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retenir dans la pratique l’imposition des mains, avec l’invocation du Saint-Esprit ; Gratien ne parle pas des instruments. Voir J. de Ghellinck, Le traité de Pierre Lombard sur les sept ordres ecclésiastiques, ses modèles, ses copistes, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 1910, t. xi, p. 32-39. C’est un des points où les anciens rapports entre la théologie et le droit canon auraient dû amener les théologiens à jeter un regard sur le domaine de leurs confrères.

Dossier palristique.

Une autre matière d’échanges

entre le droit canon et la théologie est celle des textes patristiques et de la méthode qui préside à leur utilisation. L’identité ou la ressemblance des questions abordées amenait nécessairement cet échange de bons procédés ; l’on indiquera rapidement ici les principaux points de vue qui intéressent la période d’élaboration de la codification théologique. Il est permis de dire sans exagération que les œuvres de systématisation théologique ont pris pendant longtemps comme dossier patristique les anciennes collections canoniques ; mais il ne faudrait pas étendre ce rôle des recueils canoniques jusqu’à exclure toutes les autres sources de documentation patristique. La Glossa de Walafrid Strabon continue à alimenter la théologie, et les citations de la patristique grecque des six premiers siècles, chez Pierre Lombard et d’autres, lui viennent habituellement par ce canal. Le Sic et non d’Abélard qui, du reste, n’est pas indépendant des collections canoniques, est un autre répertoire qui eut son heure de succès. Puis, sur des sujets spéciaux, des ressources patristiques précieuses sont fournies aux théologiens par les opuscules de Pierre Damien sur les sacrements des indignes, à l’époque des investitures, par les traités eucharistiques de Paschase Radbert, de Lanfranc, de Guitmond d’Aversa et d’Alger de Liège, par les Colleclanea de Pierre Lombard sur les psaumes et sur saint Paul ; l’on doit reconnaître aussi chez quelques théologiens, comme le Magisler, la lecture personnelle de saint Augustin. Mais, même après ces restrictions, la part de documentation théologique qui revient aux collections canoniques est encore considérable. La preuve s’en trouve dans les aveux de divers théologiens, comme l’auteur des Sententiæ divinilalis : Dicitur enim in canonibus, à propos d’un texte de saint Jérôme, édit. Geyer, dans les Beilrùge zur Gcsehichle der Philosophie des Mittelallers, Munster, t. vii, p. 119, ou comme Hugues de Saint-Victor : Sicut sacri canones deftniunt, De sacramentis, 1. II, part. VII, 4, P. L., t. clxxvi, col. 461 ; ou comme Geolîroi de Clairvaux, à propos de Gilbert de la Porée. Lettre au cardinal d’Albano, n. 6, P. L., t. clxxxv, col. 591.

L’étude comparée des textes des théologiens et des collections canoniques fournit une preuve nouvelle : c’est surtout la Panormia d’Yves de Chartres qui sert d’arsenal aux théologiens ; Alger de Liège y puise pour ses Sententiæ ; Abélard pour son Sic et non ; Hugues de SaintVictor pour son De sacramentis ; l’auteur de la Summa Sententiarum en fait autant, ainsi que celui des Sententiæ divinitatis, et celui des Sentences du manuscrit de Sidon (inédit, manuscrit du Vatican 1345). Voir Hiifïer, Beitrage zur Gcsehichle, p. 34, 35, etc. ; P. Fournier, Les collections canoniques attribuées à Yves de Chartres, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, 1897, t. lviii, p. G51, 656, 661, etc. ; Geyer, op. cit., p. 36 ; J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 312-316. Auparavant Anselme de Lucques, pour citer un des plus importants recueils grégoriens, avait largement documenté Bernold de Constance et d’autres. J. de Ghellinck, Theological lileralure during the investiture struggle, dans The Irish theological quarlerly, 1912, t. vii, p. 340-341.

Nulle part, peut-être, cette utilisation des ouvrages canoniques pour la documentation textuelle n’est plus

visible que chez le contemporain de Gratien, Pierre Lombard. A peine le Décret est-il terminé que le Magisler sententiarum recourt aux trésors d’information patristique que contient cette collection. Les études détaillées poussées sur ce terrain ont même contribué à fixer définitivement le rapport chronologique des deux œuvres ; nombre de textes, même en dehors du De consecralione et du De pœnilenlia, ont passé de Gratien chez Pierre Lombard. Voir l’édition annotée de Quaracchi, S. Boncwenturse Opéra omnia, 1882-1889, t. i-iv ; Baltzer, Die Sentenzen des Petrus Lombardus, dans les Sludien zur Gcsehichle der Théologie und der Kirchc, Leipzig, 1902, t. vin.

3° Harmonisation des « auetoritates » en cas de divergence. — Outre sa documentation patristique, la théologie doit au droit canon, à l’époque de l’élaboration des premiers recueils systématiques, une partie de sa méthode d’interprétation en cas de divergence dans les textes. Mais tandis que, dans les matières précédentes, le droit canon était le grand fournisseur, ici s’établit tout un service de prêts et d’emprunts qui, en fin de compte, rend les canonistes débiteurs de la théologie. Le conflit des auetoritates, ou ces oppositions apparentes des textes patristiques ou scripturaires, n’était pas nouveau du reste. A un moment ou le principal travail se réduisait à la compilation, la juxtaposition de ces textes, dans l’ordre méthodique des matières, devait faire apparaître ces dissonances dans toute leur acuité. Les idées médiévales contribuaient à rendre le conflit plus délicat : une haute considération entourait toujours les auteurs sacrés ou profanes, déclarés authenlici, canonici ; l’on allait même jusqu’à orner d’une auréole un certain nombre d’entre eux, que l’on croyait éclairés par l’Esprit-Saint. De là, des difficultés fort graves auxquelles se heurtait la tâche de l’harmonisateur ; tous, théologiens et canonistes, depuis l’auteur de la Colleclio Hibernensis et Hincmar jusqu’à Bernold de Constance, Yves, Abélard et Alger de Liège, avouent sans détour la situation embarrassée où ils se trouvent et cherchent le moyen d’y remédier ; au début du xiie siècle, le travail de l’harmonisation aboutit à faire créer une formule qui aura du succès : non sunt adversi sed diversi, dit-on ; d’Anselme de Laon, elle passe à Abélard, à Gerhoch et à Arnon de Reichersberg, à Hugues Métel, à Robert de Melun, etc. Cela n’empêche pas toutefois Gratien de donner comme titre à son œuvre une expression antithétique, qui énonce le mal à côté du remède, Discordant ium canonum concordia, jusqu’à ce que le nom de Decretum, plus court, finisse par supplanter ce premier titre. Les glossateurs subséquents, Paucapalea, Roland, etc., insistent beaucoup sur ce but de conciliation qui préside au travail de Gratien ; pour les preuves de ce qui est dit ici en résumé, voir de Ghellinck, op. cit., p. 317-326.

Parmi les essais d’harmonisation, il faut citer ceux qui mettent en relief les rapports de la théologie et du droit canon aux siècles de leur élaboration originelle : ils se rattachent aux noms d’Isidore de Séville, de Bernold de Constance, d’Yves de Chartres et finalement d’Abélard, dont le procédé sera immédiatement mis en pratique par les représentants les plus classiques des deux sciences.

D’après Isidore, il faut donner la préférence à celui des synodes : Cujus anliquior aut polior exslal auctorilas. Episl., iv, 3, P. L., t. lxxiii, col. 901. Ce principe que Dôllinger reproche aux grégoriens, Der Papsl und das Concil, von Janus, Leipzig, 1869, p. 107 sq., auquel renvoie Harnack Dogmengeschichle, 4e édit., Leipzig, 1910, t. iii, p. 350, n. 1, est répété avec des applications diverses par la Collection irlandaise, par Alcuin, Raban Maur, la Prisca canonum colleclio de Mai, Burchard de Worms, Anselme de Lucques, Yves de Chartres, le cardinal Grégoire (Polycarpus), Deusdedit (pro-