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GNOSTICISME


mondes superposés, le monde hypercosmique, le monde intermédiaire ou supralunaire et le monde ordinaire ou sublunaire. Dans le premier il plaçait le Dieu-néant ; le Néant qui existe, le Dieu-devenir, qui renferme tous les germes, 7 : à<jav ir, v îiavcr ; 16p(uav, Philosoph., VII, 22, p. 349, qui évolue ou passe de la puissance à l’acte, grâce à une triple uîott)ç, dont le rôle est singulièrement expliqué. Dans le second, qu’il nomme le monde de l’Esprit-limite, revsîîfja, ucOopiov, Philosoph., VII, 23, p. 353, il plaçait 365 cieux, dont le premier, le plus rapproché du monde supérieur, est appelé Vogdoade, et dont le dernier, le plus rapproché du monde sublunaire, est appelé l’hebdomade, chacun avec un chef nommé Archon, et tous peuplés d’éons, qui procèdent du Dieu-néant, par une voie qui ne peut être que celle de l’émanation, bien que Basilide n’emploie pas ce terme et semble répudier un pareil mode d’origine. Le grand Archon de l’ogdoade, ignorant l’existence des trois uîot7)ç et du Dieu-néant, se croit le premier de tous les êtres et commet ainsi une faute d’ignorance et d’orgueil qui aura besoin d’être rachetée. Il se donne un fils qui est plus grand que lui. L’Archon de l’hebdomade passe exactement par les mêmes errements que le grand Archon ; d’où l’on peut conclure que les choses se passèrent de manière semblable dans chacun des 363 autres cieux. A noter que l’Archon de l’hebdomade, qui n’est autre que Jéhovah, le Dieu des juifs, est le créateur du monde sublunaire, et notamment de l’homme, composé d’un corps, qui est destiné à périr, d’une âme qui est descendue du monde intermédiaire, de l’un des 365 cieux. Cette âme connaît Dieu naturellement ; elle est élue à raison même de sa nature, Clément d’Alexandrie, Slrom., V, 1, P. G., t. ix, col. 1213 ; son élection s’est faite en dehors de ce monde terrestre. Slrom., IV, 26, P. G., t. viii, col. 1376. Et du fait qu’elle est élue, elle possède naturellement la foi, véritable substance qui lui est inhérente et qui lui permet de connaître la vérité sans démonstration préalable et de posséder toute la gnose par simple intuition. Slrom., II, 4, P. G., t. viii, col. 941. Nullement libre, elle est portée au péché et succombe fatalement quand l’occasion se présente ; elle n’a donc pas le droit de se glorifier de n’avoir pas péché. Etrangère à ce monde, elle n’y est descendue que pour être honorablement punie par le martyre, en vue d’expier des fautes commises dans une autre vie. Slrom., IV, 12, P. G., t. viii, col. 1292.

Dans le système de Basilide, le rachat se fait dans le monde intermédiaire par un sauveur nommé Évangile, qui appartient au monde supérieur et se confond avec la première uiôrr, ;. Descendu dans l’ogdoade, il porte le salut et la science, c’est-à-dire la connaissance du Dieu-néant et de la triple uîott) ;, qu’il manifeste au fils du grand Archon ; et par le fils il illumine le père, qui reconnaît alors son ignorance, cause de son erreur, la confesse et est par là même racheté. Pareillement tous les éons de l’ogdoade sont alors illuminés et rachetés. Ce procédé de rédemption dut être appliqué à chacun des 365 cieux et de la même manière, puisque nous le voyons appliqué ainsi au ciel de l’hebdomade. Cela fait, tout rentre dans l’ordre au milieu du monde intermédiaire. Reste à racheter le nombre sublunaire, où se trouvait égarée la troisième uiott, ;. Ici, nouveau personnage ; car la lumière qui avait lui sur le fils de l’Archon de l’hebdomade descendit en Jésus, le fils de Marie, l’illumina et le remplit de ses feux. Et alors la troisième wJxr^ devint tellement subtile qu’elle put prendre son essor, s’élever à travers et au-dessus de tous les cieux de l’Esprit-limite jusqu’au Dieu-néant. Dès lors plus de larmes ni de soulfrances dans le monde sublunaire ; tous les hommes de la troisième uio’ir) ; s’élèveront à la suite, et leur âme réintégrera le lieu de son origine. Philosoph., VII, 27, p. 363. La rédemption

terrestre achevée, soit par un semblant d’expiation, ainsi que le rapporte saint Irénée, Conl. hser., i, 24, 4, P. G., t. vii, col. 677, ce qui paraît plus conforme au docétisme gnostique, soit par une expiation réelle selon ce qui est écrit dans les Évangiles, comme lindique l’auteur des Philosophoumena, VII, 27, p. 365, une ignorance complète et universelle doit s’emparer de tous les mondes et de tous leurs habitants. « Quand tout cela sera définitivement accompli, quand tous les germes confondus auront été dégagés et rendus à leur place primitive, Dieu répandra une ignorance absolue sur le monde entier, afin que tous les êtres qui les composent restent dans les limites de leur nature et ne désirent rien d’étranger ou de meilleur ; car, dans le ; mondes inférieurs, il n’y aura ni mention, ni connaissance de ce qui se trouve dans les mondes supérieurs, afin que les âmes ne puissent désirer ce qu’elles ne peuvent posséder et que ce désir ne devienne pas pour elles une source de tourments ; car il serait la cause de leur perte. » Philosoph., VII, 27, p. 363.

Tel est le système du premier gnostique égyptien. L’influence du gnosticisme syrien s’y fait sentir ; mais ce n’est pas la seule. Basilide a tenu compte tout particulièrement du dogme de la rédemption enseigné par le christianisme, sauf à le modifier ou à le transformer à sa guise. Mais il a introduit dans la gnose des éléments nouveaux, tels que la nature de son Dieu-néant, la manière de multiplier les cieux dans le monde intermédiaire, la propriété des fils des Archons d’être plus grands que leurs pères, l’ignorance qui doit envelopper chaque monde à la fin des temps ; et sur ces divers points il est tributaire, soit de la cabbale, soit des doctrines de l’ancienne Egypte, comme l’a démontré Amélineau, Essai sur le gnosticisme égyptien, Paris, 1887, p. 139-152.

2. Isidore. — Fils et disciple de Basilide, Isidore continua l’enseignement de son père. Philosophoumena, VII, 20, p. 344. Nous ne savons pas s’il le maintint dans son intégrité ou s’il lui fit subir quelque ; transformations. C’est aux disciples de Basilide que Clément d’Alexandrie attribue la théorie des appendices de l’âme, d’après laquelle les désirs de l’âme sont rendus semblables aux désirs des animaux, loup, singe, lion, bouc, dont elles possèdent les propriétés. Strom., IL 20, P. G., t. viii, col. 1056. Théorie fort commode pour la libéra lion des instincts sans avoir de reproche à se faire. Isidore en a combattu les conséquences immorales, quand il a dit : « Si vous persuadez à quelqu’un que l’âme n’est pas d’une seule pièce, mais que les affections mauvaises viennent des appendices ajoutés à cette âme, vous donnez aux criminels un excellent prétexte pour dire : j’ai été forcé, j’ai été entraîné. je l’ai fait malgré moi. j’ai fait l’action sans le vouloir. Et cependant, c’est l’homme qui est le maître de sa passion qui l’a vaincu parce qu’il n’a pas lutté contre les appendices. » Cité par Clément d’Alexandrie, Slrom., II, 20, P. G., t. viii, col. 1057. Il est certain toutefois que, sciemment ou non, Basilide avait posé les principes d’où devait découler logiquement la libre action ou l’immoralité. Et il est certain également qu’Isidore, dans la question du mariage qu’il permet aux uns et qu’il déconseille aux autres, écrit cette phrase équivoque et dangereuse : SëXTjffOCTcj [xo’vov à-apTîjaai to xaXov /.al é-fCêûEiTai. Slrom., III, i, P. G., t. viii. col. 1101. S’il sulfit, en effet, de vouloir le bien pour le posséder, on pourra le vouloir même en faisant le mal. Et telle est bien la conséquence pratique qu’en tiraient les basilidiens, puisque Clément d’Alexandrie rapporte le passage d’Isidore où elle se trouve, pour accuser leur inconduite. Ils prétendaient, en effet, avoir toute licence pour pécher puisqu’ils étaient parfaits, et être assurés de leur salut, quelque faute qu’ils commissent, puisqu’ils