Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1951
1952
GUERRE

g) Parlerons-nous de ces milliers d’habitants pacifiques, obligés d’abandonner précipitamment, en débandades terrorisées, leurs villes en proie aux flammes et au pillage méthodiquement organisé ? car les Allemands prenaient et expédiaient en Allemagne, dans d’interminables convois, tout ce qui leur paraissait utile : matières premières, cotons, tissus, tuyautages en cuivre ou en plomb, fer et ferrailles, métiers, machines, etc., etc. Ils ne laissaient que les murs nus qu’ils détruisaient ensuite ! … Vieillards, femmes, enfants, malades, piètres, religieux, religieuses étaient chassés brutalement sur toutes les routes, comme un vil troupeau, condamnés à périr de misère et de faim ! … Plusieurs, que la fatigue ou la maladie empêchaient de marcher assez vite, furent fusillés sur place, sans autre forme de procès. D’autres étaient placés, comme remparts vivants, devant les troupes allemandes allant au combat : cruauté doublée d’une lâcheté inqualifiable que réprouvent à la fois les droits humain et divin ! h) Et que dire de ces populations entières, déportées en masse vers des destinations inconnues pour y être soumises à des travaux forcés comme des esclaves, sans que les bourreaux s’inquiétassent le moins du monde des liens de famille…, arrachant les filles à leurs mères, et, sans aucun souci de la morale, les séparant capricieusement et arbitrairement de leurs pères ou de leurs frères, parents et amis, qui auraient pu protéger leur vertu contre les passions bestiales de la soldatesque ! … « En vérité, dit encore Mgr Mignot, op. cit., p. 45, à voir ce qui se passe sous nos yeux, on se croirait au temps des Sargon, des Sennachérib, des Nabuchodonosor et autres épouvantables tyrans de l’Assyrie et de la Chaldée ; ou, si vous trouvez ces temps trop éloignés, à ceux d’Attila, de Tamerlan et de Mahomet II. » Cf. Le Correspondant, n° du 25 août 1914, p. 725-735, citant les documents officiels sur les monstruosités des premières semaines de la guerre : violation de frontières avant la déclaration de guerre ; assassinats de prêtres, infirmes, civils ; achèvement des blessés ; bombardement des villes ouvertes, etc. : Revue des Deux Mondes du 15 octobre 1914, p. 387 sq. ; Le Livre rouge français. Les atrocités allemandes. Premier rapport officiel et in-extenso présenté à M. le président du Conseil, le 7 janvier 1915, par la Commission instituée en vue de constater les actes commis par l’ennemi en violation du droit des gens, in-12, Paris, 1915 ; Gaston Jollivet, Six mois de guerre, avec dossier des atrocités commises, in-12, Paris, 1915 ; cardinal Amette, archevêque de Paris, Pendant la guerre. Lettres pastorales et allocutions, in-12, Paris, 1915 ; Joseph Bédier, professeur au Collège de France, Les crimes allemands, d’après les témoignages allemands, avec photographie des documents cités, in-8°, Paris, 1915 ; Vindex, L’armée du crime, d’après le rapport de la Commission française d’enquête, in-12, Paris, 1915 ; La basilique dévastée. Destruction de la cathédrale de Reims. Faits et documents, in-12, Paris, 1915 ; Henri Davignon, Les procédés des Allemands en Belgique et en France, d’après l’enquête anglaise, in-12, Paris, 1915 ; Louis Collin, Les barbares à la Trouée des Vosges ; Récit des témoins, in-12, Paris, 1915 ; Jean de Béer, L’Allemagne s’accuse, in-12, Paris, 1915 ; Mgr Baudrillart (Comité catholique de propagande française à l’étranger), La guerre allemande et le catholicisme, in-8°, Paris, 1915, p. 47-141 ; Id., L’Allemagne et les alliés devant la conscience chrétienne, in-8°, Paris, 1915 ; E. Malo, La cathédrale de Reims, in-12, Paris, 1915 ; abbé Foulon, Arras sous les obus, in-12, Paris, 191 5 ; Joachim von der Goltz, Les dix commandements de fer du soldat allemand, in-8°, Leipzig, 1915 ; F. de Dinon, En guerre. Impressions d’un témoin, in-12, Paris, 1915 ; Eugène Griselle, Le martyre du clergé français, in-12, Paris, 1915 ; J’accuse. Deutschland, wach’auf ! in-8°, Lausanne, 1915. Cet ouvrage écrit en allemand et par un Allemand, qui, par crainte de représailles, a préféré garder le voile de l’anonymat, est un terrible réquisitoire contre les autorités allemandes qui ont voulu la guerre et les atrocités qui l’accompagnent. L’auteur affirme et prouve, en outre, qu’on a aveuglé le peuple allemand, pour le lancer dans cette guerre effroyable. A. Masson, L’invasion des barbares en 1914, in-12, Paris, 1915 ; Jacques de Dampierre, L’Allemagne et le droit des gens. I. L’impérialisme, in-4°, Paris, 1915. Avec une foule de faits et de citations originales, l’auteur montre comment les innombrables violations de droit commises par l’Allemagne se rattachent à son impérialisme envahissant. Rapports et procès-verbaux d’enquête de la Commission instituée en vue de constater les actes commis par l’ennemi en violation du droit des gens, contenant les dépositions et documents complets qui ont servi de matière aux rapports, 3 in-4°, Paris, 1915-1910 ; abbé Charles Calippe, La guerre en Picardie, avec préface de Mgr de La Villerabel, évêque d’Amiens, in-12, Paris, 1916 ; E. Toutey, Pourquoi la guerre ? Comment elle se fait, in-8°, Paris, 1916 ; Paul Gaultier, La mentalité allemande et la guerre, in-8°, Paris, 1916 ; Mirman, Simon et Keller. Leurs crimes, in-12, Paris, 1916.

XI. Des conséquences surnaturelles de la guerre.

1° Si les hommes attendent de grands avantages des guerres qu’ils déclarent, ou soutiennent, il n’est pas douteux que Dieu, en permettant ces affreux cataclysmes, n’ait en vue, dans l’ordre surnaturel, un but à atteindre. Dans les plans de la Providence, toute guerre, et surtout une guerre mondiale, comme celle qui a commencé en 1914, doit avoir des conséquences, tant générales que particulières, c’est à-dire tant pour les nations considérées comme groupements humains, que pour les individus. Les diplomates, les politiciens et les économistes s’occupent peu ou prou de ces conséquences surnaturelles, qui échappent même à la plupart des esprits, parce que peu cherchent à les découvrir ; mais elles n’en sont pas moins incontestables. Ceux qui n’élèvent pas leurs regards au-dessus des horizons bornés de la terre, ne sauraient concevoir que les événements d’ici-bas aient leur répercussion dans le monde invisible ; surtout ils ne sauraient admettre que le résultat principal se réalise justement dans ce monde supérieur qu’ils ne soupçonnent même pas.

Malgré la lourde responsabilité encourue par ceux qui déclarent une guerre, on peut être certain, cependant, qu’elle n’éclate qu’au moment précis fixé par la Providence. Sans vouloir excuser ces grands coupables, auteurs immédiats de ces épouvantables conflits, comment, en y réfléchissant bien, ne pas voir qu’ils sont eux-mêmes entraînés par les circonstances, bien plus qu’on ne le supposerait, au premier abord ? La sagesse divine qui, selon le mot de l’Écriture sainte, arrive infailliblement à ses fins, avec force et suavité, sans violenter aucunement la liberté humaine, Sap., viii, 1, se sert parfois des passions humaines et de l’ambition des potentats, pour exécuter les décrets de sa justice et punir les contempteurs de sa loi. Dieu châtie, parfois, les unes par les autres, les nations qui ont la prétention de vivre sans lui, ou de fouler aux pieds ses droits imprescriptibles. Il est le souverain Maître, et il le rappelle, de temps en temps, à ceux qui sont portés à l’oublier. Lui seul, disait Bossuet, sait donner aux rois et aux princes de grandes et sévères leçons, soit qu’il élève les empires, soit qu’il les abaisse, ou les renverse. Ces leçons, tour à tour redoutables et salutaires, il les donne aussi aux peuples ! Quelquefois les rois ne les comprennent pas, ni les peuples, ni les princes ; mais la justice a suivi son cours, et, si tous les pécheurs ne se convertissent pas, aux lueurs terribles de ces éclairs orageux et aux grondements de tonnerre