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HEBREUX


la plume de l’apôtre. D’autres termes, familiers à saint Paul, ne sont usités que rarement dans l’Épître. Cependant, le lexique de l’Épître présente de nombreuses ressemblances avec celui de saint Paul : 53 mots, non employés dans le reste du Nouveau Testament ; 55 plus fréquemment employés par l’apôtre et dans l’Épître ; 32 mots de l’Épître ont des termes apparentés dans les lettres de saint Paul ; 69 mots de l’Épître ont un sens spécifiquement paulinien ; 57 manières de parler et liaisons de mots, tout à fait caractéristiques, sont communes à l’Épître et aux lettres de saint Paul ; 82 manières de parler sont analogues à celles de l’apôtre ; 43 idées, exprimées dans les mêmes termes, sont plus ou moins développées dans le même contexte par Paul et dans l’Épître. Cf. B. Heigl, Verfasser und Adresse des Briefes an die Hcbràer, Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 250-257. Ces ressemblances ne prouvent pas sans doute que l’Épître aux Hébreux est l’œuvre de l’apôtre, mais les divergences de lexique ne suffisent pas non plus à prouver qu’elle n’est pas de sa main. Le vocabulaire de l’apôtre était très varié, parce que, dans ses lettres, il traitait des sujets différents. Assurément, l’absence, dans l’Épître, d’expressions et de particules dont saint Paul semble ne pouvoir se passer, la présence de locutions étrangères à sa terminologie doivent être prises en considération. Néanmoins, le lexique seul ne permet pas, à mon sentiment, de trancher la question d’authenticité paulinienne ou non paulinienne. C’est le style de l’Épître qu’il faut examiner avant tout : s’il exige une main différente de celle de saint Paul, le vocabulaire divergent confirmera la conclusion.

b) Style. — De tous les écrits du Nouveau Testament l’Épître aux Hébreux est celui dont la langue contient le plus d’éléments littéraires. D’après Blass, c’est le seul qui, pour la structure des phrases et pour le style, témoigne du soin et de l’habileté d’un écrivain artiste ; c’est le seul où soient évités les hiatus qui n’étaient pas admis dans la bonne prose classique. Grammatik des Ncutestamentlichen Griechisch, 2° édit., Gœttingue, 1902, § 82, n. 2, p. 303-304. Le début, i, 1-4, constitue une première période complète selon les idées des anciens, une période à deux membres, à laquelle se rattachent des phrases incidentes, puis une période à quatre membres, à laquelle s’ajoute une nouvelle période à deux membres. Le reste est composé dans un style aussi coulant et d’une aussi belle rhétorique. L’œuvre entière, spécialement pour la composition des mots et des phrases, est un morceau de prose artistique. Paul, au contraire, ne prend généralement pas la peine de soigner ainsi son style ; aussi, malgré toute son éloquence, les périodes artistiques ne se rencontrent pas dans ses écrits ; les parenthèses et les anacoluthes y sont nombreuses. Ibid., § 79, n. 7, p. 286287.

Le même philologue a souligné le rythme de l’Épître aux Hébreux. Sans parler de l’hexamètre, xii, 13, et des deux trimètres qui se suivent, 14, 15, on constate dans toute l’Épître la ressemblance du début et de la fin des phrases et des membres de phrase. Les finales ou les débuts des mots et des phrases rendent le même son, ou bien le début des mots correspond à la fin, ou inversement. C’est le rythme qu’on enseignait dans les écoles de la Grèce et de Borne. On y retrouve le choriambe, le pœon, le tribraque et les autres formes du vers grec. Ibid., § 83, n. 3, p. 304-305. Blass a scandé plus tard l’Épître entière, Die rythmische Composition des Hebrærbriefes, dans Theologische Studien und Kritiken, 1902, p. 420-461 ; (Barnabas), Brief an die Hebràcr. Text mil Angabe der Rylhmen, Halle, 1903. Mais les idées de Blass sur le rythme dans les Èpîtres de saint Paul et l’Épître aux Hébreux n’ont pas été admises par les critiques.

Le style de l’Épître est, dans son ensemble, très soigné. Il contient peu d’hébraïsmes et très peu des irrégularités et des incorrections (anacoluthes, hyperbates, accord avec le sens), qui sont très nombreuses dans les Épîtres de saint Paul. Les parenthèses qui, sous la plume de Paul, restent des phrases inachevées ou incomplètes, sont dans l’Épître aux Hébreux maniées avec dextérité ; quoiqu’elles soient longues, ou même redoublées, elles ne rompent pas la régularité de la construction, vii, 20-22 ; v, 7-10 ; xii, 1, 2, 18-24. L’enchaînement parfait du discours, l’art des transitions naturelles, le ton oratoire soutenu sans effort, la maîtrise de la langue caractérisent le style de cet écrit et le distinguent de celui de l’apôtre. Les périodes sont régulièrement construites et balancées par l’emploi normal de la protase et de l’apodose reliées par jjlsv et 8é. Tous les meilleurs artifices de la rhétorique sont employés. Paul est un dialecticien qui argumente ; l’auteur de l’Épître est un orateur qui ordonne son plan, qui aime les effets de style et recherche le beau langage. Le style de l’apôtre est fougueux et passionné ; celui de cet écrivain est calme et tranquille.

Le genre de l’argumentation est différent des deux côtés. Saint Paul varie ses preuves et recourt tour à tour aux arguments métaphysiques, psychologiques et moraux, et il les complète par la preuve scripturaire. L’auteur de l’Épître emploie presque exclusivement cette dernière preuve sous des formes différentes. Sa manière d’amener les citations bibliques diffère aussi de celle de l’apôtre. On a relevé dans son œuvre 29 citations littérales et 47 réminiscences ; quelques-unes se retrouvent dans les lettres de Paul. Les citations sont toujours anonymes, tandis que saint Paul nomme assez souvent l’auteur. Les passages bibliques sont présentés comme paroles de Dieu, i, 1, 5, 7 ; v, 5, ou du Fils, ii, 12, 13, ou du Christ, x, 5, ou du Saint-Esprit, iii, 7 ; x, 15, alors même que l’écrivain sacré parle en son nom et de Dieu à la troisième personne, iv, 4-8 ; x, 30 ; ii, 13. Saint Paul n’attribue à Dieu que les paroles qu’il a réellement prononcées ; mais il applique, comme l’auteur de l’Épître, à Jésus-Christ ce qui est dit de Jahvé. Les formules d’introduction sont générales en saint Paul ; or la formule y^ypantai, qui se lit 30 fois dans ses lettres, ne se voit pas dans l’Épître aux Hébreux. On trouve dans celle-ci des formules impersonnelles : eÏ71êv, Xéyei, eïpriy.Ev, çr]aîv. Saint Paul recourt parfois au texte hébreu, au moins auand il diffère de la version des Septante qu’il cite d’habitude ; l’auteur de l’Épître ne cite que le texte grec, même quand il n’est pas d’accord avec l’original, iv, 4 ; x, 3-10 ; iii, 7 ; i, 10 ; xii, 5 ; viii, 8 ; x, 37 ; xii, 26 ; vi, 13 ; ix, 20 ; x, 20. L’apôtre cite de mémoire et assez librement ; l’auteur de l’Épître suit de très près le texte et semble copier son manuscrit. Ses citations sont, d’ailleurs, assez longues, n, 6-8 ; iii, 7-11 ; viii, 8-12. Il n’y a dans son œuvre que trois citations libres, i, 6 ; xii, 20 ; xiii, 5.

Le procédé d’exposition dans l’Épître est différent de celui des lettres de saint Paul. L’exhortation morale y est intimement mêlée à l’exposé dogmatique, ii, 1-4 ; m, 12-iv, 6 ; v, 11 -vi, 12, etc. L’Épître est un Xôyoc ; 71apaxX7Ja£coç, xiii, 22. Saint Paul procède autrement : il prouve d’abord la vérité qu’il veut démontrer et il en tire ensuite les conséquences pratiques. Il passe souvent d’un sujet à l’autre, brusquement et sans transition. L’auteur de l’Épître ménage habilement les transitions. Voir, i, 1-5, le passage du préambule au sujet de la lettre ; iv, 14-v, 1, le retour au sujet après une exhortation morale ; ix, 9-12, la transition du sanctuaire aux sacrifices.

Enfin, on a souvent relevé des ressemblances d’expressions et d’idées entre l’Épître aux Hébreux et les écrits de Philon. Pour la langue, on a constaté des mots communs et les mêmes formes de