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GRACE


lement en l’acte d'élection, le choix du libre arbitre. Concordiez, disp. XII, XXXVI, XXXVII, XL, XLV,

p. 55, 206, 208, 230, 256. D’où il résulte qu’entre la grâce efficace et la grâce seulement suffisante, il n’y a aucune différence entitalive, ni essentielle, ni qualitative, ni quantitative (ou d’intensité) ; il en résulte encore que, si deux hommes sont influencés par une grâce prévenante égale, il pourra se faire que l’un se convertisse et que l’autre ne se convertisse pas ; même il est possible qu’un homme se convertisse avec un secours inférieur à celui qui est accordé à un autre homme qui ne se convertit pas. Concordia, disp. XII, p. 51 ; XXXIX, p. 222. Cf. Lessius, Opusc. De gratia efficaci, c. xviii, n. 7. L’infaillibilité de la connaissance divine concernant l’eflicacité de la grâce provient de la science moyenne par laquelle Dieu, antérieurement à tout acte libre de sa propre volonté, connaît quel sera le choix de toute volonté libre placée dans des conditions déterminées. Concordia, disp. LUI, m. iii, p. 364 sq.

b) Les arguments sur lesquels s’appuie ce système sont principalement l’existence de la liberté sous l’influence de la grâce actuelle et, en particulier, l’expression de cette vérité contenue dans le décret du concile de Trente : il y est dit que l’homme peut librement recevoir et rejeter l’inspiration divine, qu’il peut librement y consentir et y refuser son consentement. Denzinger-Bannwart, n. 797, 814. Quant à la connaissance divine, ce qu’on appelle science moyenne est celle qui a pour objet les actes libres qui seraient réalisés si une condition se vérifiait qui cependant ne se vérifiera jamais. L’existence de cette connaissance en Dieu se démontre par le texte : « Malheur à toi, Corozaïn 1 Malheur à toi, Bethsaïde 1 Car si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu’elles auraient fait pénitence sous le cilice et la cendre. » Matth., xi, 21. Quant au mode d’après lequel Dieu connaît cet objet, Molina assigne la perfection infinie de Dieu qui, dans son essence, voit toutes les déterminations possibles de toutes les volontés possibles. Concordia, disp. XLIX, L, LU, p. 289, 303, 317, 330.

2. Critique.

o) L’explication proposée concernant le concours général divin nie toute prémotion physique et, d’après ce que nous avons exposé plus haut, est inadmissible. Le concours simultané, appliqué à l’ordre surnaturel, n’explique pas comment un acte vital puisse être intrinsèquement surnaturel dans l’homme qui n’a pas les vertus infuses.

L’eflicacité attribuée à la grâce elle-même, quand on parle de grâce efficace, est attribuée par Molina, non à la grâce, mais au libre arbitre et dès lors la causalité de la grâce semble ne pas atteindre le terme auquel elle est ordonnée, c’est-à-dire l’acte, libre.

La science moyenne, qui doit être admise en Dieu si l’on ne considère que l’objet spécial qui lui est assigné, c’est-à-dire les futuribles, n’est pas suffisamment démontrée si l’on considère le mode de celle connaissance, notamment ce qui est en Dieu le médium objectivum dans lequel il perçoit les futuribles.

b) Quant aux arguments, l’existence du libre arbitre doit être maintenue et elle est parfaitement sauvegardée dans le système de Molina. Le P. Guillermin, Revue thomiste, 1902, t. x, p. 66, écrit très judicieusement : « Avouons-le sans détour : l’avantage du molinisme est de présenter sur notre responsabilité dans le péchéune explication en apparence très simple et qui dégage facilement la responsabilité de Dieu. Ce n’est pas, comme certains se l’imaginent, que le molinisme ouvre plus abondantes les sources de la miséricorde et de la grâce divines et qu’il propose une grâce suffisante plus agissante. Non. C’est, au contraire, parce qu’il demande moins de Dieu et qu’il laisse davantage à la

DICT. Dli THÉOL. CATHOL.

part de l’homme. Quand Dieu a concouru à susciter en notre âme les connaissances et les impulsions indélibérées, il a fini sa tâche. A l’homme maintenant d’achever l'œuvre, en ajoutant son consentement, comme aussi, en ne l’ajoutant point, de rendre la grâce vaine et stérile. » De plus, l’explication de Molina est plus conforme que les autres au texte du concile de Trente, sess. vi, c. v, Denzinger-Bannwart, n. 797, 814, où il enseigne que l’homme peut et consentir à l’excitation divine et n’y pas consentir ; c’est en consentant qu’il coopère à l’excitation divine. C’est donc à une même grâce que l’homme peut librement consentir ou refuser le consentement ; dès lors à la grâce suffisante il ne faut ajouter que le consentement libre pour que la grâce soit efficace ; la notion de celle-ci n’implicque donc pas une grâce spécifiquement ou numériquement distincte de la grâce suffisante. Pour ce qui concerne la science divine, la connaissance qui a pour objet les futuribles est affirmée dans le texte de Matth., xi, 21, mais de cette assertion on ne peut tirer aucune conclusion concernant le mode dont cette connaissance se réalise en Dieu.

Doctrine de Banez et de son école.

1. Exposé. —

a) Elle enseigne, comme nous l’avons déjà dit, ejuc la grâce actuelle consiste essentiellement en une motion surnaturelle qui se termine à un acte vital d’intelligence ou de volonté. Mais il faut distinguer deux espèces de grâces actuelles : l’une qui a pour terme l’acte indélibéré, c’est la grâce excitante ; l’autre qui a pour terme l’acte délibéré de la volonté, l’acte du consentement à l’excitation divine, c’est la grâce adjuvante. Il y a donc une différence réelle et intrinsèque entre la grâce excitante et la grâce adjuvante. Remarquons cependant qu’il y a connexion entre l’influence morale, exercée par les actes indélibérés, et l’acte délibéré ; il serait erroné de penser que la grâce adjuvante est infuse à la volonté, indépendamment des dispositions réalisées par les actes indélibérés. De plus, il importe de noter encore que « la grâce efficace prise dans sa totalité ne consiste pas dans un don unique et simple qui par lui seul obtienne tout l’effet, par exemple, l’acte salutaire de foi et de charité. Non. Pour que cet acte soit effectivement posé, il faut le concours de plusieurs choses, de plusieurs grâces partielles, sans lesquelles le libre arbitre ne pourrait jamais le produire : grâces extérieures de prédication, d'événements, de faits impressionnants…, illuminations intérieures de l’intelligence, souvenir des bienfaits de Dieu, pieuses émotions de la volonté, etc. Cependant toutes les grâces extérieures ou intérieures n’aboutiraient à rien si, finalement, la volonté ne se déterminait à produire l’acte salutaire. Or, pour procéder à cet acte, elle a besoin d’une motion subjective actuelle… » Guillermin, Revue thomiste, 1902, t. x, p. 382 sc[. C’est précisément cette dernière impulsion qui est appelée grâce efficace. Dans le système de Banez, cette dernière impulsion consiste précisément dans une prédétermination physique de la volonté à l’acte délibéré, c’est une entité physique, transitoire, infuse par Dieu dans la volonté et elle a pour fonction de faire physiquement que la volonté veuille hic et ruine consentir à la grâce excitante. Donc la grâce excitante est la même que la grâce suffisante, et la grâce efficiente est la même que la grâce adjuvante. La grâce efficace est donc une entité numériquement et spécifiquement distincte de la grâce sullisante, et elle doit nécessairement y être ajoutée pour cpi’il y ait consentement libre. D’après cela, la grâce est intrinsèquement efficace (efflcax ab intrinseco) : quand l’homme consent, ce n’est pas lui qui rend efficace la grâce, mais son acte est un signe qu’il a eu la grâce efficace. Il en résulte encore que, si l’on compare entre elles la grâce suffisante et la grâce efficace, on peut dire que la grâce suffisante est celle qui confère

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