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GOUVERNEMENT ECCLÉSIASTIQUE


tiques, opiniâtres et incorrigibles. En conséquence, il autorisa les cardinaux à procéder à une nouvelle élection pontificale. De ce conclave singulier sortit Alexandre V ; mais comme le concile de Pise était loin d’être œcuménique, il ne fut pas reconnu par une grande partie de la chrétienté, et, au lieu de deux papes, on en eut trois. Le remède était pire que le mal.

Nous ne raconterons pas ici comment et en vertu de quel prétendu droit le concile de Constance, convoqué en 1414, en arriva à déposer deux papes, reçut la démission du troisième, et, le Il novembre 1417, applaudit à l’élection de Martin V. Cette épreuve, une des plus terribles que l’Église ait traversées, se terminait enfin par le retour du monde chrétien à l’unité ; mais de sérieuses tentatives avaient été faites par les membres de cette tumultueuse assemblée contre la divine constitution du gouvernement ecclésiastique. On y avait affirmé, à diverses reprises, la supériorité du concile sur le pape, et on avait proclamé la nécessité de la convocation périodique des conciles généraux, pour contrôler, réglementer et diriger même l’administration du chef de l’Église. Ces prescriptions furent arrêtées dans la xxxixe session, celle du 9 octobre 1417, un mois avant l’élection du pontife légitime, auquel on se proposait de les imposer. Suivant le décret Frcquens, le premier de cette session, les conciles généraux devaient être réunis périodiquement, avec cette clause, cependant, que le premier se tiendrait cinq ans après celui de Constance ; le second, sept ans après le premier, et ensuite régulièrement de dix en dix ans. Chaque concile, avant de clore ses travaux, fixerait le lieu et la date des prochaines assises générales de l’épiscopat. Mais si un schisme se produisait, le concile devrait, de plein droit, se réunir dans l’année même, et aucun des prétendants à la papauté ne le présiderait, tous étant suspendus, ipso facto.

Dans la xl « session, 30 octobre, le concile décréta et ordonna, au nom de l’Église universelle, que le futur pape, à l’élection duquel on allait procéder, serait obligé, de concert avec le concile, ou les représentants de celui-ci, à travailler à la réforme de l’Église dans son chef et dans ses membres, avant même la dissolution du concile, et d’après un programme élaboré par le concile lui-même. Ainsi le concile usait à l’avance de sa prétendue autorité sur le pape futur, et lui signifiait impérieusement ses volontés, auxquelles l’élu devrait se conformer fidèlement. Si ces dispositions draconiennes laissaient subsister, en principe, la monarchie pontificale, elles y apporteraient une notable restriction D’aucuns y verront même plus qu’un simple tempérament, et plutôt une véritable et gênante tutelle. C’était bel et bien, au sens juridique du mot, une diminulio capilis. Mesures fort graves, ne tendant à rien moins qu’à modifier, dans ses lignes essentielles, la constitution du gouvernement ecclésiastique, telle que l’avait établie le divin fondateur de l’Eglise. Elles ne furent, d’ailleurs, jamais approuvées ou confirmées par le pape, ni par Martin V, ni par aucun de ses successeurs. Voir Constance (Concile de), t. iii, col. 1200 sq.

Elles n’en eurent pas moins des conséquences extrêmement regrettables, et qui exposèrent l’Église aux plus redoutables dangers. On s’en aperçut bien dans le concile de Bàle que l’on prétendit imposer, en vertu des décrets du concile de Constance, au pape Eugène IV, successeur de Martin V, et qui finit par dégénérer en conciliabule schismatique. Là se manifestèrent de plus en plus ces tendances, ou plutôt ces intentions bien arrêtées d’une partie de l’épiscopat de faire du concile général un rouage permanent, ordinaire et nécessaire du gouvernement ecclésiastique, et transformer ainsi l’Église en monarchie parlementaire.

Ce mouvement d’opinion occasionna d’abord, cinq ans après le concile de Constance, la réunion de celui

de Pavie-Sienne, qui se tint de 1423 à 1424 et fut dissous prématurément, et comme à l’improvistc. Mais, avant de se séparer, les membres de l’assemblée eurent le temps d’indiquer un nouveau concile, qui, suivant les prescriptions conciliaires de Constance, devait se tenir en 1431. La ville de Bàle fut choisie à cet effet, et Martin V, quoique à regret, avait acquiescé à cette sorte de sommation. Mansi, t. xxviii, col. 1071 sq. ; t. xxix, col. Il sq. ; Hardouin, t. viii, col. 895, 1109, 1113. Il mourut au moment où le concile allait s’ouvrir, 20 février 1431. Le jour même de cette ouverture, 3 mars 1431, Eugène IV était élu ; mais il avait dû, avant l’élection, comme les autres cardinaux, promettre de se conformer en tout aux prescriptions du concile de Constance, et de ne prendre aucune mesure importante pour le bien de l’Église, non seulement sans le conseil, mais aussi sans l’approbation formelle du Sacré-Collège. C’était toujours la papauté mise sous tutelle ; une monarchie fortement tempérée d’aristocratie, et un état de choses en opposition avec la divine constitution du gouvernement ecclésiastique, car le pouvoir suprême ne résidait plus dans le pape, mais était partagé entre lui et le collège des cardinaux. Le concile de Bàle renchérit encore sur ces prétentions cardinalices. Par ses exigences et ses menaces, en effet, quoique le concile comptât encore peu d’évêques présents, il manifesta une hostilité très marquée contre le pape, et afficha la prétention de gouverner l’Église. Les choses en vinrent à tel point que, vers la fin de l’année, le 18 décembre, Eugène IV, par une bulle, prononça la dissolution du concile. Cf. Mansi, t. xxix, col. 564. A cet acte du souverain pontife, le concile répondit en renouvelant les décrets conciliaires de Constance, alfirmant expressément et formellement qu’il ne pouvait être dissous par aucune puissance, même papale, laquelle, au contraire, devait lui obéir, sous peine d’être punie, même par la déposition ; et que, si le pape ne voulait pas réformer l’Église, en son chef et en ses membres, le concile y pourvoirait de sa propre et souveraine autorité. C’était la révolte. Les évêques qui prirent de si graves décisions n’étaient pas nombreux encore, il est vrai ; mais ils se sentaient soutenus par l’opinion publique, et surtout par le personnel des grandes universités d’Europe. Des livres furent écrits pour démontrer la prétendue supériorité du concile œcuménique sur le pape ; et ce qui n’avait été imaginé à Constance que comme un expédient pour terminer le grand schisme, devint l’objet d’un enseignement doctrinal, proposé comme vérité de foi catholique, sapant dans sa base l’institution même de la papauté, puisqu’il tendait à détruire, en fait, la primauté du souverain pontife, en lui enlevant l’administration de l’Église. Cf. Mansi, t. xxix, col. 90 sq., 409, 564 ; Hardouin, t. viii, col. 1183, 1465, 1578. Nous n’entrerons pas dans le récit de ces douloureux débats qui aboutirent à un nouveau schisme, lequel heureusement ne fut pas de longue durée. Voir Bale (Concile de), t. ii, col. 113 sq. Mais ces mauvaises doctrines persistèrent, comme un virus dans le corps social. Elles engendrèrent le gallicanisme, survécurent grâce à lui, s’étendirent, et se formulèrent plus tard, dans les quatre articles de la trop fameuse déclaration du clergé de France, en 1682. Voir Gallicanisme. Cf. Palmieri, De romano pontificc, part. II, c. i, a. 1, thes. xvi, p. 396 sq. ; Mazzella, De religione et Ecclesia, disp. III, a. 8, §1, n. 537, p. 428 ; Pesch, De Ecclesia Christi, part. II, sect. ii, prop. 34, n. 373 sq., Prælcclioncs theologicæ, t. i, p. 233 sq. ; Wilmers, De Ecclesia Christi, 1. II, c. iii, n. 134, p. 239 sq. ; Billot, De Ecclesia Christi, part. II, c. ni, q. xiii, § 2, p. 532-535. Ces erreurs se firent jour encore à l’époque du concile du Vatican. Cf. Mgr Maret, Le concile général et la paix religieuse, 2 in-8°, Paris, 1869 ; Le pape et les évrqucs, in-8°, Paris, 1869.