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GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE


l’année jubilaire, la distinction entre les aliments purs et impurs, etc. Le Liber ex lege Moysi est une brève série de textes extraits du Pentateuque, faite en Irlande au viii c siècle ; il faut y ajouter les Canones Adamnani qui comprennent des interdictions alimentaires, et une petite collection sur les dîmes, De decimis et primogenitis et primiiivis in lege. le tout d’inspiration hébraïque.

Les pénitentiels nous font connaître un régime singulier, qui prit naissance chez les Celtes, d’où il se répandit chez les Anglo-Saxons et sur le continent. C’est celui de la pénitence tarifée, suivant lequel une pénitence en rapport avec la gravité de la faute est imposée au pécheur par le ministre du sacrement d’après des tarifs d’oeuvres satisfactoires contenus dans des opuscules appelés pénitentiels. Pour les crimes les plus graves : inceste, parricide, parjure, etc., ces tarifs prescrivent soit l’exil, soit la réclusion dans un monastère pendant un temps plus ou moins long ; pour les fautes d’une gravité moindre, la satisfaction consiste en des jeûnes plus ou moins prolongés, des prières, des flagellations, des aumônes. On y trouve aussi le système des équivalences et commutations d’oeuvres satisfactoires, qui portaient le nom d’arrea, du vieil irlandais arra, équivalent, substitution. Un curieux traité sur les arrea, rédigé en vieil irlandais vers le viiie siècle, donne ces arrea comme applicables aux âmes des trépassés.

Les plus anciens pénitentiels paraissent originaires de la Bretagne celtique, comme l’indiquent leurs titres et aussi plusieurs particularités de leur contenu. Ce sont les Excerpla queedam de libro Davidis, les canons du Synodus Aquilonalis Britanniæ, l’Altéra synodus Luci Vicloriæ, la Prsefatio de pœnilenlia du pseudo-Gildas, tous probablement du vie siècle, et les Canones wallici, sans doute de la première moitié du vii e. Le plus ancien pénitentiel irlandais est un recueil du vie siècle placé sous le nom d’un certain Vinniaus. Les pénitentiels postérieurs, celui de Colomban et celui de Cummian, ce dernier du viie ou du viiie siècle, en procèdent largement.

5° On peut rattacher à l’histoire le livre De excidio Britanniæ, composé par Gildas le Sage, personnage énigmatique qui fut, dit-on, moine de Bangor et fondateur du monastère de Bhuys en Bretagne. C’est une invective continuelle contre le peuple breton, ses rois et son clergé, un réquisitoire brutal évidemment exagéré.

Nous pourrions dresser une longue liste d’auteurs à consulter, mais nous croyons préférable de renvoyer au livre de dom Louis Gougaud, Les chrétientés celtiques, Paris, 1911, ouvrage indispensable à quiconque désire étudier ces questions. On y trouvera une biographie classifiée très complète.

II. Période anglo-saxonne.

Nous n’avons pas à raconter ici comment l’Église cette fut refoulée dans le pays de Galles par les invasions anglo-saxonnes ; les grands monastères qui étaient en même temps des écoles de savoir demeurèrent dans ce pays, et plus tard, lorsque les envahisseurs furent devenus chrétiens, nous les voyons demander à ceux qu’ils avaient repoussés la science dont ils étaient devenus avides. Les étudiants saxons se pressaient dans les écoles celtiques, soit dans le pays de Galles, soit en Irlande, où ils étaient si nombreux qu’Aldhelm, évêque de Sherborne, s’en plaignait, car, disait-il, ils trouveraient d’aussi bons maîtres en Angleterre. En effet, les moines romains qui avaient converti les Anglo-Saxons furent pour eux des éducateurs. Sous l’impulsion de saint Augustin et de ses successeurs, ainsi que des évêques des autres sièges et d’abbés comme Benoît Biscop, des écoles furent fondées en différents endroits, qui rivalisèrent avec les écoles cettes.

Un nom éclipse tous les autres pendant cette période,

c’est celui de Bèdc. Cet humble moine, qui aurait pu être original, ne voulut pas l’être ; il se contenta de n’être qu’un compilateur intelligent, pensant qu’il était plus utile de sauver la pensée des autres à une époque où toutes les traditions classiques et littéraires étaient menacées de périr. Il fut comme une sorte de réservoir de toutes les connaissances antérieures, et ce fut grâce à lui que le flambeau de la science se ralluma dans l’école d’York qu’il fonda, et illumina le continent où il fut porté par Alcuin. S’il ne peut prétendre au premier rang comme exégète et théologien, par son histoire d’Angleterre et ses biographies il s’est mis à la tête des historiens et annalistes du moyen âge. Ces quelques remarques suffiront ici ; la vie et les œuvres du grand moine ont été décrites, t. ii, col. 523.

Avant lui nous n’avons à citer qu’Aldhelm, évêque de Sherborne, voir t. i, col. 393, dont le style de mauvais goût recouvre une inspiration élevée et vraiment chrétienne, et son élève saint Boniface, voir t. ii, col. 1005, qui par sa carrière de missionnaire appartient à l’Allemagne, mais qui est anglo-saxon par sa naissance et son éducation. Il ne faut pas oublier le moine bouvier Ccedmon, de Whitby (vn c siècle), qui, dans ses traductions et amplifications en vers de la Bible, nous a laissé un des plus anciens et des plus intéressants monuments de la langue anglo-saxonne.

Après Bède, nous rencontrons d’abord son disciple Egbert, archevêque d’York de 735 à 766, qui fonda en sa ville épiscopale une école célèbre, et qui nous laissa un Pontifical, précieux monument de la liturgie au ixe siècle, un Dialogue sur l’institution catholique, et un Pénitentiel fort intéressant pour l’histoire du droit canon. De l’école d’York sortit Alcuin, qui la dirigea avant de passer au service de Charlemagne. Voir t. i, col. 687.

Les moines que nous venons de nommer, aussi bien que les évêques saxons, étaient d’intrépides collectionneurs de manuscrits, et les bibliothèques monastiques d’Angleterre devinrent fort riches. Les moines eux-mêmes travaillèrent à les enrichir par la copie et l’entuminure des manuscrits. Plusieurs précieux manuscrits de la Bible nous viennent des monastères cettes et anglo-saxons de cette époque ; nous ne mentionnerons que le codex Amiatinus, le plus ancien de ceux qui contiennent la Vulgate complète, écrit à Wearmouth au vme siècle sous la direction de l’abbé Ceolfrid, élève de Benoît Biscop et maître de Bède.

Nous ne saurions passer sous silence le roi Alfred le Grand (871-900), qui, après avoir délivré son peuple des Danois, travailla à le relever de la barbarie où l’avait plongé la destruction des monastères par les envahisseurs. Il sut s’entourer d’hommes instruits qu’il fit venir des pays étrangers, et avec leur aide traduisit du latin en anglo-saxon les ouvrages qui lui parurent le plus propres à former l’éducation de son peuple. Ce sont : la Régula pastoralis de saint Grégoire, l’Histoire de Paul Orose, YHisloire ecclésiastique du vénérable Bède, la Consolation philosophique de Boèce ; de plus, il paraît à peu près démontré aujourd’hui que la première idée et même l’exécution de la Chronique saxonne remonte à lui. C’était le premier essai d’une histoire nationale dans la langue nationale.

Il y eut d’ailleurs d’autres chroniqueurs, comme Asser († 909) à qui on attribue, outre la Vie d’Alfred, une chronique d’Angleterre depuis Jules César, et yEthelweard († 974), qui écrivit aussi une chronique très fidèle.

Les invasions danoises avaient aussi relâché les liens de la discipline. Parmi les réformateurs, nous devons mentionner saint Dunstan, archevêque de Cantorbéry, voir t. iv, col. 1947, et son ami ^Ethelwold, abbé d’Abingdon, puis évêque de Winchester, qui traduisit la règle de saint Benoît en anglais, et composa unecon-