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GOURMANDISE — GOUSSET


habitude et devient l’ivrognerie proprement dite, il est la cause de maux incalculables pour l’individu, la famille et la société. Par l’alcoolisme, santé, fortune, intelligence, moralité sont menacées ou compromises chez les individus. Pour la famille et la société, les suites sont aussi désastreuses : c’est la fin de la paix domestique, le commencement d’une foule d’attentats et de crimes de toute nature et le début d’une dégénérescence de la race, qui, à chaque nouvelle génération d’ivrognes, s’accentuera de plus en plus. Voir Mgr Turinaz, Lettre pastorale sur trois fléaux de la classe ouvrière, Nancy, 1900 ; Mgr Gibier, Nos plaies sociales : la profanation du dimanche, l’alcoolisme, la désertion des campagnes, Paris, 1903.

IV. Remèdes.

Les remèdes efficaces capables de guérir ce vice ne manquent pas, mais il est plus facile de les indiquer que de les faire adopter.

Remèdes individuels.

Qui veut se guérir de la

gourmandise ou de l’ivrognerie : 1. doit éviter toutes les occasions du péché et fuir les milieux où la tempérance n’est pas strictement observée ; 2. doit fortifier en lui-même la vertu de tempérance par la pratique fréquente de la mortification chrétienne, par la frugale simplicité de ses repas, par le jeûne et par le retranchement de quelques mets superflus ; 3. doit la fortifier encore par la considération des motifs naturels et surtout des motifs surnaturels, qui le portent si fortement à combattre ce vice, et par la prière qui obtient toutes les grâces.

Remèdes généraux.

La plaie grandissante de

l’alcoolisme préoccupe en France et ailleurs tous ceux qui pensent à l’avenir. Les moyens proposés pour combattre efficacement le terrible fléau sont ou des mesures législatives rendant, soit par une réglementation plus sévère, soit par des impôts plus élevés, l’abus de l’alcool plus difficile ou plus coûteux, ou des campagnes de conférences et de presse destinées à éclairer l’opinion publique sur les méfaits et les crimes de l’alcool, ou les sociétés de tempérance. Voir D r Bertillon, L’alcoolisme et les moyens de le combattre jugés par l’expérience, Paris, 1904 ; Vanlæv, Du fléau social ; l’alcoolisme et ses remèdes, Paris, 1897.

S. Thomas. Sum. lheot., ll< II æ, q. cxlix, et ; S. Liguori, Theologia moralis, 1. V, tr. De peccalis, c. iii, dub. v. Tous les théologiens moralistes cités au cours de l’article et spécialement Jaugey, Preeleciiones théologies moralis, tr. De quatuor virtutibus curdinalibus, sect. iv, c. iii, Langres, 1875 ; Ribet, Les vertus et les dons dans la vie chrétienne, I’partie, c. xi.iv, xlv, Paris, 1912.

V. Ohlet.

    1. GOUSSET Thomas##


GOUSSET Thomas, l’une des gloires théologiques de l’épiscopat français du xix° siècle, l’adversaire heureux du rigorisme et l’ardent promoteur de la réaction antigallicane en France, né le 1 er mai 1792 à Montigny-lès-Cherlieu, dans le diocèse de Besançon, appartenait à une famille de modestes et pieux laboureurs. Il avait dix-sept ans, lorsque ses parents consentirent, en 1809, à se séparer de lui et à le laisser commencer ses études classiques ; mais la vivacité de son esprit et sdii application au travail le mirent en mesure d’entrer, dès l’automne de 1812, au grand séminaire de Besançon, et, cinq ans plus tard, le 22 juillet 1817, il était ordonné prêtre. L’année suivante, après neuf mois de vicariat à Lure (Haute-Saône), il était appelé au grand séminaire, pour y professer successivement, treize années durant, le dogme et la morale. L’abbé Gousset sera merveilleux comme professeur ; l’étendue et la précocité de son savoir, ses idées nettes et fortes, son langage limpide et toujours correct, sa voix mâle que relevait encore un accent persuasif, produisaient sur les élèves une impression profonde, et leur inspiraient une admiration presque passionnée. Avec cette première phase de sa longue et laborieuse carrière s’ouvre son action

réformatrice sur l’enseignement français de la théologie. On voit l’abbé Gousset tour à tour annoter les Conférences ecclésiastiques d’Angers, in-8°, Besançon, 1823, dans le sens romain, éloigné à la fois des excès du rigorisme et des abus du relâchement ; soutenir dans sa brochure : Exposition de la doctrine de l’Église sur le prêt à intérêt, Besançon, 1824, que la loi civile ne suffit point à défaut de tout autre titre extrinsèque, pour légitimer l’intérêt : rééditer les Instructions sur le rituel de Toulon, 6 in-8°, ibid, 1827, en en comblant par ses notes les lacunes et en en adoucissant où il convient la sévérité ; améliorer et compléter dans le même esprit le Dictionnaire théologique de Bergicr, 8 in-8°, ibid, , 1827 ; publier enfin le Code civil commenté dans ses rapports avec la théologie morale, Paris, 1827, livre clair et précis, qui obtint en Belgique comme en France un succès prodigieux et répandit au loin le nom de son auteur. Depuis quelque temps déjà, bien qu’élevé lui-même dans les principes du rigorisme qui prévalaient partout au sein des séminaires de France, l’abbé Gousset, à son étude personnelle des vieux théologiens, avait entrevu les défectuosités et les erreurs du système janséniste. La découverte inattendue, en 1829, dans une librairie, d’un exemplaire de la Théologie morale du bienheureux Alphonse de Liguori, alors peu connue et calomniée, lui révéla toute la doctrine que sa science et son rare bon sens lui faisaient pressentir. L’ébranlement de sa santé l’ayant obligé, sur l’ordre des médecins, à partir pour l’Italie en 1830, l’abbé Gousset fit à Rome, devant la Confession de saint Pierre, le vœu, entre autres, de se consacrer tout entier à la défense et à la propagation de la théologie liguorienne ; il y demeurera inviolablement fidèle. De retour à Besançon, il s’empressa de poser à la Pénitencerie, par l’entremise du cardinal de Rohan, son archevêque, les deux questions ci-dessous : 1° Un professeur de théologie peut-il suivre et enseigner les opinions professées par le bienheureux A. -M. de Liguori dans sa Théologie monde ? 2° Doit-on inquiéter le confesseur qui, dans la pratique du tribunal de la pénitence, suit toutes les opinions du bienheureux A. de Liguori, par cette seule raison que le Saint-Siège n’a rien trouvé dans ses ouvrages qui fût digne de censure ? La réponse de la Pénitencerie, confirmée par Grégoire XVI, fut, on le sait, affirmative sur la première question, négative sur la seconde. Bientôt après, l’abbé Gousset, que le cardinal de Rohan avait nommé vicaire général du diocèse en 1831, lançait sa Justification de la théologie morale du bienheureux A. de Liguori, Besançon, 1832. Ce fut un coup de foudre sur l’école rigoriste ; le livre fit grand bruit ; on l’a traduit en italien, réimprimé en Belgique, annexé en diverses éditions aux œuvres de l’évêque de Sainte-Agathe.

Les écrits de l’abbé Gousset avaient mis son nom, sa science et son esprit en pleine lumière. Grégoire XVI le nommera, le 1 er février 1836, évêque de Périgueux et relèvera, le 13 juillet 1840, sur le siège archiépiscopal de Reims ; enfin, le 30 septembre 1850, Pie IX le créera cardinal. Évèque, Mgr Gousset méritera le titre de père des pauvres, tant ses libéralités envers eux seront inépuisables ! Dans toutes les questions où l’intérêt de l’Église est en jeu. il déploiera un zèle éclairé ; en 1841. il réclamera la liberté de l’enseignement avec énergie, et, trois ans après, de concert avec ses suffragants, renouvellera ses réclamations ; il applaudira aux efforts de dom Guéranger pour ramener en France l’unité liturgique, et décrétera, le 15 juinl848, le rétablissement dans son diocèse du rite romain ; jaloux de relever et d’affermir la discipline ecclésiastique, il convoquera et présidera trois conciles provinciaux, l’un en 1849 à Soissons, qui ne fut pas sans retentissement et sans effet sur le reste de la France,