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1945
1946
GUERRE


témoin hollandais, in-12, Paris, 1915 ; Camille Jullian, membre de l’Institut, professeur au Collège de France, Rectitude et perversion du sens national, in-12, Paris, 1915 ; André Weiss, La violation de la neutralité belge et luxembourgeoise par l’Allemagne, in-8°, Paris, 1915 ; E.-M. Gray, // Belijio solto la spada tedesca, in-4°, Florence, 1915 ; Prùm, chef du parti catholique luxembourgeois, Die deutsehe Kriegsfuhrung in Belgien und die Mahnungen BenediclXV, in-4°, Luxembourg, 1915. Sous forme de lettre adressée à M. Mathias Erzberger, député au Reichstag, chef reconnu du Centre et ami personnel du kaiser, l’auteur, précédemment germanophile, oppose les atrocités allemandes en Belgique aux instructions de Benoît XV. Il s’étonne profondément que des hommes tels que M. Erzberger, loin de condamner ces épouvantables atrocités, aient essayé de les justifier. Ne serait-ce pas, dit-il, parce qu’ils sont plus allemands que catlaoliques ? Cet ouvrage d’un germanophile est un redoutable réquisitoire contre l’Allemagne, qui, ne pouvant le réfuter, a tenté de saisir et de détruire le plus grand nombre d’exemplaires possible. René Johannet, La conversion d’un catholique germanophile, in-12, Paris, 1915. C’est l’histoire des poursuites intentées à M. Prùm, par le gouvernement allemand, plus la traduction française de l’ouvrage de M. Prùm, et ses réponses victorieuses aux diatribes qu’on lui avait adressées à ce sujet. Joseph Boubée, La Belgique loyale, héroïque et malheureuse, in-12, Paris, 1916.

2° In/usle invasion de la France et multitude de crimes énormes qui en sont la suite. — 1. L’invasion de la France ne se justifie pas plus que celle de la Belgique, et, comme celle-ci, elle a entraîné, de la part de l’injuste agresseur, une multitude de crimes énormes. On a pu affirmer que la guerre de 1870, quoique déclarée par la France, avait été voulue pa" la Prusse, qui l’avait mise dans la nécessité de prendre les armes. Cette tactique de Bismarck avait trop bien réussi pour que ses successeurs n’eussent pas le désir de la renouveler. Une de leurs maximes privilégiées était qu’il faudrait susciter encore l’agression de la France, pour se vanter auprès des neutres d’avoir été l’offensé, et rejeter ainsi sur l’ennemi qu’on voulait détruire’la responsabilité d’une guerre effroyable. Ceci n’est pas une simple supposition. On trouve ce plan machiavélique nettement exposé dans l’ouvrage de von Bernhardi, L’Allemagne et la prochaine guerre, in-8 r, Berlin, 1912. Entre autres recommandations de ce genre, on y lit celle-ci plus que suffisamment clair :::< Le devoir de notre diplomatie est de brouiller les cartes, à tel point que nos ennemis soient contraints de nous attaquer. Dans ce but, sans commencer nous-mêmes la guerre, menaçons leurs intérêts, à tel point que nos ennemis soient obligés de prendre l’initiative des hostilités. » Les puissances ainsi visées étaient assez averties par ce naïf et cynique langage, pour qu’elles se tinssent sur leurs gardes, et fissent leurs efforts pour maintenir la paix européenne, quand même des motifs d’ordre supérieur ne leur eussent pas impérieusement prescrit cette ligne de conduite. Et c’est ce qui explique la longue patience des puissances de l’Entente en face des provocations de l’Allemagne, si souvent réitérées. Aussi, en juillet 1914, en dépit de nouvelles provocations, ces puissances se montrèrent si attachées à la paix, multiplièrent tant leurs démarches en ce sens, et suggérèrent tant de combinaisons pour la maintenir, que l’Allemagne, pour déchaîner sur l’Europe cet ouragan de fer et de feu qu’elle méditait de faire éclater, dut elle-même déclarer la guerre ; mais, déçue dans ses hypocrites calculs, elle s’efforça d’intervertir les rôles de la tragédie sanglante de 1870, prétendant et répétant à tous les échos que la malice de ses ennemis acharnés à sa perte l’avait contrainte, bien malgré elle, àth’erl’épée.

En même temps qu’il annonçait à son peuple ce grave événement, l’empereur Guillaume II affirmait solennellement que sa conscience ne lui adressait aucun reproche, et qu’il faisait retomber sur ses ennemis la responsabilité de ce conflit épouvantable, dont lui-même cependant était la principale cause. Cette première protestation n’était, dans cette mise en scène. qu’une vaine formule de style, pour tromper les badauds et satisfaire les énergumènes de la caste militaire, qui ayant, comme leur chef, depuis longtemps voulu et préparé cette guerre mo istrueuse, savaient à quoi s’en tenir sur sa véritable origine. Mais, à mesure que, contre les prévisions et le", mesures si bien prises pour égorger les peuples, la guerre se prolongea, et se multiplièrent, avec les ruines, les hécatombes humaines dont l’Allemagne avait également à soulïrir si douloureusement, les intellectuels et les dirigeants cherchèrent de plus en plus à décliner une responsabilité dont l’exceptionnelle gravité ne cessait de hanter plus obstinément la pensée de chacun. Et ce furent de toutes parts, en Allemagne, des affirma lions répétées sur le ton d’une déclamation tranchante, ou d’un pédantisme ergoteur, mais toujours sans aucune preuve solide à l’appui, et se résumant en de simples dénégations des faits les plus évidents. Quatre-vingt-treize « représentants de la science et de l’art allemands » , comme ils se qualifient eux-mêmes, adressèrent un « appel au monde civilisé » , pour justifier les auteurs responsables de cet effroyable cataclysme. Oublieux des méthodes critiques dont ils se montrai nt autrefois si jaloux, comme de la condition indispensable à toute science digne de ce nom, ils se contentaient d’affirmer ou de nier sans preuve, comme si leur autorité personnelle était suffisante pour énoncer des dogmes, ou proscrire des erreurs, de manière que toute intelligence humaine, par respect pour leur infaillible autorité, devait, sans l’ombre d’une hésitation, se courber devant leur verdict sans appel. « Il n’est pas vrai, disaient-ils, que l’Allemagne ait provoqué la guerre… ; il n’est pas vrai qu’elle ait injustement violé la neutralité de la Belgique. .. » (le chancelier impérial, cependant, avait confessé publiquement l’injustice de cette violation) ; « il n’est pas vrai que ses troupes aient brutalement détruit Louvain…. ses soldats ne commettent aucun acte de cruauté… ; il est impossible qu’ils aient fusillé des vieillards, ou des prêtres, ou des citoyens désarmés, « etc.

A ce manifeste qui, s’il n’était pas une œuvre d’art, n’était certes pas une œuvre de science, puisqu’il ne contenait aucune preuve des allégations, mais montrait à découvert la passion et les préjugés excluant tout esprit critique, l’Institut catholique de Paris apporta une réponse appuyée sur les documents diplomatiques publiés par les diverses puissances, sur des enquêtes conduites avec le plus grand souci de l’exactitude, et sur ce que ses membres avaient vu de leurs yeux. Ces documents établissaient d’une façon péremptoire que l’Allemagne a prémédité la guerre, a fait échouer toutes les tentatives de conciliation, et conduit la guerre d’une manière qui rappelle, mais en les dépassant, les horreurs des invasions barbares du moyen âge et de l’antiquité païenne. L’Académie française, l’Académie des sciences morales et politiques, l’Académie des inscriptions et belles-lettres opposèrent au manifeste allemand des réponses semblables. Intellectuels contre intellectuels. Cf. Etienne Lamv Lesintellectuels d’Allemagne et l’Institut de France, dans le Correspondant du 10 mars 1915, p. 737-756.

Au fait, dès 1840, M. Guizot, alors ministre des affaires étrangères, écrivait à M. de Saint-Aulaire, ambassadeur de France à Londres : « La neutralité de la Belgique, l’existence du royaume belge, tel qu’il est aujourd’hui constitué, c’est la paix de l’Europe. Vous le savez, mon cher comte, la constitution de ce