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ls.M

GREGOIRE DE NYSSE

GREGOIRE DE RIMINI

I S.M>

Le dogme de la trinité a particulièrement attiré son attention et inspiré sa plume. En Dieu, l’évêque de Nysse ne s’est jamais lassé de soutenir, avec l’unité de la nature, la trinité des personnes ; il est un nicéen convaincu, un continuateur de saint. Athanase. Un platonisme exagéré le conduit même à étendre l’unité numérique de la substance ou de la nature jusque dans l’ordre des choses créées, P. G., t. xlv, col. 180. Voir t. v, col. 2455. Mais il remarque, en parant le danger de son système, que le mot Dieu désigne avant tout une activité, non pas la nature ; Œo ; se rattache au verbe 03aa6ai, et s’entend de celui qui voit tout. Voir t. iv, col. 1087-1088. Or cette activité, bien que les trois personnes divines y prennent également leur part, ne laisse pas d’être unique ; elle a sa source dans le Père, passe par le Fils et se termine dans le Saint-Esprit. Ibid., col. 120 sq. Rien, ici, qui rappelle l’activité de trois hommes réunis pour produire le même effet. Ibid., col. 125-129. La distinction des personnes divines repose toute sur leur origine, l’une étant cause, tô at’xtov, les deux autres étant causées, to aîxtaxo’v. Ibid., col. 133. Les expressions dont se sert habituellement son homonyme de Nazianze, àyEvvrjaia, ysvvi, cr.ç, èwro’pEuuiç, sont aussi familières à saint Grégoire de Nysse ; il préfère cependant, là où il pèse ses mots, appeler le Fils, non 70 y£WT)-û’v, mais to p.ovo’yeveç, l’Unique engendré. Après avoir distingué soigneusement l’Èwrdpeuciç de la YÉWT)ffiç, il reconnaît dans I’Èx^ripEuaiç une procession, du Père par le Fils : doctrine qui restera en définitive celle de l’Église grecque. L’évêque de Nysse a déterminé le caractère propre du Saint-Esprit avec une précision que ni saint Basile ni saint Grégoire de Nazianze n’avaient atteinte. P. G., t. xlv. col. 133. Voir t. v, col. 784-787.

La deuxième personne de la sainte Trinité s’est incarnée dans le sein de laVierge Maxïe.Ibid., t. xlvi, col. 606. Ainsi, la Vierge Marie mérite le titre de 8eoTO>coç, non pas, comme le veulent quelques moines et comme le voudra Nestorius, celui d’àv0pio7 : OToV.oç. Ibid., t. xlvi, col. 1024. Car le Christ est une seule personne en deux natures, é’v npo-j’onov, ibid., t. xlv, col. 697, SJo çuostç. Ibid., t. xlvi, col. 1112. L’élément humain du Christ et la divinité demeurent en lui, sans confusion ni mélange, gardant chacun leurs attributs propres. Ibid., t. xlv, col.705. Mais de l’unité personnelle du Christ dans la dualité de ses éléments découle la communication des idiomes, c’est-à-dire l’échange réciproque des propriétés, actions et passions des deux natures. Ibid., col. 705. Quant à la nature intime du lien qui unit en Jésus-Christ Dieu et l’homme, la juste mesure des termes et la précision rigoureuse de la doctrine manquent à l’évêque de Nysse comme aux autres Cappadociens ; il paraît quelquefois supposer entre les deux éléments du Christ une union simplement morale, ibid., col. 700-705 ; souvent, au contraire, son langage offre une couleur monophysite, car maintes fois, pour marquer l’union des deux éléments en Jésus-Christ, il emploie le terme d’àvâxpac.ç, lequel désigne dans l’usage commun le mélange des liquides et la diminution de leurs propriétés l’un pax l’autre. Ibid., col. 693, 697, 705, 708. On retrouve dans les paroles de saint Grégoire la trace de cette idée origénienne d’une certaine transformation de l’humanité en la divinité après la glorification du Sauveur.

.Mais nulle part l’influence d’Origône n’est plu ; sensible que dans le champ de l’eschatologie. L’évêque de Nysse condamne sans doute formellement les théories origénieimes, que Dieu n’avait créé d’abord que de purs esprits et que l’âme humaine a été enfermée dans le corps en punition d’une faute antérieure. P. G., t. xxvi, col. 125-128. Il contredit aussi Origènc, en soutenant, comme saint Méthode d’Olympie, l’identité matérielle du corps resuscité avec le corps vivant.

L’âme séparée, fait-il dire à sa sœur Macrine, ibid., col. 70 sq., demeure toujours à côté des éléments corporels qui, sur cette terre, lui ont appartenu ; partout elle les suit et partout elle veille sur eux. jusqu’à ce qu’elle en resaisisse, au moment de la résurrection, ce qui lui est nécessaire pour son corps nouveau. Saint Grégoire toutefois adopte pleinement l’idée d’Origène que les peines de l’enfer, au lieu d’être de purs châtiments, ont aussi une valeur médicinale et qu’elles n’ont par suite qu’une durée limitée. Pendant que Sévère d’Antioche, mort en 538, impute à l’évêque de Nysse des erreurs touchant l’apocatastase, Photius, Biblioiheca, cod. 232, le patriarche de Constantinoplc, saint Germain mort en 733, jaloux de disculper Grégoire, s’efforcent de prouver que les ouvrages de ce Père ont été postérieurement altérés dans le sens de la théorie origénienne. Photius, ibid. Malgré cette apologie, renouvelée de nos jours par deux critiques modernes, il est avéré maintenant, après les études approfondies de Fr. Hilt, que l’orthodoxie de l’évêque de Nysse sur ce point ne saurait être défendue. C’a été la conviction de saint Grégoire qu’à la fin tous les hommes et tous les démons reviendront volontairement, mais invinciblement, à Dieu. Voir t. v, col. 70-71. Il est vrai que, pour se conformer au langage de l’Écriture, il insiste sur l’inextinguibilité du feu, sur l’immortalité du ver rongeur, sur l’éternité de la récompense. P. G., t. xlv, col. 105 ; t. xlvi, col. 312. Mais, au fond, il n’entend par cette éternité qu’une longue série de siècles, t. xlv, col. 49 ; t. xlvi, col. 152, 157, et il tient, t. xliv, col. 764, que l’expression scripturaire de « feu inextinguible » réclame une exégèse anagogique. Voir t. v, col. 2201-2202. C’est tout à fait la doctrine origénienne de l’apocatastase, à cela près pourtant que, selon Origène, les âmes, en possession de leur liberté, seront capables de passer indéfiniment par des agitations nouvelles, et que, selon Grégoire de Nysse, les âmes, revenues à Dieu, y demeurent immuablement fixées. Pour sa doctrine sur les démons, voir t. iv, col. 354-355, sur l’âme humaine, voir t. i, col. 1001-1002, et sur la présence réelle, t. v, col. 1148-1150. Sa doctrine sur la rédemption a été exposée par M. Rivière, Le dogme de la rédemption, Paris, 1905, p. 151-159. Saint Grégoire admettait les droits du démon sur l’humanité coupable et enseignait qu’une rançon lui fut payée par le sang du Christ. Le démon fut trompé, mais sans injustice. Ibid., p. 384-386, 420, 422.

J. Rupp, Gregors, des Bischofs von Nyssa, Leben und Meinungen, Leipzig, 1834 ; Fr. Diekamp, Die Wahl Gregors von Nyssa zum Mttropolilen von Sebaste, dans Iheol. Quartalschrift, 1908, p. 384-401 ; Fr. Hilt, Des heil. Grcgor von Nyssa Lehre vom Menschen, Cologne, 1890 ; A. Krampf, Der Urzustand des Menschen nach der Lehre des heil. Grcgor von Nyssa, Wurzbourg, 1889 ; W. Volbert, Die Lehre Gregors von Nyssa vom Guten und Bcsen und von der schliesslichen Uberwindung des Bbscn, Leipzig, 1897 ; J.-B. Aufhauser, Die Heilslehre des heil. Gregor von Nyssa, Munich, 1910 ; Fessler-Jungmann, Instilutiones patrologiæ, Inspruck, 1890, t. i, p. 565-600 ; P. Batiffol, La littérature grecque, Paris, 1897, p. 288-292 ; Bardenhewer, Les Pères de l’Église, nouv. édit. franc., Paris, 1905, t. ii, p. 103-122 ; Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1909, t. ii, passim (voir table analytique, p. 522-523) ; Hurter, Nomenclator, 1903, t. i, col. 156-163.

P. Godet.

26. GRÉGOIRE DE RIMINI, célèbre théologien et philosophe italien de l’ordre des ermites de Saintvugustin, vécut dans la première moitié du xve siècle, celle que parfois l’on a nommée « de décadence » pour ce qui regarde la pureté des doctrines scolastiques, et qui fut remplie par les disputes entre philosophes réalistes et nominalistes. Venu à Paris comme étudiant en 1322, il y resta dix ans pour se préparer au grade de