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GREGOIRE XVI


peler sont importants à signaler. Ils expliquent en partie l’attitude du pape et de ses conseillers devant les divers mouvements d’idées plus ou moins apparentés au libéralisme révolutionnaire.

Rapports avec les puissances.

Grégoire XVI rencontra

des difficultés non moins graves dans ses relations avec les divers gouvernements. La période de 1815 à 1830 avait été une période de bonne harmonie entre le Saint-Siège et les principales puissances. Le contre-coup de la révolution de Juillet va amener dans plusieurs États des troubles civils où l’Église sera plus ou moins endommagée, et dans d’autres une réaction absolutiste non moins défavorable au catholicisme.

1. Avec le Portugal.

C’est en Portugal que commencèrent les difficultés. La guerre civile vient d’éclater entre dom Pedro, qui se présente comme le portedrapeau des idées libérales, et dom Miguel, proclamé roi par le parti absolutiste et soutenu par le clergé. Grégoire XVI s’était efforcé de garder la neutralité la plus stricte. Ayant eu à régler avec dom Miguel des affaires de nominations épiscopales, il avait solennellement déclaré par la bulle Sollicitudo ccclesiarum (5 août 1831) que, « conformément à l’attitude de ses prédécesseurs, il entendait bien ne point porter un jugement sur les droits des personnes, au cas où plusieurs prétendants se disputent le pouvoir, par le fait qu’il entrait en rapport d’affaires pour les Églises d’une contrée, avec ceux qui y sont de fait en possession de pouvoir. » Mais quand dom Pedro eut définitivement vaincu son compétiteur (1833), il fit payer cher au clergé portugais l’appui qu’il avait prêté à dom Miguel. Il commença par ordonner au nonce pontifical de quitter Lisbonne dans les trois jours, supprima la nonciature elle-même et établit une commission chargée de prendre des mesures pour la réforme générale du clergé. La commission décréta la suppression d’un grand nombre de couvents, la confiscation de leurs biens, et le transfert à l’État de tous les anciens droits de patronage ; en même temps était proclamée la vacance des évêchés pourvus par le Saint-Siège d’accord avec l’ancien gouvernement. Dans une allocution consistorialc du 30 septembre 1833, Grégoire XVI protesta contre ces divers attentats aux droits de l’Église, déclara tous ces décrets nuls et de nul effet, mais ces protestations n’arrêtèrent pas dom Pedro, et le pape éleva de nouveau la voix au consistoire du 1 er août 1834, menaçant les coupables des peines prévues par les canons s’ils ne se hâtaient de venir à résipiscence. Dom Pedro mourut le 24 septembre suivant, et la reine doua Maria da Gloria, sa fille, continua pendant quelque temps sa politique. Toutefois on constata vers 1840 une détente dans les rapports entre le Portugal et le Saint-Siège ; la reine finit par reconnaître les évêques nommés par dom Miguel et à lever la défense de recourir à Rome pour obtenir les dispenses. Les relations diplomatiques furent reprises, et en 1842 le pape envoyait à la reine la rose d’or.

2. Avec l’Espagne.

Les choses se passèrent sensiblement de même en Espagne. La mort de Ferdinand VII (1833) fut le signal de la guerre civile entre les partisans de don Carlos, frère du roi défunt, et ceux de la régente Marie-Christine gouvernant au nom de sa fille Isabelle. Don Carlos ayant eu l’appui des conservateurs et du parti religieux, Marie-Christine se tourna vers les libéraux. Vainqueurs, ces derniers usèrent de représailles à l’égard de l’Église. Dès 1835, un décret royal supprimait tous les couvents, à l’exception de quelques congrégations enseignantes ou vouées aux missions, et mettait leurs biens à la disposition de l’État ; puis le clergé séculier était lui-même attaqué. Grégoire XVI ordonna au nonce apostolique de quitter Madrid, et protesta dans l’allocution consisloriale du

DU f. DE THÉOL. CATHOL.

1 er février 1836 contre les lois espagnoles qu’ildéclara nulles et de nul effet ; les relations diplomatiques furent rompues. Les Cortès modérées de 1839 ayant rapporté, du moins en partie, les mesures précédemment prises, des négociations furent renouées avec le Saint-Siège pour la provision des nombreux évêchés vacants en Espagne. Mais l’arrivée au pouvoir d’Espartero, qui prit la régence en 1840, compromit de nouveau ces résultats. Définitivement vainqueur des carlistes, Espartero aggrava toutes les mesures prises durant la guerre civile et fit conduire à la frontière le représentant du Saint-Siège. Dans l’allocution consistoriale du 1 er mars 1841, Grégoire XVI protesta avec véhémence contre ces divers attentats, et rappela soit au gouvernement espagnol, soit aux prêtres qui avaient osé entrer dans ses vues et prendre en main l’administration des diocèses vacants, toutes les censures qu’ils avaient encourues. La chute d’Espartero (1843) amena une détente dans les relations de l’Espagne avec le Saint-Siège. Proclamée majeure en 1843, Isabelle II confia le gouvernement à un ministère conservateur, les relations avec le Saint-Siège s’améliorèrent, les évêques et les prêtres exilés purent rentrer. En 1845, un ministre plénipotentiaire fut envoyé à Rome pour conclure un concordat, que signera Pic IX.

3. Avec la Suisse.

La révolution de 1830 avait provoqué en Suisse une agitation non moins vive. Aux conservateurs qui avaient gouverné de 1815 à 1830 succédaient, dans beaucoup de cantons, les radicaux les plus avancés, qui signalèrent leur arrivée au pouvoir par des mesures oppressives pour les catholiques. Le 20 janvier 1834, les délégués des principaux cantons, réunis à Baden, rédigèrent quatorze articles, inspirés des articles organiques français, mais qui exagéraient davantage encore la mainmise du pouvoir civil sur l’Eglise. Sous prétexte d’assurer l’indépendance religieuse de la Suisse, les articles de Baden n’allaient à rien moins qu’à supprimer l’autorité du pape dans ce pays ; en même temps ils prétendaient obliger les piètres, sous peine d’amende ou de prison, à assister aux mariages mixtes et à les bénir, décrétaient la suppression de certaines fêtes, dedivers jeûnes et de l’abstinence du samedi, réglementaient l’organisation et la direction des séminaires, instituaient une commission chargée d’examiner les jeunes clercs avant l’ordination, abolissaient l’exemption des couvents, et les soumettaient à la juridiction épiscopale. Grégoire XVI garda quelque temps le silence, espérant que les articles resteraient à l’état de projet ; mais le canton de Berne les ayant érigés en loi cantonale, le pape publia le 14 mai 1835 l’encyclique Commissum divinilus. Il y rappelait les principes relatifs à l’autorité de l’Église, la doctrine ecclésiastique sur la primauté du pape, montrait combien leur étaient opposés les articles de Baden et terminait par une condamnation solennelle : « Nous condamnons et voulons qu’on tienne pour perpétuellement réprouvés et condamnés les susdits articles, comme contenant des assertions fausses, téméraires, erronées, attentatoires aux droits du Saint-Siège, destructrices du gouvernement de l’Église et de sa divine constitution, soumettant le ministère ecclésiastique à la domination séculière, découlant de principes déjà condamnés, sentant l’hérésie et schismatiques. » C’est le plus grave réquisitoire qui ait été prononcé par la papauté contre les doctrines du gallicanisme d’État. Cette condamnation de Grégoire XVI, loin d’arrêter les entreprises des radicaux, leur fut une occasion d’aggraver les mesures de violence contre l’Église. Mais en même temps elle réveilla les catholiques, qui, dans les cantons de Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwalden, Zug, Fribourg et du Valais, finirent par expulser les radicaux du pouvoir. On sait que cette

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