrie cite un passage sur le martyre, Strom., IV, 9, P. G., t. viii, col. 1281-1284, et de l’Évangile selon saint Jean, dont Origène, dans la partie parvenue jusqu’à nous de son commentaire du même Évangile, ne cesse de relever et de transcrire des passages, quelquefois pour les approuver, plus souvent pour les contredire et les réfuter, parfois aussi pour en signaler d’un mot l’impudence ou la sottise. Il est regrettable que cette œuvre d’Héracléon soit perdue ; mais ce qu’il en reste, et cela forme plus de la moitié de toute la littérature gnostique qui a survécu, permet de constater que ce commentaire, d’ordre plus pratique que théorique, tout en poursuivant un but apologétique intéressé, ne visait pas exclusivement la controverse doctrinale. Ce qui le rend intéressant, c’est la méthode employée, à la fois littérale et allégorique.

Critique qu’en fait Origène.

Origène n’entre pas

dans des détails sur l’ensemble de la doctrine d’Héracléon : il la supposait connue ou, s’il l’a exposée, cette exposition ne se trouve plus dans la partie de son commentaire qui nous est parvenue. On voit qu’au fur et à mesure qu’il avance lui-même dans le. commentaire de l’Évangile selon saint Jean, il rappelle ce qu’en avait écrit le chef de l’école italique. Entre autres choses, il reproche à Héracléon d’ajouter parfois, de son autorité privée, quelques mots au texte sacré qui en dénaturent le sens. In Joa., t. ii, 8, P. G., t. xiv. col. 137 ; de parler comme s’il avait le pouvoir de dogmatiser et d’imposer la foi à sa parole : w ; èÇouCTtav iy<’jv toù ooyij.aTt"Eiv /.aï ^’.atï’jsaOa’., In Joa., t. vi, 12, col. 236 ; d’inventer que Jésus, pour former le fouet dont il se servit contre les vendeurs du temple, avait attaché des cordes à un morceau de bois, et de prétendre que ce fouet était l’image de la puissance et de l’opération du Saint-Esprit, et que ce bois représentait la croix, In Joa., t. x, 19, col. 365367 ; d’interpréter d’une manière à la fois trop subtile et répréhensible ce passage : Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sa chaussure, In Joa., t. vi, 23, col. 268 ; de faire une fausse application de cet autre passage : Le zèle de votre maison me dévore, In Joa., t. x, 19, col. 369 ; d’attribuer à Salomon, au mépris de l’histoire, la construction du temple en quarante-six ans, In Joa., t. x, 22, col. 380 ; de donner aux récils de l’entrevue de la Samaritaine et de la guérison du fils de l’officier de Capharnaùm une interprétation inadmissible, In Joa., t. xiii, 10-15, 59, col. 413, 421, 513-516 ; de se servir du K^puy^a IléTpou, In Joa., t. xiii, 17, col. 424 ; de se contredire lorsque, a propos de ces mots du Sauveur : Où je vais, vous ne