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GERTMAN

GERTRUDE LA GRANDE

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lultede la faculté contre le jansénisme et le gallicanisme.

En 1673, Adam Widenfeld, avocat de Cologne, qui avait fréquenté les jansénistes de Gand, de Louvain et de Paris, publia à Gand un opuscule intitulé : Monita salularia B. Yirginis Mariæ ad cullores suos indiscrclos. L’auteur mettait dans la bouche de la Vierge Marie une série de reproches qu’elle adressait à ses dévots sur la forme de leurs prières. Cet opuscule fut traduit en français ; l’une de ces traductions était de dom Gerberon, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, fort compromis dans les luttes jansénistes, qui dut plus tard se réfugier en Hollande et fut ensuite enfermé à Vincennes jusqu'à la rétractation de ses erreurs. Un prêtre du diocèse de Tournai demanda à son évêque Gilbert de Choiscul, janséniste avéré, la permission de faire imprimer une traduction dont il était l’auteur. Le prélat accorda l’autorisation. Cette audacieuse attaque contre la dévotion à la sainte Vierge causa une très vive impression dans la Flandre et le Hainaut. Les jésuites et les récollets firent à l'évêque de Tournai une très vive opposition. D’après Foppens, Gertman publia à Douai une réfutation péremptoire du livre de Widenfeld sous ce titre : Jesu Christi monila maxime salularia de cullu dileclissimæ matri Marix débite exhibendo (1674). Nous devons le dire cependant, Paquot pense que cette réfutation eut pour auteur Henri De Cerf, aussi professeur de théologie à Douai († 1705).

Gertman prit aussi une part active à la protestation que le recteur et le conseil de l’université adressèrent à Louis XIV, le 9 mars 1683, à propos des fameux articles de 1682, dont le roi réclamait l’enseignement dans les chaires des facultés. Les professeurs de théologie d’alors étaient Jacques Randour, neveu de Valentin, Pierre Delalaing, Mathias Gertman et Nicolas de la Verdure. Ces docteurs ne traitèrent point la question de fond ; ils n’auraient guère eu de chances d'être écoutés ; mais dans une lettre très respectueuse dans la forme, très ferme et très fière au fond, ils plaidèrent l’opportunité. Ils firent valoir de leur mieux les traditions de leur illustre école et du pays, les intérêts de la religion en Flandre, et leurs craintes pour l’avenir de leur chère Aima mater. Le succès ne fut pas immédiat. Louis XIV ne voulut point d’abord prêter l’oreille à ces doléances, si légitimes qu’elles fussent. Les maîtres refusèrent énergiquement d’enseigner la Déclaration. On sait qu’en 1693, le roi, vaincu par la résistance des souverains pontifes et de leurs nonces, revint à résipiscence dans une lettre adressée au pape Innocent XII. Il l’avertit qu’il avait donné les ordres nécessaires « pour que les choses contenues dans cet édit, touchant la Déclaration faite par le clergé de France, à quoi les conjonctures passées l’avaient obligé, ne soient pas observées. »

Gertman était mort le 29 novembre 1683 ; il ne vit point la victoire finale de l’université de Douai. I ! fut inhumé dans la collégiale aujourd’hui détruite de Saint-Amé. Une splendide épitaphe, rapportée par Foppens et par Paquot, rappelait les principaux faits de sa carrière professorale et signalait ses brillantes qualités. Par son testament, il fonda une bourse d'études de près de deux mille florins de rente en faveur de ses parents et, à défaut d’eux, en faveur des jeunes gens nés à Turnhout ou dans un rayon de huit lieues de cette ville. Il légua aussi au séminaire sa riche bibliothèque, à condition qu’elle restât accessible aux docteurs, professeurs, licenciés et étudiants de l’université. Gertman a composé plusieurs traités de théologie. Son cours sur l’eucharistie, professé en 1643, se trouve en manuscrit à la bibliothèque de Saint-Omer, n. 160.

Bouix, De papa, t. il, p. 125 ; Foppens, Bibliolheca

belgica (1739), t. ii, p. 873 ; Séries doctorum Académies Duacensis, ms. de la bibliothèque de Bourgogne à Bruxelles, 17Ô9- ; Mgr Hautcœur, dans la Revue des sciences ecclésiastiques, 1° série, t. iii, p. 359 ; Paquot, Mémoires ]> ur servir à l’histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, t. xvi, p. 291 sq. ; L. Salembier, Hommes et choses de Flandre, p. 256 ; Van der Meersch, Biographie nationale, publiée par l’Académie royale de Belgique, t. vil, p. 079.

L. Salembier. GERTRUDE LA GRANDE (Sainte). — I. Vie. II. Doctrine. III. Influence.

I. Vie.

Sainte Gertrude ne nous est guère connue que par les cinq livres de ses révélations ; encore ne nous renseignent-ils pas beaucoup sur sa vie extérieure et ne suivent-ils point l’ordre chronologique. Sa biographie se réduit donc à peu de chose. On l’a confondue parfois avec sainte Gertrude de Nivelles, fille de Pépin de Landen († 659). Cf. M. del Rio, Disiiuisilionum magicarum, 1. IV, c. i, q. iii, Lyon, 1608, p. 266. Par suite d’une confusion autrement importante puisque, pendant des siècles, elle a été générale et se retrouve dans les leçons de sa fête au bréviaire romain (15 novembre), on l’a identifiée avec l’abbesse de son monastère. W. Preger, Geschichte der denlschen Mystik im Miltelaller, Leipzig, 1874, t. i, p. 73-74, et les bénédictins de Solesmes dans l’introduction des Rcvelationcs gerlrudianæ ac mechtildianœi Poitiers, 1875, ont démontré qu’il y eut deux Gertrude : Gertrude de Hackeborn, née en 1232, abbesse en 1251, morte en 1291, et notre sainte, née en 1256 et entrée au couvent à l'âge de cinq ans. Fondé àMansfeld (1229), le monastère avait été transféré à Rodardesdorf ou Rossdorf (1234), puis (1258) à Helfta, aux portes d’Eisleben. Les bénédictins de Solesmes, Rcvelationcs, t. i, p. xxvii, ont tenté d’accréditer l’opinion que les moniales adoptèrent d’abord la règle de saint Benoît et, en conséquence, ont fait de Gertrude une bénédictine. Le P. Ë. Michæl, Die heilige Mechtild und die heilige Gertrude die Grosse Bencdictinerinnen ? dans la Zeitschrijt fur katholische Théologie, Inspruck, 1899, t. xxiii, p. 548-552, et dom U. Berlière, Sainte M echtilde et sainte Gertrude la Grande furent-elles bénédictines ? dans la Revue bénédictine, Maredsous, 1899, t. xvi, p. 457-461, ont établi que le monastère fut cistercien. Du reste, cistercien ou bénédictin, sous l’habit blanc ou sous l’habit noir, médiatement par Cîteaux ou de façon immédiate, Helfta se rattachait toujours à saint Benoît et à sa règle.

Passionnée pour les études littéraires, au point qu’elle dira plus tard, Revel., 1. II, c. ii, dans une de ces énergiques formules d’humilité qui sont habituelles aux saints, qu’elle avait alors aussi peu de souci de son âme que de l’intérieur de ses pieds, Gertrude subit une crise d'âme qui dura quelques semaines et se « convertit » à la suite d’une vision du Christ (27 janvier 1281). Dès ce jour, ce fut une vie nouvelle. Elle s’adonna à la lecture des saints Livres, des Pères et des théologiens (elle utilise, dans ses écrits, saint Augustin, saint Grégoire le Grand, saint Bernard et Hugues de SaintVictor). Ayant un véritable talent de parole, elle en profita pour le bien des religieuses d’Helfta et des personnes du dehors qui venaient de loin pour l’entendre. Elle n’eut d’autre emploi que celui de suppléante de la sœur chantre, sainte Mechtilde de Hackeborn. Constamment malade, menant le bon combat contre ses défauts, en particulier l’amour-propre et l’impatience dont elle avait peine à se défaire, vivant dans un état d’union habituelle avec Dieu, admirablement pure, détachée, aimante, elle fut privilégiée de grâces mystiques et reçut, mais au dedans, non de façon visible, l’impression des stigmates. Elle mourut, semble-t-U, peu après 1300,