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1972
GUILLAUME D’AUVERGNE


de la Porrée (il cite son Liber sex principiorum sous le nom d’Aristote), Guigues le Chartreux, Joachim de Flore, Alain de Lille, et sept ouvrages anonymes : l’Itinerarium démentis ou Liber disputationum Pétri contra Simoncm magum (qu’il attribue à saint Clément romain), le Libellus disputuliomim cu.jusd.am christiani et eujusdam sarraceni, le Liber experimentorum. le Liber imaginum lunæ, le Liber maleficiorum, le Liber sacralus, les Libri judieiorum aslronomise ; parmi les écrivains arabes et juifs : Albategni, Alfarabi, Avicenne, Albumazar, Algazel, Artéphius, Alfragan, Ali, Aven Nathan, Alpetrangi, Averroès, Salomon ibn Gabirol dit Avicebron, qu’il admire beaucoup et qu’il suppose avoir été un chrétien vivant sous la domination arabe. Il ne nomme jamais Maimonide ; néanmoins il est hors de doute que Guillaume d’Auvergne a copieusement utilisé le Guide des indécis de cet auteur. L.-G. Lévy, Maimonide, Paris, 1911, p. 262.

Les sources de Guillaume d’Auvergne sont donc nombreuses. Une étude approfondie de ses œuvres en révélera probablement de nouvelles. Il y a des chances pour que Maimonide ne soit pas le seul écrivain qu’il mette à profit sans prononcer son nom. A la suite de B. Hauréau, Notices et extraits de quelques manuscrits latins, Paris, 1892, t. v, p. 196-200, G. Bûlow, Des Dominicus Gundissalinus Schrift von der Unsterblichkeit der Seele, Munster, 1891, a montré que son De immortalitale animée reproduit presque littéralement l’ouvrage homonyme de l’archidiacre Gundissalvi. Le De claustro animæ s’inspire manifestement du livre III du De claustro animée d’Hugues de Saint-Victor. S. Talamo, L’arislolélisme de la scolastique dans l’histoire de la philosophie, trad. franc., Paris, 1875, p. 228, 229, 231, 250, 256, a pu citer Guillaume parmi les docteurs qui ont jugé Aristote avec liberté et indépendance. Il fait grand cas du Stagirite, mais, au besoin, il l’abandonne ou lui préfère Platon. Ce qui est particulièrement remarquable, c’est la place qu’il accorde à la philosophie arabe. Dans un temps où les chrétiens en Orient et en Espagne combattaient l’islam, il s’attaque à l’influence des penseurs arabes. S’il décerne à Averroès le titre de philosophus nobilissimus, Opéra, t. i, p. 851 ; t. ii a, p. 101, il est « le premier des scolastiques » qui réfute l’averroïsme « à chaque page, tantôt sous le nom d’Aristote, tantôt sous de très vagues dénominations, comme expositores, sequaces Arisloielis » . E. Renan, Averroès et l’averroïsme, 3e édit., Paris, 1867, p. 225. L’attention qu’il a donnée aux écrivains juifs, cf. J. Guttmann, Guillaume d’Auvergne et la littérature juive, dans la Revue des éludes juives, Paris, 1889, t. xviii, p. 243-255, achève de témoigner de l’ampleur de ses informations.

Théologie.

Il serait désirable que la théologie

de Guillaume d’Auvergne fût étudiée à fond. Divers points ont été indiqués déjà dans le Dictionnaire ; d’autres le seront ultérieurement. Voir Absolution, 1. 1, col. 175 ; Ame, col. 1006 ; Anges, col. 1226 ; Augustinisme, col. 2556 ; Bacon, t. ii, col. 14 ; Confession, t. iii, col. 894, 908, 911, 914 ; Confirmation, col. 1073, 1075 ; Crédibilité, col. 2258, 2265-2266 ; Démon, t. iv, col. 390-392 ; Dogmatique, col. 1559 ; Dons du Saint-Esprit, col. 1770-1771, 1774 ; Essence, t. v, col. 844 ; Eucharistie, col. 1303, 1304, 1305, 1310 ; Fin du monde, col. 2538-2539 ; Foi, t. vi, col. 118-119, 340, 438. Toutes les idées théologiques de Guillaume n’ont pas la même valeur. Des opinions surannées s’y rencontrent, des bizarreries apparaissent. Mais les vues intéressantes s’y présentent fréquemment. Guillaume a du savoir, de l’ouverture et de la pénétration d’esprit. Franchement orthodoxe, il ne veut pas qu’on préfère ses discours à ceux des Pères, n’ayant d’autre but, dit-il, que ut verilalem corum per vias probationum astruam, et contraria destruam eorumdem. Opéra, t. n a, p. 226

Alors que nombre de ses contemporains se laissent prendre aux excès d’un certain aristotélisme ou de l’averroïsme, il réfute sur bien des points Aristote qu’il admire et il soumet à une critique « sévère mais non mal veillante « les commentateurs arabes. Il a l’œil ouvert sur les tentatives des hérésiarques. II consacre une partie notable du De universo à la preuve de l’unité de Dieu et à la réfutation du manichéisme, représenté à cette époque par les cathares : il pourchasse toutes les erreurs de quelque côté qu’elles viennent, chez les philosophes de l’antiquité comme dans les écoles du moyen âge. Il admet que l’hérésie soit extirpée par le fer et le feu. Cf. N. Valois, op. cit., p. 24-27, 238-241, 247, 310.

Au commencement du xiiie siècle, l’astrologie eut grand succès. Les plus fermes esprits, les meilleurs théologiens ne résistèrent pas toujours à l’entraînement général. Guillaume d’Auvergne eut le rare mérite de la combattre. A vrai dire, il lui fit une part minime, admettant l’influence des astres sur quelques objets matériels : la moelle des os, la sève des plantes, les liquides, soutenant — et en cela il devançait l’arrêt de la science moderne — que la mer obéit à la lune ; mais il partit en guerre contre les divagations des astrologues et leurs doctrines malfaisantes, qui ne tendaient à rien moins qu’à détruire le libre arbitre et le dogme de la providence. De même, Guillaume est en avance sur son temps dans l’assaut qu’il livre aux superstitions de tout genre. Crédulité outrée, livres d’alchimie, de maléfices, de magie, récits de fantômes, contes de fées, légendes où les loups-garous interviennent, apparitions de follets, hallucinations, enlèvements, catastrophes prédites par les devins, tout cela ne trouve pas grâce devant lui, aucune de ces imaginations ne lui paraît digne des scientes et rationales. Opéra, t. i, p. 1039. Au sujet des démons, il ne rejette pas toutes les légendes populaires. A propos de Merlin et de ses prophéties, il regarde comme non improbable le récit « fameux » qui fait de lui filius dsemonis incubi… Quod autem propheta in cadem regione habitas est…, ex instruclionc vel doctrina paterna hoc accepisse non immerito credi potest. Opéra, t. i, p. 1072. Il évite toutefois beaucoup d’errements qui avaient cours en matière de démonologie. Il appuie sur l’importance de la doctrine des démons, qu’il se flatte d’avoir formulée le premier : nolum est tibi quia de rebus hujusmodi nihil ab eis qui præcesserunt ad hœc lempora devenit. et il ajoute assez heureusement : quapropter grata fiant tibi hœc quse audivisli, quæ, elsi plene nec tibi nec aliis forsan de rebus a consuetudine nostra lam remotis sufficiant, occasionem tamen et nonnulla initia ea quse desunt inveniendi tibi ac aliis philosophantibus prœstant. Opéra, t. i, p. 1065. De ses preuves de l’existence de Dieu on a dit qu’elles sont « entièrement neuves » et qu’elles « contiennent des points de vue que Bonaventure et Thomas d’Aquin mettront bientôt à profit » . C. Henry, Histoire des preuves de l’existence de Dieu au moqen âge, dans la Revue thomiste, Paris, 1911, t. xix, p. 142. « Entièrement neuves » est excessif. Cf. S. Schindele, Beitrâgc zur Metaphysik des Wilhelm von Auvergne, Munich, 1900, p. 45-56. Elles dépendent de saint Augustin, de l’ancienne scolastique, et des Arabes. Mais Guillaume y a ajouté du sien. Des arguments a priori, qui rappellent celui de saint Anselme, sont caducs ; d’autres, meilleurs, préparent une partie de l’argumentation de saint Thomas. Il emploie dans un sens orthodoxe la formule : « Dieu est l’être formel des choses » , qui peut si aisément tourner au panthéisme. En même temps que sur la théologie de Guillaume d’Auvergne, ses écrits nous renseignent sur les idées et les mœurs de son temps. Tel passage où il traite du sacrement de la confirmation, par exemple, est riche de substance historique : Quam imperiti, quam indevoli