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GOUVERNEMENT ECCLESIASTIQUE


3° Erreurs de ceux qui voudraient jaire du gouvernement ecclésiastique une simple aristocratie sans aucun chef suprême. — Tel est le sentiment de plusieurs sectes qui, séparées de la véritable Église, gardent, néanmoins, une certaine hiérarchie, et affirment que l’Église catholique se compose des diverses Églises nationales, qui ont leurs évêques et leur clergé, mais ne reconnaissent pas la primauté du souverain pontife. Ces Églises, ainsi séparées du centre de la catholicité, se prétendent égales entre elles, et sur le même pied que l’Église romaine. Elles affirment appartenir aussi bien que celle-ci au bercail du Christ, le seul suprême pasteur, qui aurait voulu, s^lon elles, donner à son Église un gouvernement simplement aristocratique, par le moyen des évêques successeurs des apôtres, évoques tous égaux entre eux, comme le furent les apôtres. Toutes ces Églises nationales, quel que soit leur nom, seraient donc des parties ou des branches de l’Église universelle ; des Églises-sœurs qui, étant filles du même Père, doivent être unies entre elles par la sympathie et le respect mutuel, quoiqu’il n’y ait entre elles aucun lien de subordination et d’obéissance. Elles vivent côte à côte, et forment une sorte de fédération spirituelle.

Parmi les anglicans surtout, ce concept du gouvernement ecclésiastique trouve un grand nombre de partisans. On rencontre parmi eux, et se disant appartenir à l’Église catholique : l’Église épiscopalienne d’Angleterre, ou haute Église, la High Church oj England ; celle d’Irlande, Church of Ircland ; celle d’Ecosse, Scollish cpiscopal Church. Celle des États-Unis s’appelait, d’abord, Protestant cpiscopal Church ; mais, depuis plus d’un quart de siècle, elle a affirmé plus clairement sa prétention d’appartenir à l’Église catholique, en se faisant appeler American brandi of (lie calholic Church. Ces diverses branches ne refuseraient pas de s’unir à l’Église romaine, si celle-ci consentait à les reconnaître comme des portions de la véritable Église du Christ. Voir Catholicité, t. ii, col. 2010 sq. Cf. Dôllinger, L’Église et les Églises, in-8°, Paris, 1861.

Quand ces diverses Églises séparées se réunissent en congrès, sortes de conciles « pananglicans » , où l’on compte parfois de deux cents à trois cents évêques de tous les pays soumis à la domination anglaise : îles Britanniques, colonies, Indes, Australie, Afrique et même des États-Unis de l’Amérique du Nord, elles n’osent point formuler des décrets de foi, mais se bornent à échanger des vues, chacun étant à peu près libre de croire ce qu’il veut, et d’interpréter la Bible à sa façon. Il n’y a, parmi elles, aucune autorité constituée, apte à prendre une décision dogmatique ou disciplinaire, au sujet des points controversés qui les divisent. Ces congress oj the bishops of ihe Anglican communion, malgré le décor brillant qui les entoure d’ordinaire, prouvent, chaque fois, avec une évidence nouvelle, l’impuissance radicale d’une Église dont la forme de gouvernement serait simplement aristocratique, corps social sans tête, et démontrent plus clairement, par voie de contrasta, la divine sagesse du Christ, qui a voulu que le gouvernement de son Église fût nettement monarchique, avec une autorité suprême pleine et entière résidant en un chef incontesté auquel tous doivent obéir. Voir Anglicanisme, t. i, col. 1281 sq. ; Amérique, t. i, col. 1050, 1074 ; Épiscopalienne (Église), t. v, col. 365 sq. Cf. W. Palmer, A trealise on the Church oj Christ, 21n-8°, Londres, 1850, l. i, p. 229, 237, 276, 286, 383, 455 ; Lichtenberger, Encyclopédie des sciences religieuses, aux nu ts Vieux catholiques, Église anglicane, Église orientale orthodoxe, 13 in-8°, Paris, 1877-1882, t. ii, p. 725 sq. ; t. iv, p. 295 sq., 324 sq. ; Wilmers, De Ecclesia Christi, 1. V, c. iii, §2, p. 561 sq., 570-572 ; The calholic encijclopedia, au mot Proteslanl episcopal Church in the United States oj America, 15 in-4°, New York, 1907-1913, t. xi,

p. 436 ; t. xii, p. 493 sq. ; Coleman, The Church in America, in-8°, New York, 1895.

On trouve ces audacieuses doctrines enseignées ex professo dans le De republica christiana, publié par le trop fameux Marc-Antoine de Dominis, archevêque de Spalatro, successivement catholique, anglican, do nouveau catholique, puis encore hérétique, 3 in-fol., Londres, 1617, 1620, ouvrage plusieurs fois réédité, en Allemagne surtout. L’auteur prétend y démontrer que le vrai gouvernement ecclésiastique, tel qu’il a été institué par le Fils de Dieu, n’est pas une monarchie, mais une république aristocratique, car les apôtres, dit-il, furent tous égaux, et les évêques le sont aussi. Tous sont également les vicaires du Christ. Leur juridiction n’est pas restreinte à tel ou tel lieu, mais s’étend, de soi, à l’Église universelle. La seule monarchie qu’on pourrait admettre dans l’Église serait celle de l’évêque dans son propre diocèse, ou celle d> ; l’ensemble des évêques des Églises particulières, qui, par leur union en concile, forment la première autorité de l’Église universelle. Mais, de droit divin il n’existerait entre les évêques aucune hiérarchie. I a primauté du pape ne serait donc qu’une flagrante usurpation, qui ne peut apporter que la confusion et le trouble dans le gouvernement ecclésiastique, par l’abaissement des évêques, et l’oppression injuste des autres Églises nationales ou régionales, l’Eglise romaine n’étant qu’une Église particulière au même titre que les autres. Le pape ne serait pas plus le successeur de saint Pierre que ne le sont les évêques des autres Églises fondées par lui. Ce serait donc faux que l’Église universelle ait une tête, et que son gouvernement soit celui d’une monarchie. Une telle prétention ne serait que le résultat de l’ambition papale, source de tant de maux, at obstacle principal à la paix de l’Église. Voir Dominis, t. iv, col. 1670 sq. L’auteur s’efforça de propager ses idées schismatiques et hérétiques dam plusieurs autres de ses ouvrages, entre autres le Papatus romanus, in-4°, Londres, 1617, où il tâche de démontrer l’origine humaine du pontificat suprême, son développement et son extinction. Cf. Kirchenlexikon, t. iii, col. 1949 sq. ; The calholic cncyclopedia, au mot Anglicanism, t. i, p. 499 sq. ; W. Palmer, Harmonij oj Anglican doctrine ii’ith the doctrine oj the Easlcrn Church, in-8°, Aherdeen, 1846 ; An appeal to the Scollish bishops and clcrgij, in-8°, Edimbourg, 1849 ; Dissertations on subjects relaling lo the Orlhodox or Easlern calholic communion, in-8°, Londres, 1853.

4° Erreurs de ceux qui voudraient faire du gouvernement ecclésiastique une institution démocratique. — Le premier auteur qui soutint cette doctrine qui, plus encore que les précédentes, s’éloigne de la vérité catholique, semble avoir été Marsile de Padoue, né en 1270, mort en 1343, et qui dogmatisa au commencement du xive siècle. Dans sa De/ensio pacis, publiée vers 1324, il enseigna que, dans l’Église comme dans l’État, l’autorité réside dans le peuple, qui par les élections, la délègue à ses représentants, la retire, ou la modifie. Le vote de la majorité est la loi souveraine. Même au concile, le peuple chrétien reste juge suprême de la foi et de la discipline. Toute la hiérarchie sacrée, institution proprement humaine dépend de lui. Il peut la changer, la transformer l’abroger même. Marsile de I’adouc admet, cependant, encore le sacerdoce, mais égal chez tous les prêtres, et avec cette clause que la juridiction leur vient du peuple chrétien, ou de l’empereur, en tant que celui-ci représente le peuple. Vers la même époque, les fraticelles admettaient pratiquement la même doctrine, sauf la soumission aux princes séculiers. Voir Fraticelles, col. 771 sq. Ces erreurs manifestement hérétiques furent condamnées par le pape Jean XXII Cf. Denzinger-Bannwart, n. 423 sq. ; Mazzella, De religione et Ecclesia, disp. III, a. 7, § 1,