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GRACE

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Wesen der Gnade bei Alexander Halesius, Leipzig, 1905, p. lu sq. Cf. Albert le Grand, Summa iheologiæ, part. II, tr. XVI, q. xcviii, m. i. Ils en étudient l’essence. Ils en recherchent le pourquoi, la raison d’êlre ; celle-ci se déduit de la connaissance d’autres vérités : nous avons ainsi, pour confirmer la thèse de l’existence de la grâce, les arguments de raison théologique : ils consistent en ce que d’une vérité révélée, au moyen d’une autre prémisse non révélée, on conclut à l’existence de la grâce. Nmis indiquerons trois arguments de ce genre, et nous voulons directement démontrer la réalité de l’influence surnaturelle de Dieu en l’âme.

1. Argument tiré de la fin dernière surnaturelle. — L’homme est appelé à posséder Dieu surnaturellement par la vision béatifique ; or l’homme doit tendre à cette lin par ses propres actes et ceux-ci doivent être proportionnés à la fin qu’ils doivent obtenir ; pour que ces actes soient proportionnés à cette fin, il faut qu’ils soient surnaturels ; pour que ces actes puissent être surnaturels, ils doivent provenir d’un principe surnaturel, par conséquent d’une forme surnaturelle, infuse dans l’âme. Cet argument est précisé par cette considération qu’obtenir sa fin dernière est, pour l’homme, la mériter : un acte n’est formellement et adéquatement méritoire (aclus mcrilorius de condigno) que pour autant qu’il est intrinsèquement proportionné au bien auquel il donne droit, à la récompense qu’il exige : pour qu’un acte soit intrinsèquement proportionné a la vision béatifique, il faut qu’il soit intrinsèquement surnaturel, par conséquent, intrinsèquement surnaturalisé par un principe surnaturel dont il procède. Il faut donc qu’à la nature humaine soit surajoutée une forme qui soit principe d’opération surnaturelle. Cet argument est indiqué par Pierre Lombard, Sent., 1. II, dist. XXIV, c. i ; développé par Alexandre de Halès. Summa theologica, part. III, q. lxix, m. v, a. 2 ; cf. Heim, op. cit., p. 59 sq. ; par Albert le Grand, Summa Iheologiæ, part. II, tr. XVI, q. xcviii, m. n ; par saint Thomas d’Aquin, In IV Sent., 1. II, dist. XXVIII, q. i, a. 1 ; Summa cont. yent., . III, c. cli ; De virtutibus in communi, q. i, a. 10 ; Sum. theol., I a IF’, q. cix, a. 2, 5. C’est là une doctrine constante et, on peut dire, fondamentale chez saint Thomas.

2. Argument tiré de la bienveillance spéciede de Dieu à l’égard de l’homme juste. — Saint Bonaventure, In IV Sent, 1. II, dist. XXXVI, q. i, a. 1, Opéra omnia, Quaracchi, t. n. p. G31, expose très clairement cette démonstration : Dieu est juge équitable ; il ne donne approbation et bienveillance que pour autant que l’homme est réellement digne d’approbation et de bienveillance ; s’il approuve et a pour agréable un homme de préférence à l’autre, c’est que dans le premier il y a un bien, un don, qui n’existe pas dans l’autre. Cette considération est expliquée de la manière suivante : la connaissance divine ne peut être en défaut ; par conséquent Dieu ne juge l’un meilleur que l’autre, sinon parce que le premier a en lui une réalité, cjui le rend digne d’approbation, et qui ne se trouve pas chez l’autre. La bienveillance divine n’est pas une affection nouvelle, qui surgit et est causée en Dieu, mais c’est la production d’un effet, et par conséquent il y a un efïet produit dans celui qui est le terme de la bienveillance divine. Saint Bonaventure ajoute : la volonté divine, en tant qu’elle donne son approbation, ne subit aucun changement ; dès lors, quand quelqu’un commence à être l’objet de l’approbation ou de la bienveillance divine, c’est en lui qu’a dû se produire un changement ; ce changement mlient être qu’un don reçu de Dieu : par conséquent ce par quoi un homme est agréable à Dieu, la grâce, est une réalité infuse par Dieu en l’homme. Saint Thomas, Sum. theol., I a IF’, q. ex, a. 1, expose le même argument : il fait ressortir explicitement la différence entre l’amour qui est dans la créature et

l’amour qui est en Dieu ; l’amour, qui est en la créature, est causé en elle par un bien préexistant ; l’amour qui est en Dieu, est lui-même cause du bien qui est le terme de cet amour. C’est pourquoi toute dilection en Dieu a pour conséquence un bien produit dans la créature. La dilection spéciale de Dieu à l’égard de la créature raisonnable élevée à l’ordre surnaturel produit en elle un don surnaturel. Cf. In IV Sent., ]. II, dist. XXVI, q. i, a. 1 ; Summa cont. gent., 1. III, c. clv ; De veritale, q. xxvii, a. 1 ; Bellarmin, De justificatione impii, 1. II, c. ni, n. 26, 31, 32.

3. L’existence de la grâce est confirmée par le dogme du péché originel. D’après la doctrine de l’apôtre, Boni., v, 12 sq., définie au concile de Trente, Denzinger-Bannwart, n. 787 sq., tous les hommes qui naissent d’Adam (à moins qu’un privilège ne les en exempte) sont, par le seul fait de leur origine, constitués pécheurs devant Dieu, sujets d’une culpabilité originelle. D’après le principe indiqué ci-dessus, Dieu, dont la connaissance est infaillible, ne peut pas considérer comme coupables ceux qui ne le sont pas : il faut que chez les enfants il y

ùt réelle culpabilité. Celle-ci ne peut pas être constituée

en eux par un acte moral mauvais, ni être un habitus résultant d’une faute personnelle. Cette culpabilité ne peut donc être que la privation d’une perfection qui ordonnerait positivement l’âme vers Dieu. Mais cette perfection ne peut pas être purement naturelle, car la nature humaine, telle qu’elle se trouve chez les enfants, n’est pas essentiellement viciée et elle possède les facultés requises pour que l’homme tende naturellement à Dieu ; ces facultés sont l’intelligence et la volonté. Dès lors le péché originel ne se conçoit que par la privation d’une perfection surnaturelle, d’une perfection qui, ajoutée à la nature, ordonne habituellement et positivement celle-ci vers Dieu. Il faut donc que, dans l’ordre actuel de la providence, un don surnaturel ait été accordé, en Adam, à la nature humaine un don surnaturel dont la privation constitue précisément ce désordre moral, cette culpabilité, qui est le péché originel. Celui-ci peut maintenant encore être enlevé de l’âme des enfants, notamment par le baptême, qui rend les hommes justes et saints, en produisant en eux la perfection réelle qui constitue la sainteté surnaturelle. Cette explication de l’essence du péché originel est celle de saint Thomas. Sum. theol., D IF’, q. lxxxi sq. Cf. I a, q. xcv ; card. Billot, De pcrsonali et originali peccato, Prato, 1910, p. 177 sq. Saint Thomas, dans ses premières œuvres, avait admis l’opinion de Pierre Lombard d’après laquelle le premier homme n’avait reçu, au moment de la création, que des dons préternaturels, et non la grâce sanctifiante, gralia grulum faciens : celle-ci, dès lors, n’était pas un élément constitutif de la justice originelle. mais plus tard saint Thomas a rejeté cette explication et a enseigné que la gralia gralum faciens était un élément constitutif, et le principal, de la justice originelle. Cf. de Bæts, De ralione et naturel peccati originedis, Louvain, 1899, p. 19 sq.

Définitions de l’Église.

 II en est deux qui concernent

la grâce sanctifiante : le concile de Vienne (1311-1312) déclare plus probable le sentiment qui tient qu’au baptême tous les hommes, aussi bien les enfants que les adultes, reçoivent la grâce informante (gratiam informanlem) et les vertus. Denzinger-Bannwart, n. 410. La controverse ne portait pas sur l’existence de la grâce informons, mais sur le point de savoir si elle était donnée ainsi que les vertus aux enfants. Le concile suppose la croyance à l’existence de la gralia informons et confirme cette conviction. Le concile de Trente, sess. vi, c. vii, définit que « la justification ne consiste pas seulement dans la rémission des péchés, mais encore dans la sanctification et rénovation de l’homme intérieur par la réception volontaire (chez les adultes) de la grâce et des dons… L’unique cause formelle de cette