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GNOSTICISME


nelle ; la promiscuité était admise ; elle constituait la parfaite dilection, la sanctification réciproque, tcXsia àyâjîr), ryiov ocyiwv.

Tel est le cadre et telle est la méthode du gnosticisme. Les gnostiques qui suivront n’auront qu’à utiliser cette méthode et à remplir ce cadre ; ils ont désormais à leur portée tout ce qu’il faut pour séduire et tromper, et ils vont agir en conséquence.

2. Ménandre.

Les disciples de Simon usèrent, comme lui, de la magie, recoururent à l’usage des philtres, interprétèrent les songes, eurent des statuettes de Simon et d’Hélène, qu’ils adoraient. Saint Irénée dit : Ilonim mystici sacerdotes lidibinose quidam vivunt, magias autem perfi.ciu.nt, quemadmodum potest unusquisque corum. Exorcismis et incanlalionibus uluntur. Amatoria quoque et agogima, et qui dicuntur paredri cl oniropompi, et qu.secu.mque sunt alia perierga apud cos studiose exerceniw. Imaginem quoque Simonis hdbent factam ad figuram Jouis, et Helense in figuram Minervse, et has adorant. Conl. hser., i, 23, 4, P. G., t. vii, col. 672, 673.

L’un des ses disciples fut Ménandre, également de Samarie. L’auteur des Philosophoumena se borne à dire qu’il avait enseigné la création du monde par les anges, l’hilosoph., VII, 28, p. 367 ; et voici ce que nous apprend saint Irénée, Conl. hser., i, 23, 5, P. G., t. vii, col. 673. « Ménandre, dit l’évêque de Lyon, parvint au sommet de la science magique. Il disait que la Première Vertu était inconnue de tous et qu’il était lui-même le Sauveur envoyé par les puissances invisibles afin de sauver les hommes. Selon son système, le monde avait été créé par les anges qui, comme Simon l’avait dit avant lui, n’étaient, aflirme-t-il, qu’une émanation de evvoioc. Cette svvoict communiquait la science de la magie qu’il enseignait lui-même et qui apprenait à vaincre les anges créateurs du monde. Ses disciples ressuscitaient en recevant son baptême, disait-il ; ils ne vieillissaient pas et demeuraient immortels. » Ibid. Eusèbe spécifie ce qu’il faut entendre par cette magie. « Personne, dit-il, ne pouvait, selon Ménandre, arriver à être supérieur aux anges créateurs du monde, s’il n’acquérait l’expérience de la magie que lui, Ménandre, enseignait, et s’il ne participait à son baptême. Ceux qui en étaient devenus dignes y trouvaient l’immortalité, ils ne mouraient pas, restaient sans vieillesse dans une vie immortelle. » II. E., iii, 26, P. G., t. xx, col. 272.

A la différence de Simon qui exigeait pour le salut la croyance en sa propre divinité et en celle d’Hélène, Ménandre exigeait la réception de son baptême et la connaissance de la magie. Parla, il se substituait à son maître. Et tandis que Simon n’avait fait que recourir à la magie comme à un moyen d’en imposer aux simples, il l’avait élevée au rang d’un moyen nécessaire au salut.

3. Saturnin ou Satornilus.

Ménandre compta parmi ses disciples Saturnin et Basilide. Saturnin enseigna à Antioche et fut le chef du gnosticisme syrien. Philosoph., VII, 28, p. 367. Sa doctrine n’était autre que celle de Ménandre et de Simon. Sans en changer l’économie générale, il y ajouta quelques différences caractéristiques. La voici résumée dans les Philosophoumena, VII, 28, p. 367-369 : « Saturnin enseigne qu’il y a un père inconnu de tous et qui a créé les anges, les archanges, les vertus et les puissances. Le inonde et tout ce qu’il renferme a été créé par les anges. L’homme est une création des anges qui, après avoir vu paraître l’image brillante qui était descendue de la suprême puissance, ne purent la retenir parce qu’elle remonta aussitôt vers celui qui l’avait envoyée. Alors ils se dirent en s’exhortant les uns les autres : Faisons l’homme à l’image et à la ressemblance. Cet homme fut créé, mais il ne pouvait se tenir droit à

cause de la faiblesse des anges : il rampait à terre comme un ver. La puissance d’en haut en eut pitié, parce qu’il avait été créé à son image ; elle envoya une étincelle de vie qui releva l’homme et lui donna la vie. Après la mort, cette étincelle retourne vers ce qui est de la même espèce, et le reste se dissout, chaque partie d’après la nature des éléments dont elle est formée. Il démontre que le Sauveur n’était pas né, qu’il était incorporel, sans forme ni figure, qu’il n’était apparu comme homme qu’en apparence, et que le Dieu des juifs était l’un des anges. Puis il ajoute que le père ayant la volonté de détruire tous les princes, le Christ vint parmi nous pour la destruction du Dieu des juifs et le salut de ceux qui croient en lui : ce sont ceux qui ont en eux-mêmes l’étincelle de vie. Saturnin dit qu’il y a deux genres d’hommes formés par les anges : l’un bon et l’autre mauvais. Et parce que les démons venaient en aide aux mauvais, le Sauveur est venu pour la destruction des mauvais et des démons, et pour le salut des bons. Ils appellent le mariage et la procréation des œuvres de Satan. Un grand nombre de ses disciples s’abstiennent de manger de la chair, et, par cette feinte continence, en séduisent plusieurs. Quant aux prophéties, les unes, disent-ils, ont été faites par les anges créateurs du monde, les autres par Satan, que Saturnin nomme un ange et dont il fait l’adversaire des créateurs du monde et surtout du Dieu des juifs. »

On voit les différences introduites dans le système gnostique de ses prédécesseurs par Saturnin. Pour expliquer la faute première qui sert d’origine ou de cause au mal physique et moral, Simon avait imaginé l’emprisonnement de rpivcua par les anges dans le corps humain ; Saturnin se contente de dire que les anges ont bien voulu retenir l’étincelle de vie envoyée par le père, mais que, ne l’ayant pas pu, ils se sont résolus à faire l’homme à son image et à sa ressemblance. Dans l’anthropologie, Saturnin introduit un élément nouveau, l’envoi par le Père de l’étincelle de vie pour redresser l’homme, cette œuvre informe des anges créateurs. Dans la sotériologie, c’est le même docétisme ; le salut est limité, quant aux hommes, à ceux qui possèdent l’étincelle de vie, apparemment aux seuls disciples de Saturnin. Le Christ venant combattre le Dieu des juifs, c’est l’antinomisme qui paraît et qui ira en s’accentuant chez un certain nombre de représentants de la gnose et dans plusieurs sectes gnostiques. Mais il vient combattre aussi les démons et Satan, personnages dont il n’a pas encore été question, et qui, ne pouvant être la manifestation du premier principe parce que ce premier principe est bon, représentent nécessairement le principe mauvais. Et l’on trouve là l’influence du dualisme qui aboutira au système de Marcion. Il est encore question, au moins parmi les disciples de Saturnin, de la condamnation du mariage et de la procréation comme œuvres de Satan, et d’un certain ascétisme qui sera systématisé dans l’encratisme. L’eschatologie enfin, sans être complètement traitée, se dessine déjà : c’est, pour l’homme sauvé, le retour de l’étincelle de vie dans le monde supérieur, et la dissolution tout au moins de son corps.

Le gnosticisme à Alexandrie.

1. Basilide. — Ce

fut Basilide, voir Basilide, t. il, col. 465-475, le condisciple de Saturnin et le disciple de Ménandre qui d’Antioche alla à Alexandrie enseigner la gnose et fut le premier gnostique égyptien connu. S. Irénée, Conl. hser., i, 24, P. G., t. vii, col. 674. Sans abandonner les pratiques magiques de ses prédécesseurs, Cont. hær., i. 24, 5, col. 678 ; voir Abraxas, t. i, col. 121-124, et sans se séparer complètement de leur enseignement, il voulut faire œuvre nouvelle et imagina le système le plus compliqué, le plus abstrait, le plus métaphysique et le moins facile à comprendre. Il admit, lui aussi, trois