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GUILLELMITES — GU1LLEMIN0T


pements de la doctrine guillelmite étaient son fait, mais quod ipse habuil fundamentum et originem prædictorum errorum a domina Guillelma, à savoir qu’elle était l’incarnation du Saint-Esprit, qu’elle ressusciterai ! , monterait au ciel, enverrait le Saint-Esprit ou viendrail a ses disciples, qu’elle sauverait les juifs et les sarrasins, etc. Il proccsso, p. 71. « Il n’y a pas de raison pour ne pas croire à ces déclarations faites alors qu’il n’avait aucun intérêt à user de mensonges, dit F. Tocco, Guglielma boema, p. 25, 26. Concluons qu’on peut tenir pour acquis que le mouvement guillelmite vient de Guillelma elle-même. » Elle a pu avoir des indécisions sur son rôle, comme aussi ne pas s’ouvrir à n’importe qui de ses chimères : il est bien difficile de lui retirer l’initiative du guillelmitisme. Si l’on pouvait établir qu’elle eut à comparaître devant l’Inquisition, ainsi que nous le lisons dans le procès, p. 30, on serait admis à supposer que quelque chose de son enseignement arriva aux oreilles des inquisiteurs, et l’opinion de Tocco en serait confirmée.

Reste une dernière question : celle de la filiation de la secte. Puricclli la rattache aux hérésies des premiers siècles ; ni Guillelma ne les connaissait ni elles ne s’étaient conservées au moyen âge, et donc il n’y a pas à parler d’une filiation proprement dite, mais seulement de lointaines ressemblances. Dans le monta nisme, Prisca et Maximilla annonçaient la venue du l’araclet ; mais, si elles prétendaient parler par l’inspiration du Saint-Esprit, elles ne se donnaient pas pour e Saint-Esprit incarné, et au-dessus d’elles il y avait iin homme, Montan. Le guillelmitisme est plus radical : a femme l’emporte sur l’homme, elle est l’incarnation du Saint-Esprit. F. Tocco, Guglielma boema, p. 26, a parfaitement situé dans leur milieu historique ces bizarres imaginations. Joachim de Flore avait annoncé, pour l’an 1260, le commencement d’une ère nouvelle, dans laquelle l’Évangile de l’Esprit succéderait à l’Évangile de la lettre et la loi d’amour gouvernerait le monde. 1260 passa, démentant la prédiction, mais sans ruiner les espérances qu’on avait conçues. On croyait imminent un renouvellement social et religieux. Comment et quand il se produirait, c’est ce que chaque secte entendait à sa manière. Plus ou moins indépendantes les unes des autres, toutes les sectes du temps étaient inspirées d’une pensée unique et reliées par un fil caché. Frères du libre esprit, béghards, béguins, fraticelles, apostoliques, s’apparentent aux guillelmites. François Garbagnate avait entendu dire à Manfreda et à son lieutenant André Saramita que Guillelma datait de 1262 l’inauguration du guillelmitisme. // processo, p. 81. C’est presque la date fatidique assignée par Joachim. Or, « ces diverses hérésies peignaient avec des couleurs différentes l’âge futur ou âge de l’Esprit. Qui y voyait le triomphe de la liberté, qui de la pauvreté et de l’amour, qui de la vie apostolique désencombrée des incrustations ultérieures des règles hiérarchiques ou monastiques. Guillelma, elle aussi, eut son rêve, qui lui parut plus beau et plus séduisant que les autres. Suivant elle, l’âge de l’Esprit ne pouvait signifier autre chose que l’incarnation elfective de la troisième personne de la sainte Trinité, étant donné que l’incarnation de la deuxième personne n’avait servi de rien et que les maux après le Christ n’avaient été ni moins nombreux ni moins graves qu’avant lui. Et, puisque le Verbe s’était incarné dans un homme, il était bon que le Saint-Esprit renouvelât radicalement l’histoire du monde en commençant par s’incarner dans une femme. Ainsi seulement à la prépotence et à l’égoïsme de l’homme pourraient se subsiituer l’amour et l’abnégation de la femme. » L’hérésie guillelmite allait au delà des sectes contemporaines ; si toutes annonçaient une ère où le régne vivant de l’esprit succéderait au règne mort de la lettre, aucune

autre n’avait osé affirmer que ce changement présupposait une nouvelle incarnation d’une des personnes divines. Le guillelmitisme dépasse encore diverses tentatives, qui ont eu lieu avant et après son apparition, de « faire tomber la religion en quenouille *, comme s’exprime Bayle, Dictionnaire historique et critique, 6e édit., Paris, 1741, p. 643. Ni le montanisme, ni le fameux savant et visionnaire Guillaume Postel, ni les apôtres de la suprématie des femmes antérieurs au xixe siècle, n’ont poussé aussi loin leurs revendications. Pourtant il serait excessif de dire, avec Tocco, Guglielma boema, p. 26, que « le féminisme n’a jamais songé rien de semblable. » L’église southeotienne, ainsi dénommée de Jeanne Southcote, et dont l’existence se prolongea à Londres jusqu’au milieu du xixe siècle, les perfectionnistes de Cincinnati sur lesquels l’attention fut éveillée en 1886, et, à la même date, en Angleterre, les partisans de Marie-Anne Girling, virent en des femmes des incarnations divines. Cf. H. C. Lea, Histoire de l’Inquisition au moyen âge, trad. S. Reinach, t. iii, p. 123, note.

Après avoir été publié de façon fragmentaire par F. Pa-Iacky, Abhandlungen der k. bôhmischen Gesellschaft der Wissensvhaften, Prague, 1839 ; traduit, sous une forme abrégée, par A. Ogniben, I guglielmiti net secolo XIII. Una pagina di storia milanese, Pérouse, 1807 ; soigneusement décrit par C. Molinier, Études sur quelques manuscrits des bibliothèques d’Italie, dans les Archives des missions scientifiques et littéraires, IIIe série, Paris, 1888, t. xiv, p. 206-216 ; le manuscrit qui contient le procès des guillelmites, et qui est conservé à l’Ambrosienne de Milan sous la cote A. 227, a été publié intégralement par F. Tocco, Il processo dei guglielmiti, Rome, 1899, extrait des Rendiconti délia r. Accademia dei Lincct, classe di seienze morali, storiche e fdologiche, ferie accademiche, Rome, 1899, t. viii, p. 309469. Il avait été utilisé par J.-P. Puricelli, De Guillelma bohema vulgo Guqlielmina anno Domini MCCC ob hæreseos notam crhumata demum et combusta deque secta ipsius tune ejestincta fidelis et verax dissertatio, ouvrage déposé, en 1676, à l’Ambrosienne de Milan, et resté manuscrit sous la cote C. 1 inI. Citons encore, parmi les travaux, P. Bayle, Dictionnaire historique et critique, 6e édit., Paris, 1741, p. 642-643 ; L.-A. Muratori, Antiguilales Itulicæ medii icvi, Milan, 1741, t. v, p. 91-93 ; J. Tiraboscln, Yctcra humilialorum monumenta annotationibus ac dissertationibus prodromis illuslrata, Milan, 1766, t. i, p. 356 ; P. Tamburini, Storia générale dell’Inquisizione (ouvrage écrit en 1818), Milan, 1862, t. i, p. 587-592 ; t. H, p. 1-72 ; M. Caffi, Dell’abbazia di Chiaravalle in Lombardia. Iscrizionie monumenti aggiuntavi la storia dell’eretica Guglielmina boema, Milan, 1843 ; C. Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des cathares ou albigeois, Paris, 1848, t. i, p. 172-173 ; C. Cantù, Sulla Guglielmina boemae su P. Tamburini, Milan, 1867, et Gli crelici d’Italia, trad. A. Digard et E. Martin, Paris, 1871, t. i, p. 209-211 ; A. Ogniben, op. cit. ; H. C. Lea, A hislory o/ the Inquisition of the middle âges, NewYork, 1888, t. iii, p. 90-102, 197-199 ; trad. S. Reinach, Paris, 1902, t. iii, p. 109-123, 236-238 ; surtout F. Tocco, Guglielma boema e i guglielmiti, Rome, 1901, extrait de R. Accademia dei I.incci, Memorie délia classe di seienze morali, storiche e fdologiche, Ve série, Rome, 1901, t. vin ; cf. C. Molinier, dans la Revue historique, Paris, 1904, t. lxxxv, p. 388-397.

F. Vernet.

    1. GUILLEMINOT Jean##


GUILLEMINOT Jean, jésuite français, né en 1614 à Montbard, admis au noviciat en 1631. Après avoir enseigné les humanités, il devint professeur de philosophie et de théologie, recteur du collège de Chaumont, préfet des études et chancelier de l’université de Pontà-Mousson. Outre ses traités philosophiques, œuvre de controverse dirigée contre le cartésianisme et les doctrines particulières de Malebranche : Seleciæ ex univcrsaliore philosophia qusesliones, 2 in-8°, Paris, 1671, et Disserlalioncs de principiis extrinsecis rcrum corporcarum et de cognitione brutorum, Paris, 1679, il reste de lui deux importants traités théologiques : De ente increato, Dijon, 1682 ; De ente supernaturali, ibid., 1682, et un ouvrage apologétique et doctrinal, fort apprécié : La sagesse chrétienne, ou les principales