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GERSON — GERTMAN

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son explication du Cantique des cantiques. Comme saint Thomas d’Aquin, il voulut terminer sa vie en commentant la plus belle œuvre de Salomon. Ce furent ses nouissima verba, son chant du cygne ou plutôt son chant du départ pour une vie meilleure. Nous ne nous appesantirons pas non plus sur ses œuvres poétiques françaises ou latines. Un manuscrit de la Bibliothèque nationale, n. 24865, lui attribue le Jardin amoureulx de l'âme dévote avec les vers qui suivent. Nous pensons que cet ouvrage doit être restitué à d’Ailly. II a composé un bon nombre de poésies dans le rythme de Virgile, de Prudence et de Eortunat. Elles furent, dit-on, peu appréciées par ses contemporains et il dut en prendre la défense : de là Carminum suoruin honesta defensio decantaia Lugduni. Il disait dans son apologie, Opéra, t. iv, col. 540 :

Vidit livor edax, ut (et) mea carmina Despexit : nitida veste carent, ait…

Pour notre part, nous trouvons qu’elles ne sont pas sans charme. Son œuvre poétique la plus longue est un poème intitulé : Josephina, qui se compose de 4 800 vers latins. Opéra, t. iv, col. 743. Il a été traduit par le P. Avignon, de Toulouse, missionnaire du Calvaire. Ce poème a attiré l’attention et les éloges du célèbre critique SaintMarc Girardin, Tableau de la littérature française au XVIe siècle, 1868, p. 224 sq. Cet article a paru dans la Revue des deux mondes, le 15 août 1849. La longue pièce de Gerson est pleine d’allégories qui ont tout à la fois un sens moral et un sens philosophique, et elle emprunte beaucoup aux Évangiles apocryphes. Enfin, nous ne parlerons pas des élucubrations politiques du chancelier, qui ont été parfois sévèrement jugées ; non plus que d’un petit volume intitulé : L’esprit de Gerson, pamphlet antipapal publié en 1692. Voici comment Bossuet juge cet ouvrage dans une lettre spirituelle adressée à Mme d’Albert de Luynes : « Je ne connais de ce livre que le nom de l’auteur (Eustache le Noble) qui est un très malhonnête homme, et très ignorant en théologie. » Lettre lxxiv.

Les œuvres complètes de Gerson furent éditées dès le commencement de l’imprimerie, d’abord à Cologne : Operum Johannis Gerson, cancellarii Parisiensis, in-fol., 1483, t. i-m ; 1484, t. iv. Voir le détail dans Schwab, op. cit., p. 788, et pour les œuvres oratoires dans Bourret, p. 20. Les deux éditions françaises, celle de Bicher, 4 vol., Paris, 1606, et celle d Ellies Dupin, 5 in-fol., Anvers ou plutôt Amsterdam, 1706, ont été faites sous l’influence d’idées gallicanes et dans des vues de polémique religieuse. Elles ont été composées sans grand soin, avec hâte et confusion, et ne sont pas sans de graves défauts.

La dernière est pourtant assez complète et contient dans les quatre premiers volumes plus de quatre cents traités de Gerson. C’est toujours celle que nous avons citée, bien qu’on doive se mettre en garde contre le mauvais esprit de l'éditeur.

Vers la fin de sa vie, Gerson se plaignait de voir certains de ses opuscules falsifiés et publiés d’une manière incorrecte et souhaitait que la flamme les dévorât. Qu’eùt-il dit, s’il avait pu prévoiries manipulations que ses écrits allaient subir entre les mains des éditeurs de l’avenir et les interprétations parfois fantaisistes et hétérodoxes auxquelles ils seraient livrés ?

Quant à ses sermons, nous espérons que bientôt quelque érudit les feraparaître dans leur originalité primitive et d’après les manuscrits authentiques. Le grand public pourra ainsi appréciera sa juste valeur un des monuments les plus remarquables de notre littérature sacrée. Telle fut la vie si agitée et telles furent les idées si complexes de l’illustre chancelier de l’université de Paris. Nous avons tâché de les résumer avec impartialité et sans passion, sine ira et studio.

Il fut certainement un des hommes les plus sym pathiques de son époque, et son influence s'étendit bien au delà des limites de son temps et de son pays. Il se trompa parfois, mais, quand il exposa la vérité, il dépassa les meilleurs. Appliquons à ses œuvres, en le modifiant quelque peu, le vers connu de Martial :

Sunt mata, sunt quædam mediocria, sunt bona plura.

B. Bess, Johannes Gerson und die kirchenpolitisehen Parteien Frankreichs vor dem Konzil zu Pisa (dissert.), in-S°, 1890 ; M. J. Boileau, Les variations doctrinales du chancelier Gerson sur la souveraineté et l’infaillibilité pontificales avant, pendant et après le concile de Constance, précédées d’an exposé de sa vie et de ses œuvres, dans la Revue du monde catholique, 1881, t. x, p. 60-80, 394-416, 627-645 ; Emile de Bonnechosc, Les Réformateurs avant la Réforme, X Ve siècle, Gerson, Jean Huss et le concile de Constance, 2 in-8°, Paris, 1844, avec des considérations nouvelles sur l’Eglise gallicane depuis le grand schisme jusqu'à nos jours, tbirf., 1853 ; 3e édit., 2 in-12, ibid., 1860 ; trad. allem., Leipzig, 1847 ; M. Bouix, Tractatus de papa, Paris, 1870, t. i ; E. Bourret, Essai historique et critique sur les sermons français de Gerson, d’après les mss. inédits de la Ribliothèque impériale et de la bibliothèque de Tours, in-8°, Paris, 1858 ; Jean Darche, Le R. Jean Gerson, chancelier de Paris, docteur très chrétien et consolateur, sa vie et son culte, son influence pour le culte de Marie, etc., in-18, Paris, 1880 ; Dupré Lasalle, Éloge de Jean Gerson, chancelier de l'Église et de l’université de Paris, dans Académie franc., séance publ. (1838) ; discours, in-4°, Paris (1838) ; dans Chroniq. de Champagne (1838), t. iv, p. 125-129 ; A.-P. Faugére, Éloge de Jean Gerson, chancelier de l'Église et de V université de Paris, dans Académie franc., séance publ., 1838 ; discours, in-S°, Paris, 1838 ; ibid., 1843 ; P. Féret, La faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres, moyen âge, Paris, 1897, t. iv, p. 223-273 ; Ch. Jourdain, Doctrina Johannis Gersonii de theologia mystica, in-8°, Paris, 1838 ; art. Gerson, dans le Dictionnaire des sciences philosophiques (1875), p. 616-619 ; J.-B. L'Écuy, Essai sur la vie de Jean Gerson, chancelier de l'Église et de l’université de Paris, sur sa doctrine, ses écrits, et sur les événements de son temps auxquels il a pris part, précédé d’une introduction où sont exposées les causes qui ont préparé et produit le grand schisme d’Occident, 2 in-8°, Paris, 1832 ; On. Leroy, Corneille et Gerson dans V « Imitation de JésusClirist » , in-8°, Paris, 1841 ; Valenciennes, Paris, 1842 ; extrait, Paris, 1841 ; cf. J. (de), dans L’Univers catholique (1842), t. xiv, p. 202-211 ; dans l’Investigateur (1844), t. iv, p. 352 ; Gerson auteur de l' « Imitation de J.-Ch. » , monument à Lyon…, in-8°, Paris, 1845 ; A. L. Masson, Jean Gerson, sa vie, son temps, ses œuvres, in-8°, Lyon, 1894 ; A. Lafontaine, Jehan Gerson, Paris, 1906 ; Ed. Richer, Apologia pro Joanne Gersonio, pro suprema Ecclesiæ et concilii generalis auctoritate…, in-4°, Leyde, 1676 ; L. Salembier, Petrus de Alliaco, Lille, 1886 ; Le grand schisme d’Occident, 4° édit., Paris, 1902 ; J.-B. Schwab, Johannes Gerson, professor der Théologie und Kanzler der Universitut Paris, eine Monographie, in-8°, Wurzbourg, 1858 ; Sfondrate, Gallia vindicata, Mantoue, 1711 ; R. Thomassy, Jean Gerson et le grand schisme d’Occident, 2 8 édit., in-18, Paris, 1852 ; Noël Valois, La France et le grand schisme, 4 in-8°, Paris, 1896-1902 ; J. C. A. Winkelmann, Gerson, Wiclefus, Hussus inter se et cum reformatoribus comparati, commentatio, in-4°, Gœttingue, 1857 ; Zaccaria, Antifebronius, 4 in-8°, 1768-1770.

L. Salembier. GERTMAN Mathias était originaire de Turnhout, petite ville de la Campine (Brabant), où avait pris naissance, plus d’un siècle auparavant, le fameux théologien de Louvain, Jean Driedo. Il appartenait à une ancienne et noble famille. Né en 1614, il fit de brillantes études à l’université de Douai ; il y obtint le bonnet de docteur en théologie, en 1640, après avoir eu pour professeur l’illustre Sylvius. Il reçut une chaire primaire de théologie en 1654 et il remplaça probablement Valentin Bandour. Il fut pendant quarante ans directeur du séminaire du roi. Prévôt de Saint-Pierre à Douai en 1658, puis de Saintvmé en 1670, il fut en même temps chancelier de l’université. Il joignit à ces emplois divers celui de censeur de livres.

Il fut mêlé à deux affaires très importantes dans la