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183.3

GRÉGOIRE XVI

1834

d’une nouvelle société chrétienne et renouveler l’Église corrompue. Dans une lettre du 8 novembre 1843, le pape passe en revue les erreurs étranges du voyant de Tillysur-Seulles, et encourage l’évêque à résister de toutes ses forces aux entreprises des sectaires fanatisés par Vintras.

Cinq mois plus tard, dans une lettre à l’archevêque de Prague du 31 mars 1844, Grégoire XVI condamnait le mouvement créé en Bohème pour détacher de Rome les catholiques de ce pays.

3. L’indifférentisme religieux.

On a pu remarquer, dans les documents qui précèdent, l’insistance du pape a signaler Yindijférenlisme religieux comme la cause, avouée ou secrète, des divers mouvements que nous avons signalés. Il revint à diverses reprises sur cette difficile question. C’est particulièrement à propos des mariages mixtes que Grégoire XVI rappelle les principe ; de l’Église sur la matière. Nous avons signalé déjà les difficultés que cette question fit naître en Prusse. La lutte entre libéraux et catholiques en Hongrie à propos de ces mêmes mariages amena le pape à s’exprimer une, fois de plus dans une lettre aux évêques hongrois, du 30 avril 1841, à laquelle était jointe une instruction sur l’application des principes, et dans une lettre aux évêques d’Autriche et d’Allemagne, datée du 22 mai suivant. Huit jours avant sa mort, le 23 mai 1846, Grégoire XVI rappelait encore les mêmes principes à l’évêque de Fribourg en Suisse.

A plus forte raison le pape regrettait-il tout ce qui semblait accord plus ou moins tacite avec les hérétiques dans les pays mixtes. Ayant appris que, dans l’arcnidiocèse de Fribourg-en-Brisgau, des clercs avaient assisté aux fêtes civiles données lors de l’inauguration d’un temple protestant, il écrivit à l’archevêque le 30 novembre 1839 une sévère lettre de blâme.

Mais ce qui effrayait surtout Grégoire XVI, c’était les tentatives de propagande protestante qui se multipliaient en Italie et dans les États romains eux-mêmes. La Société biblique de Londres d’une part, d’autre part une société fondée à New York le 12 juin

1843, sous le nom d’Alliance chrétienne, se donnaient ouvertement comme tâche de faire pénétrer à Rome, en même temps que des bibles protestantes, des ouvrages destinés à promouvoir les idées de la Réforme. L’encyclique Inter præcipuas machinationes du 8 mai

1844, après avoir rappelé les condamnations portées contre la Société biblique par Pie VI, Léon XII et Pie VIII, et le décret de l’Index rendu le 7 janvier 1836, condamne à nouveau ladite société, en même temps que l’Alliance chrétienne et fait appel aux gouvernements italiens pour empêcher le développement dans leurs États de la liberté de conscience à laquelle succéderait bien vite la liberté politique. La propagande protestante n’en continua pas moins. L’île de Malte parut aux méthodistes anglais un excellent observatoire ; ils y créèrent un journal religieux VIndicalore giornale religioso qui causa à Grégoire XVI de vives alarmes (lettres à l’évêque de Malte du 31 août 1843 et du 26 novembre 1845).

4. L’hermésianisme.

Le rationalisme philosophique et théologique, systématisé en Allemagne par Hermès, se rattache, jusqu’à un certain point, à l’esprit de libre examen dont le libéralisme sous toutes ses formes est une manifestation. Bien qu’il eût fort peu écrit, le professeur de Bonn avait exercé, dans toute l’Allemagne et spécialement dans le pays rhénan, une influence considérable, que sa mort, survenue en 1831, n’avait pas ruinée. Mais ceux qui, du vivant d’Hermès, avaient redouté de l’attaquer s’enhardirent et dénoncèrent à Rome, en 1833, les doctrines de YEinleiiung in die christ-katholische Théologie, dont les deux parties avaient paru successivement en 1813 et en 1823. Au même moment, le plus qualifié des disciples d’Hermès,

Achterfeld, publiait la Christ-katholische Dogmatik, d’après les papiers du maître (1833).

L’examen des doctrines hermésiennes fut conduit à Rome avec beaucoup de prudence et de lenteur. Finalement, le Saint-Office déclara en séance plénière et à l’unanimité qu’Hermès avait erré, qu’il se rencontrait dans ses écrits bien des choses absurdes ou étrangères à la doctrine catholique, et qu’il fallait dès lors condamner. Après mûr examen du tout et après avoir entendu le jugement et le conseil des cardinaux inquisiteurs, Grégoire XVI lança le 26 septembre 1835 l’encyclique Dum acerbissimas. Elle déclare qu’Hermès s’est audacieusement écarté de la voie droite, suivie par la tradition universelle et par les saints Pères dans l’exposition et la défense des vérités de foi ; que, l’ayant méprisée et condamnée, dans son orgueil, il a imaginé une route ténébreuse, menant à des erreurs de tout genre, surtout en faisant du doute positif la base de toute recherche théologique, et en posant comme principe que la raison est la règle principale et l’unique moyen qui permette à l’homme d’acquérir la connaissance des vérités surnaturelles. Le pape condamnait donc les ouvrages publiés du vivant d’Hermès, et celui qu’Achterfeld avait fait ensuite paraître. îl faisait sienne la sentence du Saint-Office qui découvrait dans les ouvrages susdits de multiples erreurs sur la nature de la foi et la règle des croyances, la sainte Écriture, la tradition, la révélation et le magistère de l’Église ; sur les motifs de crédibilité, les preuves traditionnelles de l’existence de Dieu ; sur l’essence même de Dieu, sa sainteté, sa justice, sa liberté, le but que Dieu s’est proposé dans ses œuvres ad extra ; enfin sur la nécessité de la grâce, sa distribution, la rétribution future, l’état de nos premiers parents, le péché originel et les forces de l’homme déchu. Le Saint-Office condamnait donc ces écrits comme contenant des doctrines et des propositions respectivement fausses, téméraires, captieuses, conduisant au scepticisme et à l’indifîérentisme, erronées, scandaleuses, injurieuses pour les écoles catholiques, subversives de la foi divine, sentant l’hérésie et déjà condamnées par l’Église. Le pape, lui, de son propre mouvement, condamnait ces livres et ordonnait de les mettre au catalogue de l’Index.

Les hermésiens ne se tinrent par pour battus. Ils ne contestaient pas sans doute le caractère condamnable des propositions visées parle bref ; mais ils prétendaient qu’Hermès, s’il eût vécu, n’aurait jamais reconnu ces propositions pour siennes. En même temps, ils faisaient remarquer que la condamnation de Bautain était, au fond, une approbation d’Hermès, Bautain ayant dû souscrire le 18 novembre 1835 six propositions concernant le rôle et la puissance de la raison humaine dans la recherche de la foi. Deux disciples d’Hermès, Braun et Elvenich, obtinrent du pape la permission de venir chercher à Rome de plus amples informations sur l’encyclique de 1835. Dans l’audience qu’il leur accorda, Grégoire XVI leur dit : « Hermès était un homme de mœurs pures et je n’ai point le moindre soupçon sur l’orthodoxie de sa personne, mais il se pourrait que dans ses livres il ne se soit pas toujours exprimé correctement, ce qui en théologie est absolument nécessaire. » Et comme l’un des interlocuteurs faisait allusion au cas de Bautain : « Vous avez tort, reprit le pape, d’en appeler à l’écrit que j’ai envoyé à l’évêque de Strasbourg. .. Ils errent tous les deux : ceux qui donnent tout à la foi et ne laissent rien à la raison, aussi bien que ceux qui attribuent tout à la raison et ne laissent rien à la foi… Je pense, ajouta le pape, pour conclure l’entretien, que vous n’êtes pas venus à Rome pour enseigner, mais pour être enseignés. » Les deux hermésiens comprirent au bout de quelques mois que leur séjour à Rome était sans objet. Ils rentrèrent en Allemagne ; la querelle hermésienne n’était d’ailleurs