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GOUVERNEMENT ECCLÉSIASTIQUE

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Assurément, dit Bellarmin, c’est la meilleure forme de gouvernement qu’on puisse souhaiter, et qui puisse exister dans ce monde pervers ; c’est, en même temps, la plus agréable et la plus utile, car tous s’attachent davantage à une forme de gouvernement à laquelle ils peuvent participer ; optima, et in hac mortali vita maxime expetenda ; … et prseterea in hac vita gralior cl utilior. Bona quidem monarchise in hac inesse, planum est… juluram autem in omnibus yraliorem ex eo perspici potest, quod omnes illud genus regiminis magis amant cujus participes esse possunt : quale sine dubio est hoc nostrum. De romano pontifice, 1. I. c. iii, Opéra omnia, t. i, p. 316. Cf. S. Thomas, Sum. theol., V II, q. cv, a. 1.

5° De quel nom spécial faudrait-il appeler cette monarchie, qui, quoique vraie monarchie, n’est ni ahsolue, ni tempérée, au sens strict du mot ? Il faudrait un mot spécial qui n’existe pas : nescio utruni unquam istud nomen inventum sit, seu etiam possil aliquando inveniri. Card. Billot, De Ecclesia Christi, part. II, c. iii, q. xiii, S 2. p. 535. Elle constitue, en effet, une monarchie tout à fait sui generis, à laquelle on pourrait appliquer, non sans raison, la parole liturgique, nec primàm sihilem /> i EST nec habere sequentem. Billot, toc. cit. ; Mazzella, De rcligionc et Ecclesia, disp. III, a. 8, n. 535, p. 426. Cette considération préliminaire suffirait déjà, à elle seule, à montrer dans quelles graves erreurs sont tombés tous ceux qui ont imaginé que l’Église fût bâtie sur le modèle des gouvernements humains, qu’ils fussent monarchiques, aristocratiques ou démocratiques, tempérés ou non. Cf. Wilmers, De Christi Ecclesia, Proleg., a. 3, in-8°, Batisbonne, 1897, p. 17 sq.

II. Erreurs.

1° Erreurs de ceux qui voudraient jaire du gouvernement ecclésiastique une sorte de monarchie bicéphale. — Les premiers qui paraissent avoir sérieusement combattu la forme monarchique du gouvernement ecclésiastique sont les grecs. Cette prétention se fit jour peu après l’ère des persécutions, dès que, avec la paix rendue à l’Église, des avantages temporels commencèrent à entourer les dépositaires du pouvoir spirituel. Ils voulurent la traduire en loi reconnue par toute la catholicité, au IIe concile œcuménique, I er de Constantinople, en 381. Non seulement ils s’efforcèrent de placer au-dessus de toutes les Églises d’Orient celle de Constantinople qui, auparavant, n’était pas même patriarcale, étant un simple suffragant de l’exarque d’Héraclée, en Thrace ; mais ils affirmèrent qu’elle est l’égale de Borne, et n’est inférieure à celle-ci que par l’ancienneté. Quant aux privilèges, elle les possède à un titre égal, par la raison qu’elle est la seconde Borne, oià to sivai aûirjv vÉav’Pwjaïiv, motion et motif qu’ils insérèrent frauduleusement dans le troisième canon de ce concile. Cf. Mansi, Concil., t. iii, col. 578. On voit sans peine toute la portée de ce simple membre de phrase. C’était proclamer que l’Église de l’ancienne Borne jouit de son privilège d’être la mère et maîtresse des Églises de l’univers entier, non de par la volonté de Dieu manifestée par l’apôtre saint Pierre qui voulut y établir son siège, mais par une raison d’ordre purement politique, presque par simple hasard : la majesté de la ville elle-même, siège de la résidence impériale, du sénat et des grandes institutions de l’empire. Donc, comme cela était possible et comme les grecs en voyaient déjà le prélude dans les événements d’alors, si les révolutions humaines enlevaient un jour à l’ancienne Borne sa prééminence politique, et la faisaient descendre, sous ce rapport, au-dessous de Constantinople qui marchait ostensiblement vers un accroissement de splendeur, tandis que Borne déclinait visiblement, l’Église de l’ancienne Borne suivrait cette marche descendante par rapport à celle de Constantinople, la Borne nouvelle, qui s’élèverait d’autant. La monarchie ecclésiastique avait donc, à ce moment,

deux têtes : l’une dans l’ancienne Borne, et l’autre dans li Borne nouvelle. A l’avenir, si elle n’en avait qu’une seule, ce serait évidemment celle de Constantinople, appelée à supplanter complètement sa rivale.

On sera moins surpris de cette ambition exorbitante, si l’on se rappelle que les grecs avaient une tendance très prononcée à classer les évêchés d’après l’importance politique des villes qui en étaient le siège, et à calquer la division des provinces ecclésiastiques sur les divisions des provinces civiles. Ils en avaient fait déjà comme une règle, quarante ans auparavant, par le 9e canon du concile d’Antioche, en 341. Cf. Mansi, t. il, col. 1039. Nous les verrons, plus tard, insister encore sur ce point, et persister à ne pas vouloir s’écarter de ce principe, dans les 12e et 17e canons du IVe concile œcuménique de Chalcédoine. Cf. Mansi, t. vii, col. 362 ; Maassen, Der Primat des Bischofs von Rom und die alten Patriarcalkirchen, in-8°, Bonn, 1853, p. 3.

L’authenticité de ce 3e canon du IIe concile général de Constantinople a été niée par Baronius, Annal, cccles., a. 381, n. 35, 36, 12 in-fol., Borne, 1593-1607, t. iv, p. 342 sq. ; mais il figure dans les anciennes collections de Socrate, H. E., 1. V, c. viii, P. G., t. lxvii, col. 576, et de Sozomène, H. E., 1. VII, c. ix, ibid., col. 1436.

Au sens littéral, ce 3e canon n’accorde, cependant, à l’évcque de Constantinople qu’une prééminence d’honneur, TTûsayjsïa -7J ; tijxtjç ; mais les grecs l’entendirent autrement et y virent une primauté égale, sous tous rapports, à celle du pape. Cf. Mansi, t. vi, col. 607. Les légats du pape saint Léon le Grand, au concile œcuménique de Chalcédoine, en 451, le désavouèrent dans la session xvi", Mansi, t. vii, col. 442 ; Hardouin, Colleclio conciliorum, t. ii, col. 635 sq., et le pape le dénonça comme le fait d’un petit nombre d’évêques, quorumdam episcoporum conscriptio, fait qu’on n’avait jamais porté officiellement à la connaissance du Siège apostolique, ni soumis à son approbation, comme cela était nécessaire. Episl., evi, n. 2-5, P. L., t. liv, col. 997 sq.. 1003, 1005, 1007 ; Mansi, t. vi, col. 204. Cf. S. Grégoire le Grand, Epist., 1. VII, epist. xxxiv, P. L., t.Lxxvii, col. 892 sq. Néanmoins, ce 3e canon fut, dans la suite, inséré dans le Décret de Gratien, part. I, dist. XXII, c. 3, mais avec cette rectification des censeurs romains : Canon hic ex iis est quos apostolica romana Scdes a principio et longo posl lempore non recepil… idque tandem, pacis ac tranquilliiatis causa fuit Mis concessus, en bien spécifiant, toutefois, qu’il ne s’agissait que d’une primauté d’honneur. Cf. Mansi, t. xvi, col. 174 ; t. xxii, col. 991 ; Hardouin, t. vii, col. 24 sq. ; Denzinger, Enchiridion, n. 362.

Ces tendances schismatiques des grecs et leur habitude de s’appuyer sur le bras séculier leur étaient trop naturelles et trop profondément enracinées dans l’esprit pour que les désaveux venus de Borne pussent les en détourner. Ils persévérèrent dans ces errements, après le concile de Constantinople, mais en les accentuant de plus en plus. Cf. Socrate, H. E., 1. VII, c. xxviii, xlviii, P. G., t. lxvii, col. 801, 840 ; Théodoret, H. E., 1. V, c. xxvii, P. G., t. lxxxvi, col. 1256 ; Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, 16 in-4°, Paris, 1693-1712, t. xv, p. 700 sq.

Au IVe concile œcuménique de Chalcédoine, en 451, les grecs, vers la fin, profitèrent de l’absence des légats du Saint-Siège, pour définir, sous l’influence de la cour de Byzance, dans la xv° session, can. 28, que l’évoque de Constantinople, quoique le second par rang d’ancienneté après le pape de l’Église universelle, a cependant les mêmes privilèges que lui. Us revenaient ainsi sur le 3e canon du concile précédent, mais en le précisant davantage. Cf. Mansi, t. vii, col. 246, 443 sq., 452 sq. ; Hardouin, Collcctio conciliorum, t. ii, col. 626,