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exemple, II, 19 ; IV, 39, Strasbourg, 1491. L’on pourrait encore ajouter, parmi les dissidents, Wyclif et Jean Huss et d’autres. Wyclif, De eucharistia traclalus major, édit. Loserth, dans les publications de la Wiclif Society, Londres, 1892, c. v, vii, etc., p. 129, 154, 163, 172, 173, 184, 221, etc. ; Huss, Super IV Sententiarum, édit. de Wenzel Flasjshans et Marie Kominkova, Prague, s. a. (après 1900), 1. IV, dist. III, 4 ; VIII, 7 ; XII, 3 ; XIV, 6 ; XV, 5, p. 530, 556, 577, 590, 596, etc.

Matières commîmes.

Ce qui est plus important

pour l’histoire de la théologie et même du dogme, à l’époque qui suit Gratien, est le développement que donnent les canonistes aussi bien que les théologiens à certaines matières théologiques. La haute situation faite au Décret de Gratien dans les écoles amenait nécessairement ce résultat : le maître commentait dans le Liber lextus les passages qu’il rencontrait ; par suite, la part faite au dogme se retrouve dans les gloses ou dans les commentaires, avec toute la différence d’étendue qui sépare au moyen âge le texte du commentaire. Il était difficile à un commentateur de passer à côté de longs traités, comme celui de l’eucharistie, sans leur ajouter quelque chose de son cru ; il en va de même pour beaucoup d’autres matières, comme on le verra bientôt. De plus, les habitudes de l’enseignement ecclésiastique à Bologne facilitent ce développement des sujets théologiques ; l’on passe d’une chaire à une autre ; au moins un certain nombre des maîtres de Bologne, qui suivent immédiatement Gratien, sont théologiens et canonistes, et ils laissent successivement une œuvre dans chacune des deux sciences sacrées : l’on peut citer parmi ces maîtres Roland Bandinelli (plus tard Alexandre III), qui, à côté de ses travaux canoniques, a fait un recueil de Sententiæ théologiques ; Ognibene, si l’identification faite par Denifle du canoniste et du sentencier se vérifie, en fait autant ; Gandulphe de Bologne, célèbre glossateur aux opinions fort arrêtées, s’occupe aussi de théologie et nous donne, à son tour, ses Sententiee, qui sont principalement un résumé de celles du Lombard ; Sicard de Crémone, outre son Mitrale liturgique, compose une Summa de droit canon et parle de ses dissertations théologiques, Mitrale, ni, 6, P. L., t. ccx, col. 117, qui ne nous sont point parvenues ; Lothaire de Segni, (plus tard Innocent III), cultive avec succès les deux sciences, à Paris comme à Bologne, et reste reconnaissant à ses anciens maîtres Huguccio et Pierre de Corbeil. Tout son traité De sacro allaris mysterio, P. L., t. ccxvii, col. 773-916, porte la trace de ces préoccupations, et donne son avis en maint endroit sur les questions scolaires discutées par les théologiens et les canonistes, surtout aux 1. II et IV, ibid., col. 851, etc. Les œuvres, autres que celles des canonistes proprement dits, mêlent du reste assez fréquemment les deux branches : sans nous attarder à diverses Sommes inédites de la fin du xiie siècle, il faut donner une mention à l’œuvre de Raoul l’Ardent, décrite par Grabmann, Geschichte (1er seholaslischen Méthode, t. i, p. 246-257, et située par Geyer, Radalfus Ardens und das Spéculum universelle, dans la Theologische Quartalschrijt, 1911, t. xem, p. 63-89 ; citons aussi un recueil anonyme de Sententiæ (Vatic, ras. 1345) qui voyage jusqu’à Sidon en Palestine et qui consacre cinq de ses dix-huit parties à des sujets juridiques ; la Gemma ecclesiastica de Giraud le Cambien, composée vers 1197, et dédiée à Innocent III qui la lit avec intérêt, donne à la théologie, non moins qu’au droit canon, une part importante.

D’autres fois, sans être officiellement doublé d’un théologien, le maître en droit canon fait une large place aux doctrines théologiques et donne même à divers chapitres de son exposé une allure théologique beaucoup plus que canonique. C’est le cas, par exemple, pour Etienne de Tournai († 1203), comme l’avait déjà fait

remarquer von Schulte, Die Geschichte der Quellen und Literatur des canonischen Rechls, t. i, p. 135, et, cette fois, la lecture de la Summa d’Etienne confirme parfaitement ce jugement : nous y trouvons marne quelques bons renseignements sur les avis des maîtres contemporains en théologie, Die Summa des Stephanus Tornacensis liber das Dccrclum Graliani, édit. von Schulte, Giessen, 1891, p. 273, et passim. Du reste, même chez d’autres auteurs, plus strictement canonistes, la mention d’opinions théologiques, avec l’indication des auteurs qui les soutiennent, n’est nullement une exception ; en ce point, Huguccio, le principal glossateur du Décret († 1210), ne fait nullement exception, bien qu’à son sujet von Schulte cite des noms qui n’ont pas tous été retrouvés dans l’œuvre du grand canoniste. Op. cit., p. 165, n. 27. Sans doute, divers auteurs se refusent à faire entrer dans leurs traités des matières qu’ils regardent plutôt du domaine de leurs voisins : tels, chez les canonistes, Roland, qui supprime le De pœnilenlia, Die Summa Magistri Rolandi, édit. Thaner, Inspruck, 1874, p. 193 ; Simon de Bisiniano (inédit), voir von Schulte, Zur Geschichte der Litcratur liber das Dekret Grattons, dans les Sit : un<jsberichle der k. Akademte der Wissenschaflen, de Vienne, Philos. -histor. Klasse, 1870, t. lxiii, p. 330 ; Sicard de Crémone (inédit), voir von Schulte, ibid, , p. 352, etc. D’autres fois, c’est une question tout entière qu’on laisse à l’examen soit des théologiens, soit des canonistes, comme le fait Sicard, von Schulte, ibid., p. 252, à propos de l’eucharistie, ou Pierre de Poitiers, à propos de l’ordre et d’autres sacrements. Sentent » , I. V, 14, P. L., t. ccxi, col. 1257.

Mais, en somme, le cas est plutôt exceptionnel, et les mêmes matières continuent à être traitées par les deux séries d’auteurs. Il régne, à ce moment-là, une hésitation assez singulière à propos du sens même du mot theologla ; tantôt, l’on oppose nettement les matières canoniques et les matières théologiques : examlnl Iheologico reliquimus, comme le dit Sicard, loc. cit. ; ou : in Sententiis reservamus, selon l’expression de Roland, loc. cit. ; tantôt on range le droit canon parmi les sciences théologiques, comme le montrent les exemples de Rufin ou de ses contemporain ;. Une somme qui débute à peu près comme celle de Paucopalea, dit : inter cèleras theologiæ disciplinas, sanctoriun Patrum décréta et conciliorum stalula non postremumobtinent locum. Maassen, Paucapalea, Ein Beitrag zur Litteraturgeschichte des canonischen Rechls im Mittelalter, dans les Siztungsberichte déjà cités de Vienne, 1859, t. xxxi, p. 505. Rufin, ou un de ses copistes, reconnaît que tout l’ouvrage de Gratien est un traité de théologie complet : Summam quamdam totius théologien’paginée contineri in hoc libro, née hune librum perfecte scienti déesse posse universilatis sacræ paginée nolitiam. Préface de Rufin, dans la recension amplifiée du manuscrit de Gœttingue, von Schulte, Die Geschichte der Quellen, etc., p. 249 ; voir Singer, Die Summa Decrelorum des Magister Ruflnus, Paderborn, 1902, p. cxlii-cxliv.

Par suite même de cette habitude, l’on peut prévoir déjà que les rapports entre les deux sciences s’affirment surtout parle développement des matières communes : c’est dire que, pour faire l’histoire des doctrines théologiques, il y a lieu d’avoir continuellement l’œil ouvert sur les écrits des canonistes. L’on rencontre chez eux un bon nombre d’assertions dites en passant, ou d’exposés systématiques, qui peuvent rendre service à l’histoire des doctrines. Parfois, ils fournissent des renseignements sur des sujets qui semblent, à première vue, assez étrangers aux préoccupations des juristes : citons, comme exemple, les idées d’Huguccio et d’autres sur l’immaculée conception de Marie. Sur d’autres matières, comme la valeur de l’argument d’autorité, la force probante des textes bibliques et diverses questions de principe, ils émettent des affirmations précieuses.