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GRÉGOIRE DE NYSSE


toutefois en égaler le charme du style, l’intéressant dialogue De [’âme et de la résurrection, P. G., t. xlvi, col. 11160, nous livre le suprême échange de pensées entre saint Grégoire et sainte Macrine. sa sreur aînée, morte au mois de décembre 379 ou au mois de janvier 380, à la tête du couvent de femmes qu’elle avait fondé dans le Pont, sur les bords de l’Iris. La sœur y confie à son frère ses idées sur l’âme, sur la mort, sur l’immortalité, sur la résurrection et la consommation finale. Un second dialogue bien plus court, Contra fatum, ibid., t. xlv, col. 145-174, relation d’une dispute de l’évêque avec un philosophe païen à Constantinople, défend la liberté humaine contre le fatalisme astrologique. Un opuscule des dernières années de saint Grégoire, Sur les enfants morts avant l’âge, ibid., t. xlvi, col. 161-192, dédié au préfet de la Cappadoce, Hiérius, essaie d’expliquer pourquoi Dieu permet les morts prématurées.

2° En exégèse, Grégoire de Nysse, comme tous les Cappadociens, est tributaire d’Origène. Vers 379, dans ses deux premiers écrits exégétiques, l’un sur la création de l’homme, qui complète et achève l’Hexaméron de saint Basile, P. G., t. xliv, col. 125-256, l’autre sur l’œuvre des six jours, qui défend la cause de saint Basile et dissipe les malentendus, ibid., t. xliv, col. 61-124, il s’étudie à suivre inviolablement le sens littéral ; vers la fin du second opuscule, col. 121, il exprime la joie qu’il ressent de n’avoir jamais tourné violemment le texte sacré en figures et en allégories. Mais, plus tard, vers 390 lorsqu’il déroule la Vie de Moïse aux yeux d’un certain Césaire, ibid., t. xliv, col. 297-430, et fait ressortir, l’histoire du législateur d’Israël à la main, les voies mystérieuses de l’élévation de l’âme à Dieu, moins soucieux d’instruire que d’édifier, il court après les allégories les plus subtiles et les plus étranges. Dans son opuscule : Sur la pgthonissc d’Endor, P. G., t. xlv, col. 107-114, il se rallie à l’opinion que ce ne fut pas Samuel qui apparut à la magicienne, mais un démon revêtu de la forme du prophète. Les deux livres où Grégoire explique les titres des psaumes, ibid., t. xliv, col. 431-608, vont à montrer, à grand renfort d’allégories, le premier (9 chap.), qu’une seule et même pensée a présidé au classement des psaumes et que les cinq divisions du psautier actuel nous remettent sous les yeux les cinq degrés qui, peu à peu, nous mènent au sommet de l’échelle, c’est-à-dire à la perfection ; le second (16chap.), que tout, titres et psaumes, n’a sans exception qu’un but, celui de nous guider dans la voie du bien. On y trouve annexée dans les éditions une homélie sur la suscription du ps. vi, Pro oclava, ibid., col. 607-616. Les huit Homélies sur l’Ecclésiasle, c. i-m, 13, ibid., col. 615-754, sont imprégnées de l’idée que ce livre, « vraiment sublime et divinement inspiré, » a pour tâche > d’élever l’âme au-dessus des sens, et, par le renoncement aux grandeurs et à l’éclat des apparences d’ici-bas, de lui rendre la paix. » Homil., i, ibid., col. 620. Les quinze Homélies sur le Cantique des cantiques, r-vi, 8, P. G., t. xliv, col. 755-1120, dédiées à Olympius de Constantinople, font ressortir le sens mystique du’.exte sacré. « La lettre, dit saint Grégoire, ne nous parle que de noces ; mais, sous la figure d’un appareil nuptial, on entend l’union de l’âme humaine avec Dieu. » Homil., i, ibid., col. 772. Grégoire, dans la préface de cette explication, soutient la nécessité d’une exégèse spirituelle, anagogique, et, à la fin, il loue chaudement Origène pour son interprétation du Cantique des cantiques. Pour ce qui est du Nouveau Testament, l’évêque de Nysse nous a laissé cinq homélies sur l’oraison dominicale, P. G., t. xliv, col. 1119-1194, et huit sur les béatitudes, Matth., v, 1-10, ibid., col. 1193-1302, homélies de genre purement moral. Une homélie sur I Cor., vi, 18, figure, sous le titre d’Oralio contra fornicarios, parmi les

discours de saint Grégoire, t. xlvi, col. 489-489, 1107-1110. Le commentaire sur I Cor., xv, 28, P. G., t. xliv, col. 1302-1326, empreint des erreurs d’Origène, est dirigé contre les ariens. Une homélie de saint Grégoire de Nysse. (texte copte et traduction française) a été publiée parle P. Chaîne, dans la Revue de l’Orient chrétien, 1912 et 1913.

Ascétisme.

Un esprit ascétique anime le beau

livre De la virginité ou de la perfection, P. G., t. xlvi, col. 317-416, que saint Grégoire écrivit avant son épiscopat, vers 370 ou 371, et qui développe sous une forme attrayante l’idée que la virginité fait de l’âme l’épouse de Jésus-Christ. On a aussi de Grégoire une série d’opuscules ascétiques : l’un, Sur les exigences du nom chrétien ou de la vie chrétienne, adressé à un certain Harmonius, ibid., col. 237-250 ; l’autre, au moine Olympius, Sur les vjrtus et la perfection du chrétien, ibid., col. 251-286 ; le troisième, destiné à des moines, Sur la fin providentielle du chrétien, ibid., col. 287-306 ; le quatrième, Advsrsus eos qui casligaliones œgre ferunt, ibid., col. 307-316. A ce groupe d’écrits appartient enfin la Vie de sainte Macrine, ibid., col. 959-1000, biographie de cette sœur de Grégoire, qui remonte sans doute à l’an 380.

Discours.

Indépendamment des homélies

exégétiques sus-mentionnées, les sermons qui nous restent sont nombreux et offrent les thèmes les plus variés, P. G., t. xlvi, col. 415 sq. Sermons de morale, contre ceux, par exemple, qui diffèrent le baptême, contre les usuriers, contre ceux qui s’affligent à l’excès de la perte d’un parent ou d’un ami ; sermons dogmatiques, entre autres le sermon Sur la divinité du Fils et du Saint-Esprit, prêché, selon toute apparence, à Constantinople en 383, et demeuré depuis fameux dans la littérature grecque chrétienne ; sermons sur les fêtes annuelles de l’Église, Noël, Epiphanie, Pâques, Ascension, Pentecôte ; panégyriques de personnages éminents du temps passé, saint Etienne, saint Théodore martyr, les quarante martyrs de Sébaste, saint Grégoire le Thaumaturge ; oraisons funèbres de saint Basile, de Mélèce d’Antioche, mort en 381, de la princesse Pulchérie, morte en 385 ou 386, et de sa mère, l’impératrice Flaccile, morte peu après. Saint Grégoire, par son éloquence, est bien au-dessous de saint Basile comme de son homonyme de Nazianze ; il n’égale ni la force ni la gravité ni la concision du premier, et ne rappelle ni la vivacité du ton ni la richesse de coloris du second.

Lettres.

Les vingt-six lettres que nous avons

conservées de l’évêque de Nysse, P. G., t. xlvi, col. 999-1108, sont pour la plupart adressées à des personnes amies et ne parlent guère que des incidents de la vie de l’auteur. Citons néanmoins la lettre iie, Sur les pèlerinages de Jéruscdem, ibid., col. 1009-1015, où Grégoire blâme les abus que le pèlerinage de Jérusalem entraînait trop souvent, et rabaisse les avantages spirituels qu’on y attachait ; le pape Benoît XIV l’en reprendra fortement dans sa constitution Apostolica, 9, Bullarium Benedicti XIV, t. iii, p. 65-66. Je citerai aussi la lettre écrite vers 390 à Letoius, évêque de Mélitène, P. G., t. xlv, col. 221-236, laquelle expose la discipline ecclésiastique sur les apostats et autres grands pécheurs.

III. Doctrine.

Philosophe autant que théologien,

saint Grégoire, comme les Cappadociens, eut à cœur d’asseoir sur la philosophie l’exposition et la défense de la foi chrétienne et de concilier l’esprit du ive siècle et l’orthodoxie traditionnelle. Malheureusement, ses souvenirs de la culture hellénique ne l’ont pas toujours bien servi, et son attachement passionné aux idées d’Origène, en ce qui regarde notamment la résurrection du genre humain, a compromis le succès de la mission qu’il s’était donnée.