Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/300

Cette page n’a pas encore été corrigée

is. : i

GRÉGOIRE XVI

1832

révolter les ordres des empereurs quand ils ne touchaient qu’au temporel. » Grégoire XVI condamnait ensuite l’idée de la séparation de l’Église et de l’État ; « il est bien clair, disait-il, que l’union des deux pouvoirs, qui s’est toujours montrée utile à la société civile comme à l’ecclésiastique, est partiellement redoutée par les partisans de cette impudente liberté dont il a ilé parlé plus haut. » Non moins blâmable est l’alliance contractée avec les révolutionnaires par certains catholiques. Et l’encyclique se termine par une exhortation adressée aux princes, et qui témoigne chez le pape d’une confiance robuste dans les bonnes dispositions des gouvernements de droit divin à l’égard de l’Église ; qu’ils veuillent bien considérer, dit Grégoire XVI, que le pouvoir leur a été confié non seulement pour régir le monde, mais surtout pour secourir l’Église ; et qu’ils soient bien persuadés que c’est vraiment travailler pour leur tranquillité que travailler pour l’Église.

Tel est ce document mémorable où se synthétisent pour la première fois les protestations de l’Église contre ce droit public issu de la Révolution qui fait prévaloir, plus ou moins vite suivant les divers pays, la conception de l’État laïque. Il est à peine besoin de faire remarquer que l’encyclique ne tient nul compte des contingences, qu’elle se borne à rappeler les principes incontestables de l’Église, sans se préoccuper des questions infiniment délicates que soulève l’application. C’est ce manque de nuances qui explique les attaques dont elle a été l’objet, surtout quand l’encyclique Quanta cura et le Sijllabus de 1864 seront venus renouveler les polémiques.

Il ne semble pas, d’ailleurs, que l’encyclique Mirari vos ait produit, à l’heure où elle parut, une émotion considérable dans le public religieux et même parmi les libéraux. Le groupe des catholiques libéraux était encore trop faible pour que sa condamnation ait passionné l’opinion publique, et les libéraux révolutionnaires se souciaient trop peu de l’Église et de ses condamnations pour prendre garde à ce document ecclésiastique. On sait que Lamennais se soumit, dès le 8 septembre 1832, à la condamnation portée contre lui par l’encyclique. Mais cette soumission n’était ni aussi entière, ni aussi profonde que ce premier acte aurait pu le faire croire. Les multiples rétractations qu’on lui demanda au cours de 1833 achevèrent d’exaspérer Lamennais, il finit par signer tout ce qu’on voulait, pour obtenir la paix, mais il acheva brusquement une évolution commencée depuis longtemps déjà. Dès la fin de 1833, il avait cessé de se considérer comme prêtre ; en avril 1834 il publiait les Paroles d’un croyant, réquisitoire ardent contre les rois et l’Église qui se fait leur alliée, apologie farouche de la Révolution. Le 25 juin 1834, l’encyclique Singulari nos condamnait nominativement Lamennais. « Les Paroles d’un croyant montraient jusqu’à quel point l’auteur était en opposition avec la doctrine de l’encyclique précédente sur la soumission au pouvoir légitime et sur la manière d’écarter du peuple les conséquences de l’indifférence. Son livre est un appel à la révolte, à la guerre civile, .m mépris des magistrats et des lois, le tout présenté s mis l’invocation initiale de la sainte Trinité et exprimé dans le style même de l’Écriture. Usant donc de la plénitude de son pouvoir apostolique, le pape condamne et réprouve le livre comme contenant des propositions respectivement fausses, calomnieuses, téméraires, conduisant à l’anarchie, contraires à la parole de Dieu, impies, erronées, déjà condamnées dans les écrits des vaudois, de Wiclef et de Jean IIuss. » Un dernier paragraphe condamnait les erreurs philosophiques de Lamennais dans la question de la certitude et le syslème du sens commun. L’encyclique se terminait par un dernier appel au prêtre révolté ; cet appel suprême ne devait pas être entendu.

2. Le libéralisme ecclésiastique.

La sévérité de Grégoire XVI à l’endroit du libéralisme politique se retrouvera nécessairement dans son attitude à l’endroit de ce qu’on pourrait appeler le libéralisme ecclésiastique. On pourrait désigner sous ce mot tout un mouvement qui se manifesta en Suisse et en Allemagne parmi le clergé et qui préconisa dans la discipline ecclésiastique les réformes rendues nécessaires, disait-on, parle nouvel esprit du siècle. Il s’agissait tout particulièrement d’affranchir les Églises nationales de la suprématie romaine, d’y introduire une sorte de régime parlementaire par la tenue régulière de synodes où les ecclésiastiques du second ordre auraient soumis aux décisions épiscopales les modifications par eux réclamées ; les laïques eux-mêmes y auraient eu voix consultative. Les changements disciplinaires proposés n’étaient pas sans importance ; il fallait modifier le régime actuel de la pénitence et des indulgences, qui favorisait la paresse du pécheur, supprimer le célibat ecclésiastique qui aboutit au déshonneur du clergé, et se trouve contraire à la nature, revenir, sur la question des honoraires de messe, des fondations, des messes privées, à une pratique plus conforme à l’idéal des premiers siècles, supprimer le culte de la Vierge, les pieuses associations, les prières publiques, etc. On reconnaît ici toutes les idées développées au fameux synode de Pistoie en matière de discipline ecclésiastique. Elles étaient répandues en Suisse par un prêtre du diocèse de Saint-Gall, Aloyse Fuchs ; une association de prêtres s’était formée en Suisse et dans la province ecclésiastique du Rhin-Supérieur, tout spécialement dans le diocèse de Rottenbourg (Wurtemberg), qui créait une agitation dans le même sens. En particulier, une conférence s’était tenue à Ofïenbourg, où l’on avait élaboré le programme complet des réformes. L’évêque de Saint-Gall en 1833 signale cette situation à Grégoire XVI, qui lui répond le 26 juillet de la même année, approuvant les mesures prises par lui, et annonçant qu’il soumet tait à l’examen de théologiens romains les brochures publiées par Fuchs et ses adhérents. Cet examen ne traîna pas en longueur ; le 17 septembre 1833, une lettre apostolique condamnait cinq ouvrages exprimant les idées synodalistes : Ohne Christus hein Heil jùr Menschheit und Slaal, d’Aloyse Fuchs ; Sind Reformai in der katholischen Kirche nolhwendig ? procèsverbal de la conférence d’Offenbourg ; Die kalholische Kirche im xix Jahrhundert und die zeilgemcisse Umgeslaltung, publiée par Kopp, à Mayence en 1830 ; Der Kampf zwischen Pabsthum und Kalholicismus im XV Jahrhundert. publication datant de 1816, mais réimprimée à Zurich en 1832 ; Die Sicile des rômischen Stuhles gegen dem Geisle des XIX Jahrhunderts, sans nom d’auteur, Zurich, 1833.

Grégoire XVI réprouvait et condamnait solennellement tous ces livres, comme contenant des propositions respectivement fausses, téméraires, scandaleuses, erronées, injurieuses au Saint-Siège, dérogeant à ses droits, détruisant le gouvernement ecclésiastique et la divine constitution de l’Église, favorisant le schisme, ((induisant à l’hérésie, schisinatiques, hérétiques, déjà condamnées par l’Église dans Luther, Raius, Richer, Eybel et les membres du synode de Pistoie. Le pape défendait de lire, retenir, réimprimer ces ouvrages sous peine de suspense a divinis pour les clercs, d’excommunication majeure, encourue ipso facto, pour les laïques,

L’encyclique Quo graviora du 4 octobre 1833, adressée aux évêques de la province du Rhin-Supérieur, développait cette condamnation, et montrait dans l’indilférentisme religieux le principe de toutes ces erreurs.

Grégoire XVI eut à soutenir l’évêque de Rayeux dans sa lutte contre l’illuminé Michel Vintras, se disant inspiré de Dieu pour préparer l’avènement prochain